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Atlas des relations
homme - rat noir - zoonoses
au Sénégal
Atlas des relations homme - rat noir - zoonoses au Sénégal
E
n observant et analysant la propagation du rat noir (Rattus rattus) au Sénégal, cet ouvrage souligne
la dynamique spatiale d’un réservoir animal emblématique de zoonoses. Dans les confins orientaux
du territoire sénégalais, ce rongeur commensal profite de la transformation des environnements et de la
croissance des échanges marchands pour s’installer là où il est absent. L’étude du modèle dynamique fournit
de nouvelles informations aux acteurs de la santé publique et de l’aménagement du territoire, dans le but de
prévenir les risques d’émergence épidémiques.
L’atlas est issu du programme CHANCIRA (CHANgements environnementaux. CIrculation de biens et de
personnes : de l’invasion de réservoirs à l’apparition d’anthropozoonoses. Le cas du RAt noir dans l’espace
(l’IRD, l’IPD, l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, l’université de Ziguinchor, l’université Paris Nanterre et
l’université de Strasbourg). Les deux premiers ensembles de cartes sont réalisés à partir de documents
d’archives, de données d’enquêtes qualitatives et quantitatives et d’entretiens. Les informations ont
été réunies et homogénéisées dans un système d’information spatialisé propice au développement de requêtes
croisées : sur la durée du XXe siècle, pour suivre la diffusion de Rattus rattus dans le territoire sénégalais ; sur
les vingt dernières années, pour affiner l’étude des dynamiques spatiales du rat noir dans l’est du Sénégal.
Le troisième ensemble de cartes dévoile la dynamique actuelle du rongeur dans des espaces particuliers
des régions de Tambacounda et Kédougou. Les résultats, issus d’enquêtes géographiques, rodentologiques,
entomologiques et virologiques restituent différentes informations : environnements domestiques et villageois,
modes de vie et mobilités, répartition des espèces de rongeurs dans et hors des habitations, distribution des
vecteurs d’arboviroses, prélèvements sérologiques et virologiques sur les populations humaines et animales.
Ces données aident à mieux comprendre les processus liés à l’expansion de Rattus rattus, susceptibles
d’engendrer un risque important de zoonoses pour les populations humaines.
L’ Atlas des relations homme - rat noir - zoonoses au Sénégal insiste sur la nécessité de s’affranchir de toute
logique déterministe, au profit d’une mise en situation géographique et écologique des acteurs et vecteurs
de la transmission et d’une compréhension territoriale globale des processus.
Sur la route nationale 7 entre Missirah et Dialacoto (Sénégal) - O. Ninot, 2014
sénégalais) et de la collaboration interdisciplinaire entre chercheurs de plusieurs établissements partenaires
Atlas des relations homme - rat noir - zoonoses au Sénégal Contribution interdisciplinaire à l’approche One Health
Contribution interdisciplinaire à l’approche One Health
Sous la direction de :
Contribution interdisciplinaire à l’approche
One Health
Pascal Handschumacher
Jérôme Lombard
Mawlouth Diallo
Jean-Marc Duplantier
Pauline Gluski
Catherine Valton
PRODIG Éditions
Campus Condorcet
Bâtiment Recherche Sud
5 cours des Humanités
93322 Aubervilliers Cedex
UMR8586.secretariat@cnrs.fr
Cet exemplaire ne peut être vendu
9
782901
560876
ISBN 978-2-901560-87-6
couverture_juin2021.indd 1
PRODIG Éditions
www.prodig.cnrs.fr/nos-ouvrages
Publication du programme de recherche Chancira
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��Atlas des relations
homme - rat noir - zoonoses
au Sénégal
Contribution interdisciplinaire à l’approche One Health
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�Directeur de collection : Olivier Ninot
Derniers atlas parus :
ATLAS PROBLÉMATIQUE D’UNE MÉTROPOLE VULNÉRABLE - INÉGALITÉS URBAINES À LIMA ET CALLAO
P. Metzger, P. Gluski, J. Robert, A. Sierra
2014
ATLAS DE L’ÉLEVAGE AU SÉNÉGAL - COMMERCES ET TERRITOIRES
J.-D. Cesaro, G. Magrin, O. Ninot
2010
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�Atlas des relations
homme - rat noir - zoonoses
au Sénégal
Contribution interdisciplinaire à l’approche One Health
Publication du programme de recherche Chancira
2012-2015
Contrat ANR-11-CEPS-0010
Appel à projets ANR - CEPS (Changements environnementaux planétaires et sociétés)
Préface
Patrick Giraudoux
Professeur d’écologie
Membre honoraire de l’Institut universitaire de France
Chrono-environnement, Université de Franche-Comté/CNRS
PRODIG Éditions
Pôle de recherche pour l’organisation et la diffusion
de l’information géographique
Aubervilliers, 2021
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�n
Coordination du programme Chancira : Pascal Handschumacher - IRD (Sesstim)
n
Responsables des équipes du programme Chancira :
Pascal Handschumacher - IRD (Sesstim), Jérôme Lombard - IRD (Prodig), Mawlouth Diallo - IPD, Jean-Marc Duplantier - IRD (CBGP)
n
Coordination technique et éditoriale : Catherine Valton - IRD (Prodig)
n
Cartographie et conception graphique : Pauline Gluski - IRD (Prodig), Catherine Valton - IRD (Prodig)
n
Conception de la maquette : Jean-Daniel Cesaro
n
Liste des auteurs :
Bâ Khalilou - IRD (CBGP)
Bâ Yamar - IPD
Dalecky Ambroise - IRD (CBGP/LPED)
Diagne Christophe Amidi - IRD (CBGP) - Univ. Paris-Saclay
Diagne Moussa Moïse - IPD
Diallo Diawo - IPD
Diallo Mamoudou - IRD (CBGP)
Diallo Mawlouth - IPD
Duplantier Jean-Marc - IRD (CBGP)
Faye Oumar - IPD
Faye Ousmane - IPD
Gauthier Philippe - IRD (CBGP)
Gaye Alioune - IPD
Granjon Laurent - IRD (CBGP)
Handschumacher Pascal - IRD (Sesstim)
Husse Laëtitia - IRD (CBGP)
Kane Mamadou - IRD (CBGP)
Konečný Adam - Muni
Le Fur Jean - IRD (CBGP)
Lombard Jérôme - IRD (Prodig)
Lucaccioni Héloïse - Univ. Paris Nanterre - ECDC
Mbaye Ibrahima - UASZ
Mediannikov Oleg - IRD (Mephi)
Mocquot Alexandre - Unistra
Ndiaye Oumar - IPD
Niang Youssoupha - IRD (CBGP)
Ninot Olivier - CNRS (Prodig)
Piermay Jean-Luc - Unistra
Piry Sylvain - INRAe (CBGP)
Sadio Bacary - IPD
Sakho Pape - Ucad (LaboGéHu)
Sall Amadou Alpha - IPD
Sall Omar - IRD
Sambou Pierre Corneille Ucad (LCE)
Sow Abdourahmane - IPD
Sow Aliou - IRD (CBGP)
Sy Ibrahima - Swiss TPH - Ucad
Liste des organismes
CNRS
ECDC
INRAe
IPD
IRD
Muni
Swiss TPH
UASZ
Ucad
Unistra
- Centre national de la recherche scientifique (France)
- European Center for Disease Prevention and Control (Union européenne)
- Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (France)
- Institut Pasteur de Dakar (Sénégal)
- Institut de recherche pour le développement (France)
- Masaryk University (Tchéquie)
- Swiss Tropical and Public Health Institute (Suisse)
- Université Assane Seck de Ziguinchor (Sénégal)
- Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal)
- Université de Strasbourg (France)
Liste des UMR/équipes de rattachement
Sesstim
Prodig
CBGP
LPED
Mephi
LaboGéHu
LCE
n
- Sciences économiques et sociales de la santé & traitement de l’information médicale - Aix-Marseille université/Inserm/IRD/Isspam
- Pôle de recherche pour l’organisation et la diffusion de l’information géographique - CNRS/IRD/Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/Université de Paris/
AgroParisTech/Sorbonne Université
- Centre de biologie pour la gestion des populations - INRAe/Cirad/IRD/Montpellier SupAgro
- Laboratoire population environnement développement - Aix-Marseille université/IRD
- Microbes Evolution Phylogeny and Infections - Aix-Marseille université/IRD
- Laboratoire de géographie humaine - Ucad
- Laboratoire de climatologie et d’environnement - Ucad
Remerciements :
– aux autorités locales dans les régions de Tambacounda et Kédougou pour leur soutien
– aux habitants des régions de Tambacounda et Kédougou pour leur accueil
– aux représentants de l’IRD au Sénégal : Georges De Noni (2011-2013), Yves Duval (2013-2014), Laurent Vidal (2015-2018)
– à Géraud Magrin (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), Karine Delaunay (IRD), Olivier Ninot (CNRS), pour leur relecture
– à Michel Lesourd (Université de Rouen), Coralie Rabiniaux (stagiaire cartographe)
Ce programme a fait l’objet de l’approbation no 0360-MSAS/DPRS/DR, délivrée par le comité national d’éthique pour la recherche en santé du Sénégal,
le 24 octobre 2011.
Photos de couverture :
1 La route en provenance de Dakar, Tambacounda. O. Ninot, 2014
2 Les périphéries rurales de Kédougou. O. Ninot, 2014
1
2 3 4 5
3 Rat noir au Sénégal oriental. L. Granjon, 2012
4 Laboratoire d’analyses, Institut Pasteur de Dakar. M. M. Diagne, 2021
5 Déchargement d’un camion dans un entrepôt du marché de Kédougou. O. Ninot, 2014
Cet ouvrage doit être référencé comme suit :
Handschumacher P., Lombard J., Diallo M., Duplantier J.-M., Gluski P., Valton C., 2021. Atlas des relations homme - rat noir - zoonoses au Sénégal.
Contribution interdisciplinaire à l’approche One Health. Prodig, Aubervilliers, 56 p.
Le Code de la propriété intellectuelle et artistique n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les «copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non
destinées à une utilisation collective» et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, «toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le
consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite» (alinéa 1er de l’article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon
sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.
ISBN 978-2-901560-87-6
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© Prodig 2021
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
Sommaire
Préface
n
Introduction
Changements globaux et diffusion des risques sanitaires. Genèse du programme Chancira
Base de données et structuration de l’information
Biologie, écologie et éthologie de Rattus rattus : quelles conséquences en santé publique ?
n
Chapitre un
La présence du rat noir dans le territoire sénégalais. De l’écologie à la modélisation
n
12
13
14
16
Évolution du peuplement, des voies de circulation et du réseau de villes dans le bassin arachidier
18
Le rôle des systèmes de transports dans la propagation du rat noir
20
Bioclimatologie dynamique et évolution des paysages
22
Modélisation de la diffusion du rat noir aux échelles nationale et centennale
24
Chapitre deux
26
Urbanisation et désenclavement dans le sud-est du Sénégal
28
Rôle des connexions et des échanges dans la géographie régionale
30
Distribution géographique du rat noir et des espèces commensales de petits mammifères dans
la moitié sud du Sénégal
32
Rôle des vecteurs dans l’émergence d’arbovirus associés au rat noir
34
Distribution des virus dans les populations humaines et de micromammifères
36
Distribution des agents infectieux non viraux chez les micromammifères
37
Analyse critique des savoirs villageois comme source d’information sur la distribution
des petits mammifères commensaux
38
Chapitre trois
La diffusion limitée de Rattus rattus dans les villages du Sénégal oriental
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9
Historique de la diffusion du rat noir au Sénégal
Du rat noir aux virus du Sénégal oriental
n
7
40
Des conditions de transport inégalement favorables à la propagation du rat noir
42
Distribution de Rattus rattus dans les villes de Tambacounda et Kédougou. De l’analyse intra-urbaine
aux liens entre les capitales régionales
44
Inégalités de distribution de Rattus rattus selon les différents contextes urbains et villageois
46
Analyse synthétique de la relation entre transformations territoriales et dynamiques de l’invasion du rat noir
48
L’importance de la localisation des structures de soins sentinelles dans la surveillance de la distribution
des patients fébriles
50
Conclusion
53
Bibliographie
54
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
Préface
L’
humanité et les États apprennent-ils suffisamment des crises sanitaires qu’ils traversent ? Il est
permis d’en douter quand on constate à quel point le concept d’« Une seule santé » (One Health)
se résume trop souvent à un dialogue, souhaitable, entre médecins et vétérinaires. La plupart des
grandes pandémies du XXI e siècle n’ont toujours pas trouvé leurs origines précises. Les budgets sont massivement
orientés vers la recherche de kits de diagnostic, de traitements et de vaccins. On mise sur le soin, ce n’est pas ceux
qui y ont accès qui s’en plaindront, quand l’incendie sanitaire a atteint le toit de la maison. Comparativement, les
recherches sur l’écologie de l’émergence et la prévention sont rares, car peu ou pas financées. Les chasseurs de virus,
technologiquement armés mais écrasés par le nombre, faute d’une connaissance suffisante des socio-écosystèmes
qu’ils explorent, ont donc toutes les chances de se transformer en pêcheurs à la ligne de l’inutile. La dynamique
spatiale et temporelle des populations d’organismes hôtes animaux comme humains, multi-échelles, contrainte ou
favorisée par l’ensemble des forces physicochimiques, biologiques (prédateurs, autres parasites, compétiteurs, etc.)
et socio-anthropologiques, et leurs nombreuses idiosyncrasies sont le moteur de l’émergence. Condamnés à la
réparation coûteuse, après quelques millions de morts, les acteurs de la santé ne peuvent agir précocement, misent
donc sur la biosécurité, et l’humanité se laisse perpétuellement surprendre et déborder. Dans un tel contexte, les
exemples d’intégration disciplinaire réussie, permettant de contextualiser dès l’amont les conditions d’émergence
des zoonoses, sont rares, donc précieuses.
S’appuyant sur une collaboration entre chercheurs de l’Institut Pasteur de Dakar, des universités de Dakar, de
Ziguinchor, Paris Nanterre et Strasbourg et de l’IRD, le programme interdisciplinaire Chancira, financé par
leurs institutions et l’ANR, a pris le concept d’une seule santé dans toute son acception. Il a permis de mieux
comprendre les processus qui ont soutenu la propagation et la diffusion du rat noir, porteur de multiples zoonoses,
au Sénégal. Biologie animale, virologie, géographie, épidémiologie se sont croisées dans une problématique
coconstruite, éclairant ainsi les multiples facettes des processus de sa propagation et les conditions susceptibles de
conduire au passage de ses agents infectieux aux populations humaines. C’est ce monde intégratif, peuplé d’une
impressionnante liste de contributeurs, que cet ouvrage nous invite à visiter.
Cet atlas permet de présenter, dans une vision synthétique, les principaux résultats issus de quatre années
de travaux de terrain, d’exploitation d’archives historiques et de publications spécialisées. Ils montrent que
la situation actuelle de ce réservoir de zoonoses ne doit rien au hasard, mais s’appuie sur des dynamiques de
production des territoires au gré des transformations de l’espace sénégalais, du développement des réseaux et selon
des contextes biogéographiques hétérogènes possédant leurs propres espèces de micromammif ères potentiellement
concurrentes. Ces résultats permettent d’identifier des espaces vulnérables et fournissent ainsi des pistes pour
mieux surveiller processus et systèmes environnementaux propices à la diffusion.
Cette approche exemplaire peut maintenant servir de modèle à d’autres études, les connaissances acquises être
confrontées à d’autres lieux et durées. En cela, ces travaux pourront contribuer au développement de recherches
raisonnées, de stratégies de prévention et de lutte en amont de la maladie, à l’usage des acteurs de la santé
publique, de l’aménagement du territoire et pour le bien commun.
Patrick Giraudoux
Professeur d’écologie
Membre honoraire de l’Institut universitaire de France
Chrono-environnement, Université de Franche-Comté/CNRS
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�À propos de l’orthographe des toponymes
L’orthographe des noms de lieux a été vérifiée dans le répertoire des localités du Sénégal sur le site internet de l’Agence nationale de la
statistique et de la démographie (ANSD) et sur le portail web cartographique des services sociaux de base du Sénégal (GéoSSB). Pour la
dénomination des quelques hameaux dont nous n’avons pas retrouvé l’intitulé exact, nous avons suivi les indications fournies par les auteurs
des planches.
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
Introduction
Changements globaux et diffusion des risques sanitaires.
Genèse du programme Chancira
Consultations à l’hôpital Fann de Dakar, centre de traitement des maladies infectieuses au Sénégal - © IRD/J.-J. Lemasson, 2007
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
L
es zoonoses, maladies transmissibles de l’animal à l’homme, représentent six pathologies
sur dix affectant l’humanité. Trois maladies émergentes sur quatre ont pour origine
les animaux. Dans un paysage mondial marqué par les changements globaux
(modifications climatiques, intensification des échanges et des déplacements de personnes
et de marchandises, développement de l’urbanisation), les modalités de la distribution des
espèces animales, hôtes de maladies ou vectrices d’agents infectieux, évoluent de manière
rapide. La transformation des conditions de vie, la densification de l’habitat, la pression sur
les milieux naturels font apparaître de nouvelles configurations spatiales qui favorisent le
passage croissant d’agents infectieux des espèces animales à l’homme.
Les crises sanitaires liées à la diffusion rapide d’épidémies de zoonoses, telles que
le SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère), le MERS-CoV pour Coronavirus du syndrome
respiratoire du Moyen-Orient, le VIH (Virus de l’immunodéficience humaine), Ebola ou la Covid-19
(maladie à coronavirus 2019), rappellent la nécessité de maîtriser les processus à l’origine de
l’émergence et de l’extension des risques sanitaires. La description des conditions propices
à la modification de la donne épidémiologique ne suffit pas, il convient de comprendre les
mécanismes qui régissent la production d’espaces pathogènes favorables non seulement à
l’émergence ou à la réémergence, mais également à la diffusion de zoonoses infectieuses.
Figure 1 - Régions d’investigation du programme Chancira au Sénégal
selon la distribution des zones agro-écologiques
16° O
14° O
Podor
Dagana
Saint-Louis
M A U R I TA N I E
2
Kanel
Ranérou
i
Tivaouane
Thiès
3
Linguère
Kébémer
a
y
e
1
N
1. Guédiawaye
2. Pikine
3. Rufisque
Matam
Louga
s
16° N
Bakel
Mbacké
Bambey
Diourbel
DAKAR
Fatick
Mbour
Gossas
Guinguinéo
Birkelane Malème-Hodar
Foundiougne Kaolack
14° N
Kaffrine
Nioro du Rip
M ALI
Goudiry
Koumpentoum
Koungheul
Tambacounda
Tambacounda
G AMBIE
Océan
Atlantique
Médina Yoro Foulah
Bounkiling
Bignona
Ziguinchor
Parc national
du Niokolo-Koba
Kolda
Salémata
Goudomp
50 km
Frontière
Saraya
Kédougou
Sédhiou
Oussouye
0
Vélingara
G UINÉE- B ISSAU
Kédougou
G UINÉE
Zone agro-écologique
Limite de région
Élevage extensif
Cultures horticoles
Capitale
Cœur du bassin arachidier
Riziculture traditionnelle
Arachide et mil
Culture de décrue
Cultures vivrières et forêts
Casier rizicole
Zone cotonnière
Casier de canne à sucre
Chef-lieu de région
Chef-lieu de département
Route revêtue
Régions d’étude du programme
Source : Atlas du Sénégal, 2007
10
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�Introduction - Changements globaux et diffusion des risques sanitaires. Genèse du programme Chancira
L’Atlas des relations homme - rat noir - zoonoses au Sénégal reprend les résultats du programme
CHANCIRA (CHANgements environnementaux, CIrculation de biens et de personnes: de l’invasion
de réservoirs à l’apparition d’anthropozoonoses; le cas du RAt noir dans l’espace sénégalais),
développé en réponse à l’appel à projets ANR-CEPS 2011. Entre 2012 et 2015, Chancira a impliqué
trois unités mixtes de recherche (CBGP, Prodig et Sesstim) et un institut de recherche (Institut Pasteur
de Dakar), les universités Cheikh Anta Diop de Dakar et Assane Seck de Ziguinchor, et associé les
universités Paris Nanterre et de Strasbourg. Ce programme interdisciplinaire a été coconstruit par
des biologistes (entomologistes médicaux, mammalogistes, virologues), des géographes et des
modélisateurs. Il a cherché à comprendre, au Sénégal, les dynamiques croisées de l’environnement,
des flux et des espaces colonisés par le rat noir (Rattus rattus), en particulier dans les régions de
Tambacounda et de Kédougou (fig. 1), où le rongeur s’est implanté durant le XXe siècle.
À la suite de l’initiative One Health, qui promeut une approche globale de la santé publique,
animale et environnementale à différentes échelles, l’atlas présente les principaux résultats
de Chancira, principalement l’existence potentielle de nouveaux espaces épidémiogènes,
qui apparaissent avec la propagation du rat noir. La transmission d’agents infectieux à
l’homme, responsables de zoonoses fatales, s’explique par le caractère commensal de
Rattus rattus. Son implantation pérenne dans le territoire sénégalais, en particulier dans l’est
du pays, se maintient dans le temps et semble autant liée à la progression du peuplement
humain et à la transformation de l’économie qu’aux changements environnementaux.
S’appuyant sur des bases de données spatialisées originales, produites à partir de la
compilation de multiples sources (rapports d’expertise, annuaires statistiques, collections
biologiques, documents cartographiques, articles scientifiques), l’atlas privilégie trois niveaux
d’échelles spatiales et temporelles, auxquelles correspondent les trois temps de la
démonstration. Le premier chapitre propose, en parallèle d’un historique de la diffusion du
rat noir d’ouest en est, une analyse de la densification du peuplement humain et du
développement des échanges économiques et des transports. Ce couplage des informations
est synthétisé dans un modèle de simulation de la propagation du rongeur sur le temps
long – le XXe siècle – et sur l’ensemble du territoire sénégalais (approche nationale et
centennale). Le deuxième chapitre change d’échelle et limite l’analyse aux régions de
Tambacounda et Kédougou (anciennement regroupées au sein du Sénégal oriental) et à
la période des vingt dernières années (approche régionale et décennale). La progression
de l’urbanisation se double d’une augmentation des connexions aux réseaux de transport,
qui favorisent la propagation régionale du rat noir, en compétition avec d’autres espèces
commensales, ce qui augmente le risque d’apparition de zoonoses. Le troisième chapitre
précise l’existence potentielle d’espaces partagés entre l’hôte et les humains à l’échelle
des villages et des quartiers urbains (approche locale et actuelle). L’atlas conclut sur les
déterminants de l’émergence d’anthropozoonoses le long du front de colonisation du
rat noir, tout en relativisant le rôle des réseaux de transport dans la diffusion du rongeur.
Les auteurs proposent ici de dépasser une vision déterministe des dynamiques spatiales de
Rattus rattus, à partir des voies de circulation des hommes et des biens ou des caractéristiques
écologiques des milieux. En adoptant une approche systémique, ils montrent de quelle façon
les mécanismes de diffusion et/ou de propagation de ces hôtes de maladies illustrent la
relation dialectique entre systèmes de transport, usages de l’espace et aménagement
du territoire. In fine, l’atlas propose une compréhension globale de la production et du
fonctionnement des espaces à risques d’exposition aux zoonoses, dont le rat noir est porteur
au Sénégal.
P. Handschumacher, J. Lombard, M. Diallo, J.-M. Duplantier
Pour en savoir plus : Salyer S. J., Silver R., Simone R., Barton Behravesh C., 2017. Prioritizing Zoonoses for Global Health Capacity
Building–Themes from One Health Zoonotic Disease Workshops in 7 Countries, 2014-2016. Emerging Infectious Diseases [En ligne],
vol. 23, no 13. DOI: https://dx.doi.org/10.3201/eid2313.170418
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
BASE DE DONNÉES ET STRUCTURATION DE L’INFORMATION
Le fonctionnement du programme Chancira s’est appuyé sur un système de gestion de données spatialisées multi-échelles
associant un Système de gestion de base de données (SGBD) et un Système d’information géographique (Sig). Il a été élaboré
pour permettre d’une part la thésaurisation de l’information, d’autre part sa mise à disposition, et enfin l’articulation des
données collectées à partir des archives et du terrain. Un Schéma conceptuel des données (SCD) a été réalisé initialement afin
d’identifier et de construire les items spécifiques à chaque sous-ensemble de la base. La formalisation théorique a permis de
développer le système d’information proprement dit, comprenant la réalisation et la validation du SCD défini précédemment,
la mise en place des tables de données et du Sig, et le couplage entre SGBD et Sig.
Cette base a été alimentée au cours du projet par les différents partenaires scientifiques, pour chacune des échelles
temporelles et spatiales définies. Aux échelles décennale et centennale, l’information a été homogénéisée sur la base d’une
grille définie selon une maille élémentaire de 10 km de côté pour l’ensemble du territoire sénégalais. La définition de la maille
commune a permis de valider le rôle du commerce fluvial, des routes, des comptoirs commerciaux et des marchés locaux,
ainsi que celui des pôles urbains, dans la production de flux et de biens susceptibles de susciter des transports favorables à
l’embarquement et au convoyage de rats noirs vers l’est du pays.
Aux échelles régionale et locale, à partir des enquêtes de terrain, une seconde base de données a intégré les coordonnées
géographiques de chaque village et hameau et les informations recueillies par concession et par ménage (fig. 1). Elle a permis
d’organiser et d’ajuster des données hétérogènes, en tenant compte des spécificités des disciplines impliquées et de leurs
contraintes méthodologiques.
J. Le Fur, P. Handschumacher, S. Piry
Figure 1 - Exemples de masques de saisie de la base destinés à recueillir les informations
Source : enquête géographique domiciliaire transversale, 2013-2014 (Programme Chancira)
12
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�Introduction - Changements globaux et diffusion des risques sanitaires. Genèse du programme Chancira
BIOLOGIE, ÉCOLOGIE ET ÉTHOLOGIE DE RATTUS RATTUS :
QUELLES CONSÉQUENCES EN SANTÉ PUBLIQUE ?
Rattus rattus, communément appelé rat noir, rat des toits ou rat des bateaux, est un rongeur de la famille des Muridés qui
regroupe toutes les espèces qui ressemblent à un rat ou une souris. Espèce arboricole originaire des forêts tropicales du sud
de la péninsule indienne, le rat noir s’est adapté à l’habitat humain et a peu à peu envahi la quasi-totalité de la planète, à la
suite des migrations humaines.
Dans les ouvrages anciens, on trouve mention de trois sous-espèces caractérisées par des couleurs de pelage différentes :
alexandrinus (fig. 1), rattus (fig. 2) et frugivorus. Cette distinction n’a pas lieu d’être, ces variations de couleur pouvant s’observer dans une même population, voire dans une même portée.
Figure 2 - Le rat noir, morphe sombre (type rattus)
© L. Granjon, 2013
© L. Granjon, 2013
Figure 1 - Le rat noir, morphe clair (type alexandrinus)
Rattus rattus est un rongeur de grande taille, à pelage dorsal allant du marron au noir, s’éclaircissant sur les flancs, à pelage
ventral plus clair, parfois jaunâtre, voire même complètement blanc. La queue nue et annelée est nettement plus longue que la
longueur de la tête et du corps pris ensemble, le museau est pointu, les oreilles sont relativement longues et décollées. Le rat
d’égout, ou rat brun (Rattus norvegicus), est plus grand, a un museau plus arrondi, des oreilles plus courtes, un pied plus long
et une queue de même longueur que la tête et le corps pris ensemble.
Introduit en Afrique par les Européens, le rat noir est essentiellement commensal, autrement dit on le trouve avant tout dans
les villes et villages ; en zone tropicale humide, il est parfois capturé aux alentours des habitats (dans les cultures maraîchères
et les vergers). Il est surtout nocturne, mais peut être diurne en cas de fortes densités et en milieu commensal. Habile grimpeur,
il niche et se déplace sur les toits en paille des habitations. Son régime alimentaire est principalement granivore, faisant de lui
un ravageur majeur des réserves de céréales.
Le rat noir peut se reproduire toute l’année lorsque les ressources sont permanentes. La maturité sexuelle est atteinte à
deux mois et demi, la gestation dure trois semaines et une femelle produit en moyenne cinq à sept petits par portée (fig. 3),
sevrés au bout de quatre semaines. Théoriquement, ces valeurs permettent à un couple et à sa descendance de produire
240 petits en six mois. Le rat noir peut donc être localement très abondant : par exemple, plus de 200 individus ont été capturés
en deux semaines dans un poulailler au Sénégal.
Nombre de femelles
Figure 3 - Données de reproduction sur un échantillon de 215 femelles Rattus rattus du Sénégal
50
- Plus jeune femelle gestante : 45 g
- Plus grand nombre d’embryons : 13
- Nombre moyen d’embryons : 5,8
- Longueur maximale d’un embryon : 40 mm
40
30
20
10
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
Nombre d’embryons par femelle
10
11
12
13
Source : Base de données Petits Mammifères, Centre de biologie
pour la gestion des populations (CBGP), 2016
Sa proximité avec l’homme, tant biologique (c’est un mammifère) que spatiale (il partage l’habitat humain), en fait un réservoir
important de maladies transmissibles, soit directement (morsures, urines, fèces, aérosols), soit par l’intermédiaire d’un vecteur, le
plus souvent un insecte piqueur (moustique, tique, puce).
La maladie humaine la plus connue associée au rat noir est la peste. Elle est apparue au Sénégal en 1914 et a perduré
jusqu’en 1945. Elle a justifié des campagnes de dératisation importantes dans la ville de Dakar ; mais elle était aussi présente
dans la région des Niayes et le long de la voie ferrée Dakar-Saint-Louis jusqu’aux années 1930. Le rat noir a aussi été trouvé
porteur de Borrelia crocidurae, l’agent de la fièvre récurrente à tiques. Des séroprévalences élevées en Hantavirus ont été
signalées en Basse-Casamance (23 %) et dans la région de Tambacounda (15 %). Récemment, des entérobactéries, des bactéries
des genres Bartonella et Rickettsia, potentiellement pathogènes pour l’homme, et Coxiella burnetii (agent de la fièvre Q) ont
été détectées chez le rat noir. Rattus rattus est aussi connu comme réservoir de la leptospirose au Zimbabwe et au Niger et du
typhus murin dans divers pays d’Afrique. C’est enfin un réservoir de la schistosomose intestinale humaine ; toutefois il est absent
du foyer de cette maladie à Richard-Toll, au nord du Sénégal.
J.-M. Duplantier, L. Granjon
Pour en savoir plus : Meerburg B. G., Singleton G. R., Kijlstra A., 2009. Rodent-borne diseases and their risks for public health. Critical Reviews in
Microbiology, vol. 35, no 3, p. 221-70.
13
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�Chapitre un
La présence du rat noir dans le territoire sénégalais.
De l’écologie à la modélisation
Le port de Dakar, plateforme d’importation et de distribution des biens au Sénégal et en Afrique de l’Ouest - © J. Lombard, 2015
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
D
ans les cinq premières planches de l’atlas, qui privilégient la réflexion à l’échelle
nationale et sur le temps long (depuis le début du XXe siècle), le lien entre rat noir et
population humaine au Sénégal est présenté et expliqué.
Arrivé sur les côtes sénégalaises dès le XVe siècle, le rat noir prolifère dans les premiers
comptoirs de commerce. Puis il profite du lent développement, durant les siècles qui suivent,
des trafics fluviaux, ferroviaires puis routiers pour se déplacer vers l’est du pays. Son aire de
présence s’élargit avec la progression du peuplement humain d’ouest en est. Concentrée
autour du bassin arachidier, dans les vallées des fleuves Sénégal et Casamance (sans oublier
la vallée de la Gambie), la population se déploie dans l’ensemble du pays, en particulier dans
les régions de Tambacounda et Kédougou en voie de densification. L’occupation de l’espace
est amplifiée par le développement spectaculaire des villes, notamment Tambacounda et
Kédougou, et de celui des réseaux d’infrastructures et de transport. Depuis la seconde
guerre mondiale, les trafics routiers progressent d’année en année et contribuent à intégrer
aux dynamiques de l’ouest du Sénégal la partie orientale. L’évolution des paysages en est
bouleversée, en raison à la fois de la pression humaine et de la variation interannuelle de
la pluviosité.
Croisant sur un siècle (1910-2010) les données géographiques, démographiques,
économiques et biologiques, qui ont été collectées dans le cadre du programme Chancira, le
processus de simulation mis en œuvre, et présenté dans la cinquième planche de ce chapitre,
identifie les déterminants de la dynamique spatiale des rongeurs dans le temps et l’espace,
en s’appuyant sur les évolutions chiffrées de la croissance urbaine, du réseau d’infrastructures de transport, des trafics fluviaux, ferroviaires et routiers, ainsi que sur les changements
démographiques. C’est sur la base du modèle proposé, construit à l’échelle centennale, que
le simulateur est ultérieurement développé pour une application à l’échelle décennale et
l’étude des processus régionaux, déterminants pour les conquêtes spatiales du rat noir (chapitre deux).
L’analyse des processus de diffusion du rat noir dans le territoire sénégalais confirme le rôle,
sur tout le XXe siècle, de l’urbanisation, des pôles commerciaux et des marchés vivriers locaux,
ainsi que celui des transports ferroviaires et routiers, dans la propagation de Rattus rattus
vers l’est du pays.
P. Handschumacher, J. Lombard, M. Diallo, J.-M. Duplantier
15
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
Historique de la diffusion du rat noir au Sénégal
Originaire du sud de l’Inde, le rat noir est une espèce invasive, essentiellement commensale de l’homme. Son arrivée
sur le continent africain est ancienne et tient au développement des échanges maritimes. Des côtes, il s’est propagé dans
l’intérieur, comme on peut l’observer au Sénégal. Progressivement, il a disparu du nord du pays et demeure présent, de
façon irrégulière, dans le sud et le sud-est du territoire, faisant face notamment à la présence de la souris.
Figure 1 - La diffusion du rat noir dans le monde
Mauritanie
Points d’arrivée possibles
à partir du XVe siècle
Sénégal
Origine du rat noir
Mali
Gambie
Routes d’invasion
GuinéeBissau
Source : d’après Aplin et al., 2011
De la péninsule arabique, le rat noir a rejoint par voie maritime
les ports de la côte est-africaine et Madagascar (fig. 1). Depuis
l’Asie mineure, l’invasion du continent européen s’est effectuée à
partir du pourtour du littoral méditerranéen ; des ports d’Europe, il
a colonisé les Amériques et les côtes d’Afrique de l’Ouest. À l’heure
actuelle, le rat noir est présent sur tout le continent africain, le dernier
pays à être envahi a été le Botswana en 1999. Selon Rosevear (1969),
il a probablement été introduit pour la première fois en Afrique de
l’Ouest par les explorateurs portugais au XVe siècle ou peu après.
Mais il n’existe pas, sur cette zone, de données archéozoologiques
et les premiers spécimens d’Afrique de l’Ouest conservés dans
Guinée
Progression le long du
fleuve Sénégal au XVIIIe siècle
(escales, comptoirs et forts)
Source : d’après Bonnardel, 1992
des muséums datent seulement de la fin du XIXe siècle. Malgré
tout, cette hypothèse semble vraisemblable pour trois raisons :
la grande abondance du rat noir sur les voiliers de cette époque ; la
multiplication des points d’entrée potentiels dès le XVe siècle (entre
1500 et 1700, on comptait 43 forts entre le Banc d’Arguin, dans
l’actuelle Mauritanie, et Ouidah, dans l’actuel Bénin ; de plus, dans
l’actuel Ghana, entre 1482 et 1784 ont été érigés 100 comptoirs sur
300 km de côtes) ; enfin la concomitance entre l’arrivée des Européens
et celle du rat noir, confirmée par les données archéozoologiques
et/ou historiques sur l’Amérique du Nord et l’océan Indien.
Figure 2 - L’invasion du Sénégal par le rat noir, selon les données historiques et génétiques à disposition
16° O
Invasion
depuis l’Europe
14° O
Points d’apparition et aires de diffusion du rat noir
Sénégal
1600-1700
Routes d'invasion inférées par Analyse ABC (Approximate Bayesan Computation)
réalisée avec logiciel DIYABC (Cornuet et al., 2008) sur 257 individus issus de
24 localités et sur 17 locus microsatellites
M A U R I TA N I E
Saint-Louis
16° N
Population
ancestrale
S ÉNÉGAL
Dakar
1850-1920
Bakel
Kidira
1972
Kaolack
14° N
Groupe Sud-Ouest
Groupe Terres neuves
Groupe Nord Niokolo-Koba
Groupe Est
Population issue du mélange de deux groupes
M ALI
Sens de la diffusion du rat noir
Tambacounda
bie
G am
1972
G AMBIE
1600-1700
50 km
Parc national
du Niokolo-Koba
nc
e
Ziguinchor
Casa m a
1999
Kédougou
G UINÉE- B
ISSAU
G
UINÉE
Année/période d’arrivée du rat noir
Route
Site d’observation
Source : d’après Konečný et al., 2013
16
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�Chapitre un - La présence du rat noir sur le territoire sénégalais. De l’écologie à la modélisation
Selon Van Der Laan (1981), en Afrique de l’Ouest, on distingue
trois phases de pénétration des firmes commerciales européennes
à l’intérieur des terres :
– à partir des voies fluviales durant le XVIIIe siècle ;
– à partir des voies ferroviaires, au début du XXe siècle ;
– le long des axes routiers dès le milieu des années 1920.
de rats noirs de l’est du Sénégal (entre Tambacounda et le Mali,
en bleu sur la figure 2) appartiennent à un groupe génétique
différent de celles de la moitié sud-ouest du Sénégal (en orange
sur la figure 2). On peut donc supposer qu’ils sont issus de deux
événements de colonisation différents, qui datent de la même
époque (il y a environ 400 ans). Le groupe Sud-Ouest, issu des
premiers comptoirs côtiers (Gorée, Rufisque, Saly-Portudal, Joal,
Albreda, Fort Saint-James, Ziguinchor), se serait répandu dans
l’intérieur du pays, le long des fleuves Gambie et Casamance, puis
de la voie ferrée et de l’axe routier Sénégal-Mali. Le groupe Est,
quant à lui, est probablement issu d’une introduction au nord par
le port de Saint-Louis, puis d’une pénétration à l’intérieur des terres
par le fleuve Sénégal. Dans les années 1990, le prolongement de la
route bitumée, à partir de Tambacounda et en direction du sud-est,
a abouti à l’arrivée du rat noir à Kédougou en 1999.
C’est ce que l’on observe au Sénégal (fig. 2). À partir de 1750,
10 navires de guerre et 35 à 40 navires marchands de 150 tonneaux
remontent le fleuve Sénégal de juin à décembre jusqu’à Bakel :
cette traversée est appelée Grande traite. Après 1900, le chemin
de fer, construit plus au sud, remplace progressivement la voie
fluviale. Après la seconde guerre mondiale, une route au tracé
parallèle se substitue au rail. Les analyses génétiques confirment
que le rat noir a suivi ces voies d’échanges : ainsi les populations
Figure 3 - Abondance comparée des espèces invasives (rat noir et souris domestique) par rapport aux rongeurs endémiques
1983-1994
M A U R I TA N I E
2011-2014
Rongeurs endémiques
M
A U R I TA N I E
Souris domestique
Rat noir
Source : Dalecky et al., 2015
M
M
ALI
14°
ALI
14°
G UIN ÉE - B ISSAU
G UIN ÉE
G UI NÉE - B I SSAU
Kaolack-Tambacounda et dans le Saloum, progresse la souris
domestique (autre espèce envahissante). Même si cette tendance
est partiellement biaisée du fait d’un changement dans les
techniques de piégeage, l’avancée de la souris, mesurée cette fois
avec les mêmes protocoles, est confirmée de 2011 à 2014. À la fin
des années 1990, le rat noir apparaît à la frontière du Mali (Kidira)
et surtout dans la ville de Kédougou (fig. 3).
Avant les années 1980, le rat noir a disparu de Saint-Louis et
de la vallée du fleuve Sénégal (sa dernière mention date de 1976
à Kaédi, sur la rive mauritanienne). On note aussi son absence
de la région de Kédougou. Jusqu’en 2010, il n’est présent que
dans la zone des Niayes (près de Dakar) et du delta du Saloum,
à l’ouest, et au sud du 14e parallèle. À partir de 1998, on assiste à
une baisse d’abondance du rat noir, tandis que, le long de l’axe
Figure 4 - Comparaison des données de piégeage de micromammifères
dans la ville de Dakar en 1929 et en 2016
Crocidura sp.
2016
1929
Gerbillinés
Sources : Cazanove, 1932 ;
Stragier et al., 2017
Cricetomys gambianus
G UI NÉE
Arvicanthis niloticus
Mastomys sp.
Aujourd’hui, Rattus rattus semble en régression
au Sénégal. D’une part, les inventaires effectués
récemment (2015), dans les anciens comptoirs
(Rufisque, Joal), indiquent qu’il est peu présent et
largement dominé par la souris domestique. La
comparaison à Dakar entre 1929 et 2016 souligne
une diminution du rat noir, désormais repérable
en certains points de la ville et en faible abondance (fig. 4). D’autre part, sa progression vers
l’extrême sud-est apparaît limitée, exception
faite de la ville de Kédougou où il reste cantonné
depuis vingt ans, sans devenir dominant et sans
se répandre hors de l’espace urbain.
Rattus norvegicus
Rattus rattus
Mus musculus
0
10
20
30
40
50
% de captures
60
70
80
J.-M. Duplantier, L. Granjon, A. Konečný
Pour en savoir plus : Aplin K. P., Suzuki H., Chinen A. A. et al., 2011. Multiple Geographic Origins of Commensalism and Complex Dispersal History of Black Rats.
PLoS ONE [En ligne], vol. 6, no 11, e26357. DOI: https://doi.org/10.1371/journal.pone.0026357
17
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
Évolution du peuplement, des voies de circulation et du réseau de villes
dans le bassin arachidier
Les héritages du système économique colonial s’expriment aujourd’hui dans le devenir du territoire sénégalais. En
témoignent, d’une part, l’expansion vers l’est du bassin arachidier, d’autre part un processus de déconnexion de la partie ouest
du pays et de son économie de l’ancien système de production. Née de nouvelles dynamiques d’adaptation aux contraintes
environnementales et à la mondialisation, cette rupture se mesure à l’aune des transformations du peuplement.
Depuis la fin du XIXe siècle, l’emprise spatiale de l’aire de production arachidière est liée au déplacement du front pionnier d’ouest en est.
Trois processus l’expliquent :
– la progression du bassin arachidier le long des axes de transport s’opère, dès le début du XXe siècle, dans les espaces situés à proximité
de la ligne de chemin de fer Thiès-Tambacounda. Après la seconde guerre mondiale, elle se poursuit à partir des axes bitumés, profitant de
la généralisation du transport par camion vers les ports et huileries et l’aménagement de pistes rurales (fig. 1) ;
– la politique de colonisation agricole planifiée – plan de développement 1961-1964, Secteur expérimental de modernisation agricole
(Sema) à Boulel, Terres neuves de Koumpentoum – aboutit à l’extension des surfaces cultivables ;
– les mouvements spontanés de colonisation s’accroissent. Ils sont portés par les paysans mourides dont les chefs religieux sont
surnommés « marabouts de l’arachide » (Copans, 1980). Les colons investissent les espaces interstitiels entre les forêts classées, pénètrent
une partie de la réserve sylvopastorale du centre du pays, puis franchissent la Gambie vers la Haute-Casamance et la forêt de Pata.
Figure 1 - Évolution concomitante du bassin arachidier et des infrastructures de transport (1960-2015)
1960
Saint-Louis
1980
Saint-Louis
Louga
Touba
Thiès
Dakar
Louga
Thiès
vers Kayes
Diourbel
Boulel
Kaolack
Dakar
Linguère
Touba
vers Kayes
Diourbel
Kaffrine
Kaolack
Koungheul
Koumpentoum
Tambacounda
Forêt
de Pata
Forêt
de Pata
Parc national
du Niokolo-Koba
Kolda
Parc national
du Niokolo-Koba
Ziguinchor
Ziguinchor
40 km
40 km
2000
Saint-Louis
Louga
Thiès
Dakar
2015
Saint-Louis
Matam
Louga
Dahra
Dahra
Linguère
Touba
Thiès
vers Kayes
Diourbel
Koungheul
Kaolack
Dakar
Linguère
Touba
Kidira
Diourbel
vers Kayes
Koungheul
Koumpentoum
Kaolack
Koumpentoum
Tambacounda
Kolda
Ziguinchor
40 km
Tambacounda
Parc national
du Niokolo-Koba
Kédougou
Kolda
Ziguinchor
40 km
Parc national
du Niokolo-Koba
vers
Bamako
Kédougou
Bassin arachidier (chronologie)
Front pionnier de l'arachide
En restructuration
Structuré
En désintégration
Localité de l’arachide
et des transports
Route bitumée
Voie ferrée exploitée
Sources : Lake et Touré, 1985 ; Ninot, 2003
Dans les années 1960, la limite septentrionale de la culture
de l’arachide se situe près de Saint-Louis. Après 1980, avec l’accentuation des contraintes écologiques, elle se décale progressivement vers le sud, au niveau de la route Louga-Dahra. Initialement
adossé au littoral, le bassin arachidier s’en éloigne en 2000 d’une
cinquantaine de kilomètres. En 2015, l’aire occupée par le système
de production arachidière est centrée sur Tambacounda, à plus
de 400 km à l’est. Les vieux terroirs se restructurent, voire se
désintègrent. D’un côté, la baisse de la fertilité des sols pousse
les habitants à émigrer ; les transferts monétaires font vivre les
familles restées dans les villages. De l’autre, on assiste au développement de nouvelles activités (maraîchage, pêche, tourisme et
exploitation minière).
18
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�Chapitre un - La présence du rat noir sur le territoire sénégalais. De l’écologie à la modélisation
Figure 2 - Densité de la population par communauté rurale
(1976, 1998, 2013)
1976
Durant le XXe siècle, la progression du front de colonisation
agricole procède de deux mouvements : densification du vieux
bassin arachidier (régions de Thiès, Diourbel et Kaolack), en direction de la frontière gambienne ; occupation des espaces peu
denses à l’exception des réserves naturelles (parc national du
Niokolo-Koba, zone sylvopastorale).
Saint-Louis
M
Louga
A U R I TA N I E
Touba
Thiès
Diourbel
DAKAR
M ALI
Kaolack
G
Tambacounda
AMBIE
Parc national
du Niokolo-Koba
Les politiques d’aménagement du territoire, postérieures à
l’indépendance (1960), favorisent la transformation de l’espace.
Dans la vallée du fleuve Sénégal, la population rurale croît avec les
aménagements de la Saed (Société d’aménagement et d’exploitation
du delta du fleuve Sénégal) et les envois d’argent des émigrés.
Dans l’est et le sud-est, les programmes de mise en valeur portés
par la Sodefitex (Société de développement et des fibres textiles)
ou la Sodagri (Société de développement agricole et industriel
du Sénégal), l’extension des pistes de production, le développement
des points d’accès à l’eau, dans le cadre de programmes d’hydraulique
rurale, aboutissent à la densification du peuplement.
Ziguinchor
G UINÉE- B
50 km
G UINÉE
ISSAU
1998
Saint-Louis
M
Louga
Touba
Thiès
DAKAR
A U R I TA N I E
Diourbel
Fatick
Kaolack
M ALI
G
Tambacounda
AMBIE
Parc national
du Niokolo-Koba
Kolda
Ziguinchor
G UINÉE- B ISSAU
50 km
G UINÉE
2013
Autour et dans les villes (fig. 2), on assiste à la formation de foyers
de fortes densités :
– dans les escales ferroviaires coloniales, des infrastructures sont
mises en place pour assurer les services administratifs, socio-éducatifs et d’encadrement rural, donnant naissance à des villes de plus de
10 000 habitants (six en 1955, huit en 1965) ;
– durant la période charnière des crises écologiques et économiques (1970-1980), marquée par les politiques d’ajustement
structurel, le nombre de communes urbaines augmente peu dans
le bassin arachidier (20 en 1976, 31 en 1988). Relais des migrations
urbaines vers Dakar, elles sont en revanche attractives pour la population environnante ;
– puis le réseau urbain s’étend en dehors du bassin arachidier.
De 36 villes en 1998, on passe à 62 en 2013, un mouvement favorisé
par la mise en œuvre de la décentralisation (vagues de communalisation en 1992, 1996, 2008). La vallée du fleuve Sénégal en profite
et le nombre des communes urbaines double ;
– l’attractivité de Touba, la cité religieuse des Mourides située à
200 km à l’est de Dakar, se développe par la polarisation des flux de
populations de l’ancien bassin arachidier (aujourd’hui désintégré).
Figure 3 - Stocks d’arachide à l’usine de trituration de Dakar
Saint-Louis
Matam
Louga
DAKAR
Touba
Diourbel
Fatick
Kaolack
M ALI
Kaffrine
G
Ziguinchor
Tambacounda
AMBIE
Sédhiou
Parc national
du Niokolo-Koba
Kolda
Kédougou
G UINÉE- B ISSAU
50 km
G UINÉE
Densité de la population (hab./km2)
0
© J. Lombard, 2000
Thiès
M A U R I TA N I E
3
18
Chef-lieu de région
Cité de Touba
99
553
3 100 17 379
Zone sylvopastorale
Source : Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), 2008, 2014
Vectrice de l’intégration du Sénégal au système monde pendant
plus d’un siècle, la culture de l’arachide (fig. 3), dont le cœur est aujourd’hui situé dans l’est du territoire national, a laissé la place à de
nouveaux moteurs : tourisme et maraîchage sur le littoral, agriculture
irriguée dans la vallée du fleuve, exploitation minière et transport
régional, sans oublier les transferts d’argent de la diaspora dans les
périphéries frontalières et dans les anciennes terres arachidières.
P. Sakho, J. Lombard
Pour en savoir plus : Ninot O., 2003. Vie de relations, organisation de l’espace et développement en Afrique de l’Ouest : la région de Tambacounda au Sénégal. Thèse de doctorat
en Géographie, Université de Rouen, 460 p.
19
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24/06/2021 07:59
�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
Le rôle des systèmes de transports dans la propagation du rat noir
En progressant vers le nord puis vers l’est du Sénégal durant le xxe siècle, le chemin de fer a permis l’exploitation des terres
agricoles et la diffusion de la culture de l’arachide. À partir des années 1960, les politiques économiques ont favorisé
le développement du transport routier, y compris le long des voies ferrées, ce qui a engendré le recul rapide de l’offre
ferroviaire sur le territoire national. C’est dans ce contexte, et avec le développement des échanges, que la propagation du
rat noir vers l’est du pays s’est accentuée.
Figure 1 - Nombre moyen de véhicules circulant par jour et par axe en 1996 et en 2012
1996
2012
Nombre moyen de véhicules
(autos et camions par jour)
Podor
Rosso
Bogué
2
Richard-Toll
Saint-Louis
Louga
Kébémer
Mboro
Thiès
Bargny
Fatick
Mbour
Joal
Richard-Toll
Matam
Mboro
Touba
Mbacké
Diourbel
Karang
Fatick
Mbour
Joal
Nioro du Rip
Kidira
Kaffrine
Ziguinchor
Bignona
Tambacounda
Nioro du Rip
Karang
Vélingara
Vélingara
Sédhiou
Bakel
Touba
Mbacké
Diourbel
Kaolack
Tambacounda
Matam
Dahra
Thiès
Bargny
Kidira
Ourossogui
Linguère
Mekhé
Tivaouane
Dakar
Kaffrine
Kaolack
Louga
Kébémer
Bakel
Chef-lieu de région
Autre localité
Bogué
Saint-Louis
Dahra
Mekhé
Tivaouane
Dakar
Ourossogui
Linguère
Podor
Rosso
0
0
9
0
0
0
25 50 80 00 00 85
4 15 30
Kolda
Kolda
Ziguinchor
Kédougou
Oussouye
50 km
Bignona
Kédougou
Sédhiou
Oussouye
Sources : Ministère de l'Équipement et des Transports terrestres, 1996 ; Ministère des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, 2013
La croissance des trafics a été forte sur l’ensemble des axes
routiers de transport (fig. 1), avec notamment le renforcement des
liaisons dans l’est du pays et la progression des échanges avec le
Mali. Cette dynamique illustre le processus d’inclusion économique
des régions orientales du Sénégal, accentué aujourd’hui par
l’exploitation aurifère dans la région de Kédougou. La structure des
échanges demeure déséquilibrée : les trafics sont principalement
concentrés dans les régions densément peuplées de l’ouest du
Sénégal ; l’asymétrie se maintient entre les flux de « montée » et
de « descente », témoin à la fois d’une économie marquée par la
commercialisation des produits agricoles vivriers et d’exportation
(arachide) et par la distribution, depuis Dakar, des produits de
consommation courante importés.
Liens interdépartementaux selon le tonnage de céréales en 1996 et en 2012
1996
2012
Tonnage journalier moyen annuel
Faible (1-15)
M AURITANIE
Moyen (16-35)
Saint-Louis
Fort (36-75)
M AURITANIE
Saint-Louis
Limite de
département
Très fort (plus de 75)
Dakar
Dakar
Touba
Touba
Tambacounda
Tambacounda
M ALI
Kolda
M ALI
Kolda
G UINÉE
50 km
G UINÉE -B ISSAU
Sources : Ministère de l'Équipement et des Transports terrestres, 1996 ; Ministère des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, 2013
Entre 1996 et 2012, on observe la permanence de la forme en étoile des liens entre origines et destinations et leur convergence
sur Dakar ; le corollaire est la faiblesse chronique des liens entre départements périphériques. Les trafics de 2012 soulignent d’une
part l’affirmation de Touba comme centre de consommation et son rôle dans la redistribution à l’échelle du Sénégal ; d’autre part, la
complexification progressive de la matrice des flux.
20
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�Chapitre un - La présence du rat noir sur le territoire sénégalais. De l’écologie à la modélisation
Figure 2 - Évolution du parc de véhicules routiers au Sénégal entre 1979 et 2015
468
Nombre de véhicules toutes catégories (en milliers)
218
128
119
109
1980
1985
1990
1995
348
294
159
137
131
111
264
281
2000
2005
2010
2015 Année
Sources : Lombard, 2015 ; Ministère des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, 2017
La croissance des trafics s’explique pour différentes raisons.
Les transformations démographiques et économiques ont été
massives. La croissance de la population nationale, durant
les quarante dernières années (5 millions d’habitants en 1976,
15,7 millions en 2018), a engendré l’intensification des flux
de marchandises. La progression de l’urbanisation (de 19 à
102 localités de plus de 5 000 habitants entre 1965 et 2013) a
été favorable à la transformation des modes de consommation :
augmentation de la part des produits alimentaires importés (flux
de redistribution), doublée de la mise à disposition des produits
vivriers locaux sur les marchés urbains. L’accroissement de la
consommation des ménages sénégalais est manifeste dans les
régions rurales éloignées de la capitale. La structure de l’économie
nationale a évolué, voyant diminuer la part de l’arachide et
croître la diversité des produits en circulation ; dans le cadre de la
libéralisation des marchés, la forme en étoile des liens à partir de
Dakar s’est maintenue, mais d’autres sont apparus entre régions et
entre villes secondaires, complexifiant le schéma initial (arachide
et céréales circulant vers Touba ou la Gambie).
Un second facteur intervient dans la croissance des trafics, à
savoir les changements observés dans le système de transport.
Le réseau routier concentré dans l’ouest du pays a été complété
dans la partie orientale par le goudronnage des axes existants :
dans la décennie 1990, les pistes Tambacounda-Kédougou
et Tambacounda-Kidira, après 2010 la RN3 entre Linguère et
Ourossogui ; au début des années 2000, construction de l’axe
Sur le temps long, il est incontestable que le rythme et les axes
de progression du rongeur à l’intérieur du Sénégal se calquent
sur l’histoire de la construction du réseau d’infrastructures. Les
transports de marchandises constituent les principaux vecteurs
de sa propagation vers l’est du pays, contribuant à disperser les
individus le long des routes empruntées. Bénéficiant de l’augmentation des consommations de tous types dans les campagnes et
de l’amélioration des pistes, la circulation croissante de petits camions participe vraisemblablement à la dispersion de propagules
en dehors des axes goudronnés.
Aujourd’hui, plusieurs facteurs d’explication du rôle du transport,
abordés dans le chapitre trois (voir p. 42-43), demeurent imprécis :
les conditions d’embarquement et de débarquement du rongeur,
les types de marchandises transportées qui lui sont favorables, les
trajets et les itinéraires des camions.
Figure 4 - Camion semi-remorque importé pour le transport
de marchandises diverses
© O. Ninot, 2014
© J. Lombard, 2002
Figure 3 - Camion assemblé au Sénégal
en service depuis les années 1970-80
routier Kédougou-frontière malienne, maillon méridional du corridor
international Dakar-Bamako. Au cours de la décennie 2010, le
réseau de pistes rurales a été étendu, avec le Programme national
de développement local (PNDL) et le Programme d’urgence de
développement communautaire (PUDC). Le renouvellement du parc
de véhicules a en outre accompagné la mise à niveau du réseau
(fig. 2) : inégal selon les régions, il s’est traduit par le renforcement
des capacités totales de chargement et l’amélioration de
l’efficacité des rotations (durée) d’un plus grand nombre de
camions en circulation (fig 3 et fig. 4).
O. Ninot, J. Lombard
Pour en savoir plus : Lombard J., 2015. Le monde des transports sénégalais : ancrage local et développement international. Marseille, IRD Éditions, 276 p.
21
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
Bioclimatologie dynamique et évolution des paysages
En Afrique de l’Ouest, la caractéristique climatique principale est la variabilité spatiale et temporelle des précipitations.
Cette variabilité affecte à différentes échelles aussi bien le régime des pluies que les hauteurs d’eau déversées par la
mousson. À l’échelle nationale, le Sénégal n’échappe pas à un tel contexte climatique dont les grands traits résultent
conjointement de facteurs géographiques et aérologiques.
Les premiers éléments qu’il convient de prendre en compte
sont, d’une part, la latitude qui confère au territoire son caractère tropical et, d’autre part, la position de finistère ouest-africain
du Sénégal, qui détermine des conditions climatiques différenciées
selon la localisation de la station météorologique (littorale ou
continentale). Les facteurs aérologiques s’expriment dans l’alter-
nance des flux de mousson et d’alizé, dont les déplacements sont
facilités par la platitude du relief. La variabilité spatio-temporelle
de la pluviométrie qui s’associe à cette dynamique permet de
distinguer trois domaines climatiques au Sénégal, selon un gradient sud-nord : les domaines sud-soudanien, nord-soudanien et
sahélien et leurs variantes (côtière et continentale) (fig. 1).
Figure 1 - Les domaines climatiques du Sénégal
Sénég a l
Sahélien côtier
25
100
St-Louis
Sahélien continental
200
Matam
s
Louga
e
y
Linguère
Thiès
Méouane
Bambey Diourbel
Bakel
Station
Saloum
25
Goudiry
200
Kaolack
Nioro du Rip
G
Tambacounda
Gambie
50 km
Précipitations
(mm)
400
M ALI
Tambacounda
300
AMBIE
Ziguinchor
Cap Skiring
Précipitations et températures
mensuelles moyennes
200
25
Ziguinchor
25
Falémé
Kaolack
Koungheul/Kaffrine
200
Frontière
Limite de région
200
Fatick
Sud-soudanien côtier
Mbacké
14° N
0
Nord-soudanien côtier
Deali
Dakar
Mbour
Sud-soudanien continental
Fe
rl o
Linguère
i
N
Dakar
Nord-soudanien continental
Matam
25
a
25
100
25
100
Podor
manc e
Casa
25
Kolda
200
25
G a mbi e
Kolda
Sédhiou
G UINÉE- B
Simenti
Kédougou
Kédougou
200
30
100
25
0
J FMAM J J A S OND
20
Ziguinchor
ISSAU
16° O
Températures
(°C)
35
14° O
Le domaine sahélien continental couvre le nord du Ferlo et une
partie de la moyenne vallée du fleuve Sénégal. C’est la zone la plus
chaude du pays. Entre les isohyètes 100 et 200 mm s’étend une
partie plus ou moins aride qui se déploie jusqu’à un maximum de
500 mm. Les précipitations faibles sont liées à la présence brève de
la mousson, durant trois à quatre mois. Ce domaine est caractérisé
par l’existence d’une végétation ouverte composée de ligneux
G UINÉE
Source : Atlas du Sénégal, 2007
comme les acacias (fig. 2). Du fait des conditions édaphiques et
climatiques particulières, les espèces comme Parinari macrophylla
ou Elaeis guineensis peuvent apparaître sur le littoral ou dans
les Niayes (fig. 3, fig. 4).
Figure 4 - Elaeis guineensis
ou palmier à huile
(région de Thiès)
Figure 3 - Parinari macrophylla ou
pommier du Cayor (région de Louga)
Figure 2 - Acacia raddiana ou faux gommier
© P. C. Sambou, 2014
(région de Louga)
© S. Sambou, 2021
Saint-Louis
Domaines climatiques
A U R I TA N I E
© P. C. Sambou, 2013
16° N
Lac de
Guiers
25
100
M
Podor
22
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�Chapitre un - La présence du rat noir sur le territoire sénégalais. De l’écologie à la modélisation
Figure 5 - Cordyla pinnata ou poirier du Cayor
(région de Tambacounda)
Le domaine nord-soudanien continental concerne une partie du centre du pays,
la haute vallée du fleuve Sénégal et la vallée de la Falémé. Il est balayé pendant
sept à huit mois par la mousson et quatre à cinq mois par l’alizé continental
(harmattan). Les précipitations, essentiellement dues à la mousson, sont comprises
entre 500 et 1 000 mm. La végétation est de type savane arborée à boisée ou de
forêt sèche (fig. 5).
© F. Ngom, 2013
La description du domaine climatique nord-soudanien continental, établie à
partir de la station de Tambacounda, révèle la forte variabilité interannuelle de la
pluviométrie entre 1951 et 2016, marquée par une tendance générale à la baisse
et l’alternance de périodes humides et de périodes sèches (fig. 6). Les périodes
sèches occupent en valeur absolue 37 années sur 66, soit 56 % en valeur relative.
Elles couvrent notamment les décennies 1970, 1980 et 1990.
Figure 6 - Évolution interannuelle des indices pluviométriques de Tambacounda de 1951 à 2016
Indice pluviométrique
3
2
1
courbe de tendance
0
-1
2015
2010
2005
2000
1995
1990
1985
1980
1975
1970
1965
1960
1955
1951
-2
Année
Source : Anacim (Agence nationale de l'aviation civile et de la météorologie)
© Y. M. Diedhiou, 2013
Figure 7 - Parkia biglobosa ou néré (région de Sédhiou)
Le domaine sud-soudanien continental sénégalais possède une
tonalité humide par la présence du flux de mousson durant plus
de huit mois et par les précipitations globalement supérieures à
1 000 mm. Ce domaine est le premier à être envahi par la mousson
et le dernier à être délaissé : il est celui qui dispose de la répartition
des précipitations la plus régulière. Il est l’espace de la forêt
semi-sèche dense à deux étages (fig. 7). La station de Kédougou qui
le caractérise montre des similarités avec celle de Tambacounda. La
période de pluviométrie 1951-2016 est marquée par une variabilité
manifeste et une tendance à la baisse (fig. 8). Les périodes sèches
correspondent à 34 années sur 66 en valeur absolue, soit 52 %
en valeur relative. La péjoration climatique concerne surtout les
décennies 1970, 1980 et la première moitié des années 1990.
Figure 8 - Évolution interannuelle des indices pluviométriques de Kédougou de 1951 à 2016
Indice pluviométrique
4
3
2
1
courbe de tendance
0
-1
Source : Anacim (Agence nationale de l'aviation civile et de la météorologie)
2015
2010
2005
2000
1995
1990
1985
1980
1975
1970
1965
1960
1955
1951
-2
Année
1998 est la dernière année sèche précédant la période d’amélioration pluviométrique qui, depuis, a cours au Sénégal. Le retour d’une
meilleure pluviosité à partir de 1999, année relativement humide, coïncide avec l’apparition du rat noir dans la ville de Kédougou, où pour
la première fois sa présence est relevée.
I. Mbaye, P. C. Sambou
Pour en savoir plus : Sagna P., Ndiaye O., Diop C., Niang A. D., Sambou P. C., 2015. Les variations récentes du climat constatées au Sénégal : sont-elles en phase avec
les descriptions données par les scénarios du GIEC ?. Pollution atmosphérique [En ligne], no 227. DOI: http://lodel.irevues.inist.fr/pollution-atmospherique/index.
php?id=5320
23
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
Modélisation de la diffusion du rat noir
aux échelles nationale et centennale
Le principe de cette modélisation est la reconstitution d’un environnement récapitulant les connaissances acquises sur
les dynamiques d’aménagement du territoire sénégalais, puis d’y situer des populations d’agents (assimilés à de nombreux
minirobots individualisés), de type conducteur humain de véhicule et/ou de type rat. Chaque véhicule est doté d’un type
parmi les modalités suivantes : train, bateau ou camion. Simple objet, il est conduit par un agent humain apte à délibérer
pour le choix d’une destination. Les rongeurs simulés sont dotés d’un cycle de vie qui leur permet de se reproduire lors
d’éventuelles rencontres. Lorsqu’un agent rongeur est confronté au même endroit et au même moment à un véhicule, il a
une chance (paramétrée) d’y monter et de se faire ainsi transporter.
Dans les trois séries de cartes (fig. 1), la probabilité d’embarquement des rats dans les véhicules rencontrés vaut 1/20 000 ; le pas de temps
de simulation, c’est-à-dire d’activité des agents, est quotidien. Lors des simulations, les différentes variables sont modifiées en continu en
fonction de la disponibilité de nouvelles données.
A - L’aménagement du territoire
B - Les transporteurs
C - Les rongeurs
Données qui ont été intégrées dans le
simulateur et leur évolution (Le Fur et al.,
2017). Chaque case est un élément actif du
simulateur (voie ferrée, fleuve, piste, route, zone
de commerce arachidier, ville et sa population).
Déplacement instantané des transporteurs
simulés (les tailles des parcs de camions dans
les villes sont des patterns transitoires), ainsi
que le transport éventuel de rongeurs.
Distribution et densité des rats simulés
dans les diverses villes : les images sont le
résultat de la présence de transports et du
développement biologique des populations
de rats noirs. Un cercle vert dénote une
population installée de rats noirs.
Selon les données incluses dans le modèle,
quatre phases de l’évolution de l’environnement socio-économique sont présentées.
1910 : au début du XXe siècle, les pistes
terrestres sont peu nombreuses et peu
praticables, les trois grands fleuves (Sénégal, Gambie, Casamance) et la première
ligne ferroviaire Dakar - Thiès - Saint-Louis Linguère demeurant les principaux moyens
de déplacement.
Aux alentours de 1940, le commerce arachidier est bien implanté au Sénégal et la
ligne de chemin de fer entre Thiès et Bamako
est opérationnelle.
Les transports suivent l’évolution de l’aménagement du territoire, et le modèle le simule
ainsi : vers les années 1910, le transport par
bateau, sur le fleuve Sénégal principalement,
reste encore prépondérant ; il s’y ajoute les
transports de marchandises par le train.
Autour de 1940, le parc de camions a sensiblement augmenté avec le développement
du commerce arachidier, les véhicules restent
cantonnés au centre du bassin, certains
contournent la Gambie pour établir la jonction avec la Casamance.
Dans les années 1980, le commerce de l’arachide s’est intensifié, les routes principales ont
été bitumées. Avec une forte augmentation
de population, Dakar devient la première ville
du Sénégal.
Vers les années 1980, le commerce ne se
restreint plus à l’arachide et les relations avec
le Mali commencent à s’intensifier. La mise
en place du bac de Farafenni (sur le fleuve
Gambie) modifie la structure du réseau avec
de nombreux camions qui coupent à travers
la Gambie pour l’établissement des relations
commerciales avec Ziguinchor et les bassins
arachidiers autour de Sédhiou et Kolda.
2010 : au début du XXIe siècle, le bitumage
des routes du Sénégal se poursuit sur sa
façade orientale, avec l’axe qui rejoint le Mali
depuis Tambacounda et celui qui connecte
Kédougou au reste du pays. Quelques villes
secondaires telles que Touba-Mbacké, Thiès,
Kaolack ou Mbour prennent de l’importance
(Atlas du Sénégal, 2007).
Dans les années 2010, le parc de camions
a significativement augmenté ainsi que les
populations humaines, conduisant à une
intensification et une diversification des flux
commerciaux vers le Mali notamment. Ceci
engendre une augmentation importante des
probabilités d’embarquement de rats noirs,
qui se dispersent beaucoup plus.
Les conséquences de cet environnement
changeant se répercutent sur la diffusion et
l’implantation de populations de rats noirs
dans le pays.
En 1910, quelques rats se retrouvent transportés par la voie ferrée ou la voie fluviale ;
les effectifs déplacés s’avèrent insuffisants
pour l’implantation de populations pérennes
dans les divers sites.
La situation reste la même jusqu’aux
années 1940, époque à partir de laquelle
les destinations potentielles des rongeurs
sont démultipliées avec l’apparition du
transport par voie routière : cela reste encore
insuffisant pour permettre l’implantation
massive de populations.
Dans les années 1980, la croissance du
peuplement humain conduit à l’installation
pérenne de populations de rats à Dakar,
ainsi que dans les principales villes
carrefours du commerce, telles que Rufisque,
Thiès, Kaolack ou Louga.
Enfin, vers 2010, la desserte continue des
principales villes ainsi que l’augmentation
de leur population humaine voient l’installation de colonies significatives de rats noirs
dans les capitales régionales, ainsi qu’un
début de peuplement, encore non consolidé,
dans les nouvelles villes desservies, telles
que Kédougou.
J. Le Fur
24
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�Chapitre un - La présence du rat noir sur le territoire sénégalais. De l’écologie à la modélisation
Figure 1 - Simulation de l’évolution (1910-2010)
B - Les transporteurs
C - Les rongeurs
2010
1980
1940
1910
A - L’aménagement du territoire
Zone de commerce arachidier
Intense
Modéré
Faible
Rats en cours de transport
Parc de véhicules dans la ville
Effectifs de rats noirs dans
les agglomérations (installations
pérennes et en cours)
Nombre de véhicules de transports
routiers de marchandises
Route
Population urbaine
Source : résultats tirés du simulateur SimMasto
Avec la simulation proposée, l’occupation croissante de l’espace
par les humains apparaît comme un facteur décisif de la propagation
du rat noir. Le territoire sénégalais constitue un cas d’école : d’ouest en
est et sur le siècle écoulé, le développement des villes, la construction
du réseau routier et la progression du trafic de camions sont à la
base de la diffusion du rat noir.
Pour en savoir plus : Van Chi Bonnardel R., 1978. Vie de relations au Sénégal : la circulation des biens. Dakar, IFAN, Mémoire de l’Institut fondamental d’Afrique noire
no 90, 927 p.
25
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�Chapitre deux
Du rat noir aux virus du Sénégal oriental
Aedes aegypti, moustique vecteur de la fièvre jaune et de la dengue
© IRD/M. Dukhan, 2006
Tambacounda, ville marchande et foyer de propagation du rat noir
vers Kédougou - © O. Ninot, 2014
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Ultrastructure du nouveau virus Dianke par microscope électronique
© IPD, 2019
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
L
es sept planches à venir abordent la question de la diffusion du rat noir et de la
distribution des virus associés à Rattus rattus selon une double dimension : régionale,
à l’échelle des régions de Tambacounda et Kédougou (toutes deux constituant l’ancien
Sénégal oriental), et décennale, à l’échelle des deux dernières décennies. L’adoption
d’un cheminement identique à celui du chapitre précédent – partir de l’aménagement du
territoire et des transports pour arriver à la diffusion des rongeurs et des virus – aboutit à
mettre en avant l’importance de l’urbanisation et du désenclavement des campagnes dans
l’apparition du rat noir dans les régions concernées.
L’analyse des trafics routiers souligne le rôle dans les circulations de la ville de Tambacounda
et des pôles secondaires dotés d’une aire de chalandise locale. L’analyse de la distribution
des populations de rat noir, quant à elle, indique que la présence de Rattus rattus n’est pas
seulement fonction de la hiérarchie des villes et de leur degré de connectivité. Confronté aux
caractéristiques de l’environnement (soudano-sahélien, cotonnier et arachidier au nord de la
région étudiée, guinéen et forestier au sud), le rat noir tire parti de manière diverse des supports
offerts par les flux de personnes et de biens pour coloniser de nouveaux territoires. Au gré des
modifications paysagères, de la construction de nouvelles routes ou de l’apparition de zones
aurifères, Rattus rattus s’installe dans la région de Kédougou, sans pour autant parvenir à
s’extraire de la ville du même nom, dans un environnement pourtant plus favorable que celui
de la zone nord du Boundou (au sud de Kidira), où il est parfois le seul rongeur capturé. Ces
apparentes contradictions illustrent le besoin de développer plus avant l’analyse systémique
des flux et des connexions qui sont à l’œuvre dans les différents contextes sociaux et
biogéographiques des régions concernées, afin de comprendre les succès et les échecs des
dynamiques d’invasion biologique du rat noir, confronté à la concurrence d’autres espèces
commensales, telles que Mus musculus, Crocidura olivieri ou encore Mastomys natalensis.
Pour préciser l’aire de distribution actuelle de Rattus rattus, différents travaux de terrain ont
eu lieu dans des villages situés de part et d’autre des axes routiers Tambacounda-Kidira (à la
frontière malienne) et Tambacounda-Kédougou (à la frontière guinéenne). L’échantillonnage
a été réalisé de façon aléatoire, puis des enquêtes de divers types ont été effectuées (rodentologiques, entomologiques, virologiques et géographiques). Les investigations géographiques
caractérisant les communautés villageoises ainsi que les captures de rongeurs, destinées à
rechercher la présence du rat noir, ont porté sur l’ensemble de l’échantillon. Des enquêtes
complémentaires ont prospecté un sous-échantillon représentatif de la zone d’étude, qui privilégie l’échelle des ménages et des individus. Elles ont permis d’affiner l’information sur les
modes de vie, d’habitat et d’habiter, ainsi que sur les pratiques sociales de l’espace et sur
les savoirs des habitants en matière de présence ou d’absence de rongeurs (confrontés aux
données scientifiques). De leur côté, les équipes d’entomologie médicale et de virologie ont
travaillé à l’échelle d’un sous-échantillon de villages en partie identique au premier, afin de
repérer la présence de vecteurs (moustiques, phlébotomes, cératopogonides), indispensables
à la transmission de virus circulant parmi les populations humaines et de rongeurs capturés,
notamment Rattus rattus. Selon l’équipe de l’Institut Pasteur de Dakar, dont les conclusions
sont rapportées dans cet atlas, l’hypothèse d’une relation entre le rat noir et la transmission
à l’homme des virus West Nile et Zika reste à vérifier. De même, si les rongeurs et insectivores
commensaux observés dans les régions de Tambacounda et Kédougou ne semblent pas
constituer les réservoirs principaux de certaines bactéries potentiellement pathogènes pour
l’homme (des genres Borrelia et Bartonella), ces espèces invasives n’en sont pas moins des
hôtes à surveiller.
P. Handschumacher, J. Lombard, M. Diallo, J.-M. Duplantier
27
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
Urbanisation et désenclavement dans le sud-est du Sénégal
Représentant près d’un tiers du territoire national, et région administrative d’un seul tenant jusqu’en 2008, le
Sénégal oriental est un ensemble hétérogène tant sur le plan démographique qu’économique et biogéographique.
Longtemps marquée par l’éloignement et l’enclavement, cette région, autrefois appelée « Sénégal oublié » par ses habitants,
est depuis le début des années 2000 connectée et intégrée à l’ouest du pays par les deux axes routiers qui la traversent.
Le Sénégal oriental est présenté comme une région en devenir,
en raison de la richesse de son sous-sol, de son potentiel
touristique et surtout de son économie agricole. Les paysages et
les systèmes agraires présentent deux gradients (fig. 1). Le nord
est une zone de savanes arborées à l’ouest, se dégradant en
steppes arbustives vers l’est, où le développement de l’agriculture
se heurte à la faiblesse des précipitations. Entre Koumpentoum et
Missirah, se trouvent le cœur agricole de la région (principalement
arachide, mil, maïs, niébé) et celui de l’économie de prélèvement
(bois, charbon, gomme). À l’est, de Kidira à Khossanto, les terroirs
villageois dispersés s’étirent entre les forêts claires, dans les
bas-fonds et le long du cours de la Falémé. Au sud, les paysages
forestiers se densifient jusqu’aux rebords montagneux de la
frontière sénégalo-guinéenne. Les précipitations autorisent une
agriculture diversifiée (coton, riz, légumes, fruits), déstabilisée
depuis la fin des années 2000 par le boom de l’orpaillage artisanal.
Figure 1 - Le Sénégal oriental entre diversification économique et désenclavement
14° O
12° O
M
A U R I TA N I E
Bakel
M a t a m
Sé
n
é
l
ga
Kidira
vers Kayes
Goudiry
T a m b a c o u n d a
Koumpentoum
M ALI
RN1
Malem Niani
RN1 Koussanar Sinthiou
Malème
14° N
800
Tambacounda
F al
ém
Missirah
RN6
é
G AMBIE
Ga
ie
mb
vers Kolda
Dialacoto
1 000
RN
Sabodala
Gold Operations
7
Paysages et systèmes agraires
Savane arborée et forêt sèche
Élevage extensif (agriculture non dominante)
Parc national du Niokolo-Koba
Kharakhaina
K é d o u g o u
Mako Exploration
Company (2018)
Agriculture sous pluie
(arachide, mil, maïs, niébé, principalement)
Khossanto
Saraya
Mako
vers
Kéniéba
Bantako
Salémata
Forêt sèche (agriculture non dominante)
Bananeraie
Kédougou
Coton
G
Forêt classée et parc national
Site minier
Industriel
Population des villes et bourgs
(en milliers)
UINÉE
0
Frontière
Route goudronnée
Limite de région
Chemin de fer
Limite de département
Artisanal
(principaux sites)
Chef-lieu de région
5-10
10-40
> 100
Chef-lieu de département
Autre localité
25 km
Hydrographie
800
Isohyète (en mm)
Limite de la trypanosomiase
Sources : Atlas du Sénégal, 2000 ; ANSD, 2014
28
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�Chapitre deux - Du rat noir aux virus du Sénégal oriental
La ruée vers l’or s’est traduite par des changements
démographiques considérables dans les sites d’extraction, qui
ont accueilli des travailleurs de l’ensemble du Sénégal et des
pays de la sous-région (Mali, Guinée, Burkina Faso). Le village de
Kharakhaina, au nord-est de Saraya, a vu sa population passer
d’une centaine de personnes à près de 14 000 en 2013 (fig. 2). Le
boom aurifère a également accéléré la transformation de la ville
de Kédougou, débutée avec la décentralisation : investissements
dans l’immobilier (et hausse des prix), développement du commerce
et des services. Avec environ 35 000 habitants, Kédougou demeure
une petite ville en comparaison de ses voisines, Tambacounda,
Kayes (Mali) et Labé (Guinée), qui approchent ou dépassent les
130 000 habitants. Le Sénégal oriental est caractérisé par un
faible peuplement (15 hab./km2 dans la région de Tambacounda et
10 pour celle de Kédougou) et un niveau d’urbanisation modeste,
héritages de sa position périphérique dans les organisations
politiques du XXe siècle et de son éloignement des foyers
démographiques et économiques du littoral atlantique.
© O. Ninot, 2014
Figure 3 - Vente de bois le long de la route nationale1 à Malem Niani
© O. Ninot, 2014
Figure 2 - Campement d’orpailleurs dans le village de Kharakhaina
Le Sénégal oriental est longtemps resté enclavé et sous-équipé
en infrastructures. Le réseau de routes revêtues venant de l’ouest
s’interrompait à Tambacounda. Les axes goudronnés, reliant
Saraya à Kédougou (1987), Tambacounda à Kédougou (1996)
et Tambacounda à Kidira (1999), sont venus s’ajouter aux 63 km
existant entre Tambacounda et Dialacoto (1976). En 2014, le
parachèvement de la liaison bitumée entre Kédougou et la ville de
Keniéba au Mali a ouvert un nouvel axe de transport international.
Le réseau de pistes rurales s’est développé dans le cadre de
programmes nationaux de renforcement des équipements des
campagnes et de projets propres aux compagnies cotonnières
et aurifères (pistes de production). La préfecture de Salémata,
éloignée de 80 km de Kédougou, fut longtemps reliée à la capitale
régionale par une piste en mauvais état interdisant l’accès aux
camions et imposant des trajets de cinq à sept heures aux véhicules
de transport en commun. Ce n’est qu’au cours de la décennie 2010
que la réhabilitation de cet axe a permis la pleine intégration de
cette partie du territoire à l’économie régionale.
Le boom de l’orpaillage artisanal a inscrit la région dans les réseaux
d’échanges ouest-africains, tandis que l’implantation d’une mine de
taille industrielle par un consortium international (Sabodala Gold
Operations) a relancé l’hypothèse d’une exploitation du marbre et
du fer dans la région de Kédougou. Dans le domaine agricole, le développement de la culture de la banane le long du fleuve Gambie,
au sud de Tambacounda (à partir des années 1990), puis à l’est de
Kédougou (à partir des années 2000), de même que la consolidation
de la filière riz (soutenue par un programme national) ou la progression de la vente de fruits, légumes et produits de cueillette doivent
beaucoup à l’amélioration des infrastructures routières. Partout,
l’extension des surfaces cultivées, l’augmentation des productions,
ainsi que la croissance de la consommation des ménages ruraux et
urbains engendrent des flux croissants de marchandises, tant sur
les grands axes qu’entre villes et campagnes où les marchés ruraux
ont un rôle essentiel de redistribution. L’essor du tourisme reste en
revanche incertain, les principaux sites d’attraction, que constituent le
parc national du Niokolo-Koba, les réserves de chasse et la zone peuplée par les populations Bassari, restant difficiles d’accès depuis Dakar.
Le désenclavement et le dynamisme économique portés par le
corridor international et l’orpaillage exercent de nouvelles pressions
sur l’environnement (augmentation importante des trafics routiers
dans le parc, défrichages et pollution des eaux autour des sites
miniers), qui constituent de réelles menaces pour la biodiversité et
les fragiles équilibres écologiques (fig. 4).
Figure 4 - Intense trafic routier sur la route nationale 7
traversant le parc national du Niokolo-Koba
© O. Ninot, 2014
Le désenclavement est le déclencheur de dynamiques d’insertion
du Sénégal oriental dans le territoire national et en Afrique de
l’Ouest. Les flux de transit en direction ou en provenance du Mali,
dont la croissance a profité de la marginalisation progressive du
chemin de fer, ont fait naître une économie d’escale le long des routes
nationales 1 et 7 (fig. 3), dans les localités de Koumpentoum, Koussanar,
Tambacounda, Kidira et plus récemment Mako et Kédougou.
O. Ninot
Pour en savoir plus : Diallo L., 2017. Le Sénégal des mines : les territoires de l’or et du phosphate. Paris, L’Harmattan, 352 p.
29
atlas_chapitres_juin21.indd 29
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
Rôle des connexions et des échanges dans la géographie régionale
Les villages échantillonnés par le programme Chancira présentent des caractéristiques socio-économiques différenciées.
À partir des activités économiques et de leur proximité avec le réseau routier et de transport est dressée une typologie
des disparités sociospatiales. Celles-ci apparaissent comme le résultat de l’histoire et des dynamiques contemporaines à
l’œuvre au Sénégal oriental.
Le Sud-Est sénégalais demeure une région essentiellement
agricole. Les localités se distinguent les unes des autres selon le
poids des activités agricoles et commerciales, l’importance de
l’exploitation minière, et le degré de diversification de l’économie
(fig. 1). Dans la majorité des villages, l’agriculture est complétée,
dans des proportions variables, par d’autres sources d’emplois :
commerce, artisanat, maraîchage (de saison sèche), pêche,
exploitation forestière. Trois localités se distinguent par leur vocation
commerciale (Kidira, Goudiry et Vélingara). Situées sur les routes
goudronnées, ces anciennes escales coloniales sont aujourd’hui des
communes de plein exercice et des chefs-lieux départementaux. Le
long de la route menant au Mali, elles bénéficient de l’augmentation
du trafic de transit et deviennent des places d’échanges. Dans
l’extrême sud-est, le regain de l’exploitation minière à partir des
années 2000 s’accompagne d’un changement profond de l’activité,
les habitants se consacrant à l’orpaillage et au commerce au
détriment de l’agriculture (Sabodala, Bantako : fig. 2).
Le développement du commerce (nombre de boutiques, présence
de grossistes, type de marché) et les modes de stockage des
vivres (banque céréalière, magasin de distribution d’intrants et de
semences agricoles) constituent un autre critère de différenciation
des bourgs. Ces caractéristiques illustrent le plus ou moins grand
degré d’intégration des villages aux réseaux marchands. Les
localités commerçantes structurent l’organisation des échanges
et des filières agricoles. Situées à proximité des routes nationales
bitumées, elles abritent les marchés hebdomadaires ou permanents
et constituent les pôles des zones agricoles. En revanche, les
localités qui sont éloignées des lieux d’échanges apparaissent
moins intégrées aux réseaux commerciaux et agricoles. Parmi
elles, les villages les plus en marge conservent un fonctionnement
économique d’autosubsistance avec des stratégies communautaires
d’exploitation et de gestion des stocks vivriers.
Figure 1 - Activités économiques des villages échantillonnés
Bakel
M a t a m
Louga
M AURITANIE
Gouniang
Kidira
Youpe Hamady
K a f f rin e
Sinthiou Doube
T a m b a c o u n d a
Talibadji
Ndiobene
Ida Seco
RN1
RN1
RN6
Gouloumbou
Dieylani
Kothiary
Goumbayel
Sinthiang Koundara
14° N
Dianke Makha
Boutoucoufara
Dialacoto
Dienoudiala
Sabodala
RN
Vélingara
RN6
ALI
Missirah
Badi Nieriko
S é d h i o u
M
Dide Gassama
Soutouta
Tambacounda
G AMBIE
Koussan
Doulouyabe
Bala
Sinthiou Malème
Goudiry
Senoudebou
7
Kounkane
Parc national du Niokolo-Koba
K é d o u g o u
Bantako
G UI NÉ E - B I S S AU
14° O
Zone agro-écologique et ressources naturelles
Arachide et mil (fortes productions)
Arachide et mil
G UINÉE
Activité dominante
des localités échantillonnées
Cultures vivrières et forêts
Agriculture peu diversifiée
Élevage extensif
Agriculture diversifiée
Cultures de décrue
Exploitation minière
Ressources minières
Commerce
Kédougou
0
25 km
12° O
Kédougou Chef-lieu de région
Frontière
Chef-lieu de département
Limite de région
Bakel
Autre localité
Bala
Route goudronnée
Chemin de fer
Sources : Atlas du Sénégal, 2007 ; enquêtes Chancira, 2013
30
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�Chapitre deux - Du rat noir aux virus du Sénégal oriental
Les villages sont inégalement connectés aux réseaux routier
et de transport. L’existence de lignes de transport en commun,
les fréquences de desserte, ainsi que l’orientation des flux
modulent le degré de connectivité spatiale des villages (fig. 3). Les
capitales régionales, Tambacounda et Kédougou, représentent
des carrefours routiers et de transport, eux-mêmes relayés par les
localités urbaines et les bourgs ruraux situés sur le goudron. Les
pôles agricoles sont desservis par des pistes latéritiques ayant un
bon degré de praticabilité et bénéficient de liaisons régulières vers
les axes routiers principaux. Hors des axes nationaux goudronnés,
les conditions de praticabilité des pistes sont variables (fig. 4). Les
villages sont relativement isolés en raison de voies d’accès souvent
© P. Handschumacher, 2013
Figure 4 - Piste inondée menant au village de Ndiobene
© P. Handschumacher, 2013
Figure 2 - Étals du marché de Bantako
impraticables et de la raréfaction des transports en commun. Seuls
font exception les villages du sud-est où l’exploitation aurifère
s’accompagne de l’existence croissante de moyens de transport
(motos, taxi-brousse) depuis et vers la capitale régionale, Kédougou.
La combinaison des activités économiques, commerciales et de
stockage des vivres, ainsi que le degré de connectivité traduisent
l’importance des disparités sociospatiales entre les villages échantillonnés, selon une gradation qui renvoie à la fois à leur situation
géographique et au plus ou moins grand développement de leurs
fonctions économiques.
Figure 3 - Connectivité des villages échantillonnés aux réseaux routier et de transport
Bakel
14° O
12° O
M A UR I TA N I E
Connectivité des localités échantillonnées
Gouniang
Localités situées sur les axes goudronnés
Localités hors des axes goudronnés
Bonne connectivité
Kidira
Connectivité modérée
Youpe Hamady
Senoudebou
Sinthiou Doube
Goudiry Koussan
Talibadji
RN1
Ndiobene
RN1
RN6
Tambacounda
Dieylani
Goumbayel
Piste locale en latérite
Chemin de fer
Frontière
Missirah
Kédougou
Boutoucoufara
Bakel
Bala
Dialacoto
Dienoudiala
RN
Vélingara
Chef-lieu de région
Chef-lieu de département
Autre localité
Sabodala
7
Kounkane
RN6
Piste départementale en latérite
Dide Gassama
Dianke Makha
Badi Nieriko
Sinthiang Koundara
Route nationale bitumée
14° N
Soutouta
Gouloumbou
G AMBIE
Réseau de communication
Doulouyabe
Bala
Kothiary
Sinthiou Malème
Faible connectivité
Parc national du Niokolo-Koba
M
ALI
Bantako
G U I N É E -B I SSA U
G U I NÉ E
Kédougou
0
25 km
Sources : BaseGéo, Agence nationale de l’aménagement du territoire (Anat) ; enquêtes Chancira, 2013-2014
H. Lucaccioni
Pour en savoir plus : Lucaccioni H., 2016. Espaces, liens, et santé : dynamiques d’invasion d’un hôte de zoonoses dans un territoire en mutation : cas du rat noir au Sénégal oriental.
Thèse de doctorat en Géographie, Université Paris-Ouest Nanterre-La Défense, 340 p.
31
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
Distribution géographique du rat noir et des espèces commensales
de petits mammifères dans la moitié sud du Sénégal
Le long de l’axe Dakar-Tambacounda (principale voie de diffusion) et dans l’ensemble du Sénégal oriental a été réalisé un
état des lieux de la distribution de Rattus rattus et des rongeurs commensaux. Des investigations complémentaires dans
les sites d’installation ancienne du rat noir ont également été effectuées dans l’ouest du pays (Petite Côte et Casamance).
Ce bilan proposé sur la période 2012-2015 représente un état de référence et de comparaison avec les données précédentes
et celles à venir.
Figure 1 - Piège grillagé
© Ph. Gauthier, 2013
49 localités d’importance diverse, allant de quelques centaines à plus de 100 000 habitants
(Tambacounda), ont été échantillonnées entre mai 2012 et septembre 2015. Dans les plus
petites, la majorité des bâtiments a été piégée, alors que, dans celles de taille plus importante,
une sélection a été effectuée en suivant deux objectifs : opérer une couverture spatiale aussi
complète que possible en visitant le maximum de quartiers ; sélectionner une grande diversité
de bâtiments et de pièces, principalement chambres, magasins (pièces de stockage de
denrées diverses), cuisines, boutiques et greniers (à céréales en particulier).
Figure 2 - Piège Sherman
© J.-M. Duplantier, 2013
Deux types de pièges ont été utilisés : pièges grillagés fabriqués localement
(8,5 x 8,5 x 26,5 cm : figure 1) et pièges-boîtes pliants (de marque Sherman, 8 x 9 x 23 cm : figure 2).
Ils ont été posés durant une à trois nuits successives au même endroit. Un piège de chaque
type était placé dans les pièces, au sol, sur du mobilier, parfois en hauteur (rebord de mur,
charpente). Ces pièges étaient appâtés avec de la pâte d’arachide déposée sur une tranche
d’oignon, armés dans l’après-midi et relevés le matin.
Figure 3 - Composition de la communauté des petits mammifères commensaux et distribution des principales espèces
Mus musculus
Rattus rattus
Crocidura sp.
Mastomys natalensis
Mastomys erythroleucus
Arvicanthis niloticus
Praomys daltoni
Total de captures par espèce dans les 49 localités échantillonnées
Nombre de captures
par localité échantillonnée
307
130
80
35
15
1
Mus musculus
Rattus rattus
Crocidura sp.
Mastomys natalensis
Mastomys erythroleucus
*Cricetomys gambianus
Arvicanthis niloticus
Gerbilliscus gambianus
Mus (Nannomys) sp.
Steatomys sp.
Praomys daltoni
Autres*
Source : enquêtes Chancira, 2012-2015
Localité échantillonnée
sans capture de l’espèce
0
200
400
600
800
1 000
Nombre de captures par espèce
32
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�Chapitre deux - Du rat noir aux virus du Sénégal oriental
Dans la moitié sud du Sénégal, les deux espèces envahissantes
(la souris domestique, Mus musculus, et le rat noir, Rattus rattus)
sont les plus abondantes en milieu commensal (fig. 3). Elles sont
suivies par les musaraignes (Crocidura sp.), correspondant majoritairement à C. olivieri, puis par deux espèces de rongeurs du
genre Mastomys : M. natalensis, espèce strictement commensale en
Afrique de l’Ouest, et M. erythroleucus, espèce généraliste régulièrement rencontrée au voisinage de l’homme.
dans l’ensemble de la zone d’étude et dans presque deux-tiers des
localités. Il l’est moins à l’ouest de Kaolack et sur la Petite Côte.
Mastomys erythroleucus est absent du quart nord-ouest de
la zone, mais présent dans la grande majorité des localités
restantes. Mus musculus est absent de Basse-Casamance et
du sud-est du pays (région de Kédougou et sud de la région de
Tambacounda), mais régulièrement observé en Haute-Casamance
et vers la frontière du Mali, et présent en continu le long de l’axe
Dakar-Tambacounda. Praomys daltoni n’a été retrouvé qu’au sud
de la Gambie et dans le sud-est du pays. Arvicanthis niloticus
est surtout présent le long de la frontière malienne et de façon
sporadique dans la région de Tambacounda.
Dans le détail, les musaraignes sont enregistrées sur la totalité
de la zone échantillonnée et dans le plus grand nombre de localités
(83 %). À l’inverse, Mastomys natalensis n’a été observé que dans la
région de Kédougou (13 % des localités). Rattus rattus est présent
Figure 4 - Abondances relatives des différentes espèces capturées lors des piégeages en milieu commensal
MAURITANIE
RN
2
RN
Semmé
RN
7
Rufisque
Dakar
Nombre de captures
par localité échantillonnée
Sinthiou
Malème
P
Gandiaye
Joal
et
Cô
te
200
RN1
Kaolack
Niakhene
Fadiouth
Ndiobene
RN
C
Tobor
a
s
a
m
a
Marsassoum
Bala
Dieylani
c
RN6
Diattacounda
e
Bransan
Badi Nieriko
RN
Route nationale
Joal
Localité échantillonnée
Sabodala
7
Kounkane
14° N
Dianke Makha
Boutoucoufara
Parc national
du Niokolo-Koba Mako
Mastomys natalensis
Autres rongeurs natifs
Dide Gassama
Soutouta
Goumbayel
Vélingara
n
M ALI
Koussan
Tambacounda
Gouloumbou
4
Crocidura sp.
5
Kidira
Goudiry
Doulouyabe
Sinthiang Koundara
RN
Youpe Hamady
Talibadji
Kothiary
G AMBIE
3
Rattus rattus
Yaféra
Sinthiou
Doube
Sil
Méréto
Ida Seco
90
60
30
Mus musculus
Bakel
Dembancane
Panal
Birkelane
it e
502
Diawara
Tuabou
3
Bantako
Kédougou
Ségou
Diackene
Ouolof
G UINÉE- B ISSAU
Source : enquêtes Chancira, 2012-2015
L’observation des distributions par localité permet d’affiner les
conclusions sur l’abondance relative des espèces de petits mammifères commensaux dans la moitié sud du Sénégal (fig. 4) :
– Rattus rattus est dominant en Basse-Casamance ainsi qu’en
Haute-Casamance (moins nettement). Il est relativement abondant,
à des degrés variables selon les localités, le long et de part et
d’autre de l’axe Tambacounda-Kidira. Dans la région de Kédougou,
il n’est présent que dans la ville de Kédougou où il est dominé
numériquement par Mastomys natalensis ;
– Mus musculus apparaît globalement dominant sur la Petite Côte
ainsi que sur l’axe Kaolack-Tambacounda, dans certaines localités du
tronçon Tambacounda-Kidira et au nord de Kidira. Il est également
bien représenté dans les localités de Haute-Casamance ;
– Mastomys natalensis est largement présent dans toutes les localités de la région de Kédougou ;
– les autres rongeurs natifs (Mastomys erythroleucus, Praomys
daltoni, Arvicanthis niloticus en particulier), non spécialisés dans
le commensalisme, sont présents en faible fréquence. On peut
G
14° O
UINÉE
0
50 km
12° O
toutefois noter la fréquence particulièrement importante de
Mastomys erythroleucus, mais également d’Arvicanthis niloticus,
dans la zone frontalière du Mali au nord de Bakel ;
– Crocidura sp. est parfois dominante, en particulier aux alentours
de Tambacounda et de part et d’autre de l’axe Tambacounda-Kidira.
Dans la moitié sud du Sénégal, les petits mammifères commensaux sont dominés globalement par deux espèces invasives de
rongeurs (Mus musculus et Rattus rattus), comme c’est le cas dans
de nombreuses régions du monde colonisées par elles. Deux autres
espèces commensales de l’homme, la musaraigne Crocidura olivieri et le rongeur natif Mastomys natalensis, maintiennent des populations significatives et dominent les communautés dans certaines
localités de la région.
L. Granjon, K. Bâ, A. Dalecky, C. A. Diagne, M. Diallo, P. Gauthier,
M. Kane, L. Husse, Y. Niang, A. Sow, J.-M. Duplantier
Pour en savoir plus : Dalecky A., Bâ K., Piry S., Lippens C., Diagne C. A., Kane M., Sow A., Diallo M., Niang Y., Konečný A., Sarr N., Artige E., Charbonnel N.,
Granjon L., Duplantier J.-M., Brouat C., 2015. Range expansion of the invasive house mouse Mus musculus domesticus in Senegal, West Africa: a synthesis of trapping
data over three decades, 1983-2014. Mammal Review [En ligne], no 45, p. 176-190. DOI: https://doi.org/10.1111/mam.12043
33
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
Rôle des vecteurs dans l’émergence d’arbovirus associés au rat noir
Au Sénégal, la proximité de Rattus rattus suscite de multiples réflexions sur le passage de pathogènes chez les vecteurs
locaux et sur l’exposition des populations humaines. L’objectif de l’analyse est de rechercher, dans les zones anciennement
colonisées ou d’apparition récente du rat noir, les vecteurs potentiels des arbovirus et leur implication dans la transmission
à l’homme, ainsi que les conditions permettant le passage de la maladie, afin de caractériser les espaces partagés favorables
à la transmission.
La collecte de vecteurs (moustiques, phlébotomes,
cératopogonides) a été réalisée entre 2012 et 2013 dans
31 sites choisis selon la présence ou l’absence de Rattus
rattus, conformément aux études antérieures effectuées
dans la zone, sur les trois grands axes routiers du sud-est du
Sénégal. Ces sites ont été constitués de douze villages de la
région de Tambacounda et des huit quartiers de la ville de
Kidira ; mais aussi de deux villages de la région de Kédougou
en plus des cinq quartiers de la ville, et quatre villages sur
l’axe Tambacounda-Kolda. Pour chaque village ou quartier de
ville, au moins dix concessions ont été retenues de manière à
couvrir tous les faciès écologiques. Elles ont été prospectées
en début, milieu et fin de saison des pluies, suivant un
transect incluant les concessions situées à la périphérie, en
position intermédiaire ou centrale (fig. 1). Les concessions
sélectionnées pour les échantillonnages entomologiques
sont dans la mesure du possible identiques à celles retenues
pour des prélèvements humains (voir page 36).
Figure 2 - Piège à appât rongeur
Figure 1 - Exemple de transect d’échantillonnage dans
le village de Youpe Hamady (région de Tambacounda)
vers
Kidira
N
N1
R
Puits
Mosquée
vers
Tambacounda
École
Route nationale
Concession
50 m
éch. approximative
Concession où des prélèvements de sang humain ont été effectués
Maison prospectée par l’équipe d’entomologie (saison 2012)
Transect centre-périphérie d’échantillonnage
Parcelle de maïs
Source : enquêtes Chancira 2012-2013
© A. Gaye, 2012
L’échantillonnage des vecteurs a été réalisé sur le terrain par différentes méthodes
standards permettant d’étudier plusieurs paramètres, tels que l’abondance des vecteurs,
leur taux d’agressivité, leur préférence trophique. Les méthodes d’échantillonnage utilisent les pièges lumineux à CO2 et les captures opérées sur les humains. Un piège à
appât rongeur a été confectionné et testé pour l’étude sélective des moustiques ou phlébotomes attirés par le rat (fig. 2).
Des tests d’identification d’origine de repas de sang par ELISA (Enzyme Linked
ImmunoSorbent Assay) et par PCR (Polymerase Chain Reaction) + séquençage ont été
réalisés. Des tests virologiques pour isolement des virus dans les pools de vecteurs
ont également été effectués. Une partie des phlébotomes collectés par capture
sur appât humain et par piège lumineux a été testée en virologie ; l’autre partie ainsi
que la totalité des spécimens collectés sur papier huilé ont été soumises à un montage
sur lames et à une identification morphologique à partir des caractéristiques des
pièces buccales.
13 308 moustiques (dont 65 gorgés) appartenant à 57 espèces,
7 572 phlébotomes et 73 cératopogonides ont été collectés et
constitués en 4 442 lots monospécifiques (dont 3 831 de moustiques,
593 de Phlebotome sp. et 18 de cératopogonides). La prédominance
et l’agressivité des vecteurs ont varié selon le site. La dynamique
des vecteurs a révélé un relais entre les phlébotomes en début de
saison et les moustiques en fin de saison. Dans la ville de Kédougou
(fig. 3), Culex quinquefasciatus a représenté 44 % de la faune
culicidienne. À Sabodala (non représenté sur la carte), Aedes furcifer
a prédominé avec 21,6 % de la faune culicidienne. Dans les villages
situés sur l’axe Tambacounda-Kidira, c’est Aedes furcifer qui a
prédominé et a représenté 36,8 % de la population, alors que la ville
de Kidira est essentiellement peuplée par Culex quinquefasciatus,
qui a représenté 81,4% des moustiques collectés. Dans la région de
Kounkane, Culex quinquefasciatus a représenté 43% des moustiques,
suivi de Mansonia uniformis (15,4%). Dans les villages frontaliers
avec le parc (Badi Nieriko et Dialacoto), les Anopheles gambiae
ont dominé et représentent 46% de la faune culicidienne; plus
au nord, à Missirah, c’est Culex quinquefasciatus qui prédomine
(38,5%), suivi de Culex nebulosus (25,6%). Quant aux phlébotomes,
ils ont représenté 36,3% de l’ensemble des vecteurs. La dynamique
saisonnière a montré un relais entre les populations de vecteurs, avec
la prédominance des phlébotomes en début de saison et celle des
moustiques en fin de saison des pluies, dans les différentes zones
d’étude. Sergentomyia dubia et S. schwetzi ont été les deux espèces
de phlébotomes présentant un intérêt dans la transmission des
34
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�Chapitre deux - Du rat noir aux virus du Sénégal oriental
Figure 3 - Répartition des espèces collectées par site de prélèvement dans le sud-est du Sénégal
M A UR I TA N I E
Kidira
Senoudebou
Youpe Hamady
Sinthiou Doube
M
Talibadji
ALI
Ndiobene
Dieylani
Soutouta
Tambacounda
Quartiers de Kédougou
Dianke Makha
Gouloumbou
14° N
Dide Gassama
1 km
Missirah
Badi Nieriko
G AMBIE
Dalaba
Dinguessou
Dialacoto
Sinthiang
Koundara
Vélingara
Fadiga
Parc national du Niokolo-Koba
Kounkane
Mosquée
Dandémayo
14° O
Kédougou
Total des espèces collectées
par localité et quartier
1 890
G U I NÉ E
0
25 km
12° O
300
85
Aedes aegypti
Anopheles gambiae
Culex quinquefasciatus
Frontière
Aedes fowleri
Culex antennatus
Mansonia africana
Limite de région
Aedes furcifer
Culex decens
Mansonia uniformis
Route goudronnée
Aedes vittatus
Culex nebulosus
Autres
Anopheles coustani
Culex poicilipes
Dieylani
Localité/quartier
échantillonné
Source : enquêtes Chancira 2012-2013
Figure 4 - Dynamique saisonnière
de Sergentomyia dubia et S. schwetzi
pathogènes humains dans l’aire de répartition du rat noir (fig. 4). L’identification
des repas de sang a révélé l’association de moustiques (Culex quinquefasciatus,
Aedes minutes, et Anopheles rufipes) et de phlébotomes (Sergentomyia dubia,
S. schwetzi), avec plusieurs hôtes dont l’homme, le rat, le poulet et le bœuf.
180
160
S. d
ubia
900
Jusqu’à présent, rien en permet de dire que l’arrivée du rat noir dans les régions
de Tambacounda et Kédougou a engendré la présence massive de vecteurs porteurs
d’arbovirus transmissibles à l’homme. Seuls quelques villages semblent être de
potentiels espaces partagés en croissance et exigent d’être surveillés.
120
100
80
60
hw
e
tzi
40
0
sc
20
S.
Nombre de phlébotomes
140
Les tests virologiques réalisés sur l’ensemble des échantillons collectés ont
permis l’isolement d’une souche de West Nile associée au virus Ndumu, dans le
village de Soutouta, et une souche de Gabek-Forest chez un lot de phlébotomes, à
Dianke Makha. Plusieurs souches de virus Mesoniviridae ont également été isolées
d’une portion de 300 lots de moustiques. En effet, un screening de moustiques
sélectionnés dans les zones de circulation de Mesonivirus a permis de détecter
ce virus dans 43 lots monospécifiques et un lot de cératopogonides. Au total,
20 espèces de moustiques ont été trouvées associées à ce virus dans trois sites de
prélèvement (Sabodala, Fadiga, Dianke Makha).
Juillet
Août
Septembre
Octobre
Novembre Décembre
Source : enquêtes Chancira 2012-2013
A. Gaye, Y. Bâ, M. M. Diagne, D. Diallo,
P. Handschumacher , A. A. Sall, M. Diallo
Pour en savoir plus : Diagne M. M., Gaye, A., Ndione M. H. D., Faye M., Fall G., Dieng I., Widen S. G., Wood T. G., Popov V., Guzman H., Bâ Y., Weaver S. C.,
Diallo M., Tesh R., Faye O., Vasilakis N., Sall A. A., 2019. Dianke virus: a new mesonivirus species isolated from mosquitoes in Eastern Senegal. Virus Research
[En ligne], vol. 275, 197802. DOI: https://doi.org/10.1016/j.virusres.2019.197802
35
atlas_chapitres_juin21.indd 35
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
Distribution des virus dans les populations humaines et de micromammifères
Dans les villages et les villes échantillonnés le long des deux axes routiers majeurs (Tambacounda-Kidira et TambacoundaKédougou), où les équipes du Centre de biologie pour la gestion des populations (CBGP) ont réalisé plusieurs campagnes
de piégeages de micromammifères, près d’un millier de personnes (995) ont été sélectionnées pour être incluses dans l’étude
de virologie humaine effectuée par l’Institut Pasteur de Dakar (IPD).
Seuls des IgM dirigés contre les virus Zika et Crimée-Congo ont été
détectés à partir de sérums collectés respectivement à Bantako et
Soutouta (fig. 1). Concernant les anticorps IgG, la tendance globale a
montré des taux de prévalence très élevés en Flavivirus et faibles en
Bunyaviridae sans différences. Les anticorps IgG dirigés contre les
virus Chikungunya (CHIK), dengue (DEN), fièvre jaune (FJ) ont été mis
en évidence. La séroprévalence en Chikungunya est plus importante
dans les zones où on a trouvé les rongeurs positifs au même virus.
Figure 2 - Isolement de virus circulant chez les micromammifères
au Sénégal oriental : focus sur le rat noir
Youpe
Hamady
Sinthiou
Doube
12° O
Kidira
RN1
Talibadji
Dide
Gassama
Goudiri
Kothiary
Bala
Soutouta
Goumbayel
Tambacounda
Dianke Makha
RN
7
Boutoucoufara
Badi Nieriko
Sabodala
Mako
14° N
Bala
1
RN
Senoudebou
Soutouta
RN6
0
1-30
31-100
RN
7
Isolement de virus
Gabek-Forest
Usutu
Koutango
Dianke
Wesselsbron
Sabodala
Dalaba
Bantako
Fadiga
GDandémayo
U I N ÉE
Kédougou
Mosquée
12° O
Échantillons analysés
28 50 100 150
Lieu de prélèvement
25 km
Importance relative de chaque virus dans la population
humaine échantillonnée (séroprévalence IgG)
Zika
Chikungunya
Fièvre jaune
Dengue
25 km
Détection par PCR
Chikungunya
Sindbis
Seoul
Micromammifères
Rattus rattus
Source : enquêtes Chancira 2013-2014
Dianke Makha
Quartiers de Kédougou
Kédougou
Ségou
> 100
Tambacounda
1 km
Fadiga
Échantillons analysés
Micromammifères
Ndiobene
Goudiry
Bantako
Rattus rattus
Talibadji
Sinthiou
Doube
Youpe
Hamady
Frontière
Limite de région
Route goudronnée
Commune
14° N
Dieylani
Figure 1 - Séroprévalences humaines de virus circulant
au Sénégal oriental
Kidira
Frontière
Limite de région
Route goudronnée
Koussan
Ndiobene
RN6
Au sein du pôle virologie de l’Institut Pasteur de Dakar, les
995 sérums humains prélevés dans les villages ont fait l’objet d’un
test sérologique ELISA, IgM pour les infections récentes et IgG pour
les infections anciennes, et d’un screening par PCR pour différents
genres viraux. Des tentatives d’isolement de virus sur souriceau ont
été entreprises.
Crimée-Congo
Fièvre de la vallée du Rift
West Nile
Source : enquêtes Chancira 2013-2014
L’étude virologique a également concerné des prélèvements de
rongeurs issus des captures réalisées par l’équipe du CBGP (fig. 2).
Au total, 3 956 échantillons (sérums et organes) de 993 spécimens
de rongeurs ont été testés, soit 99,5 % des rats noirs collectés
(401/403 individus) et 60 % des autres espèces de rongeurs
(592/998 individus). Sur les échantillons collectés en 2012, les
virus Seoul (genre Hantavirus) et Chikungunya (genre Alphavirus)
ont été trouvés chez des spécimens de Rattus rattus capturés
sur l’axe Tambacounda-Kidira. De même, des Mus musculus,
Mastomys natalensis et une crocidure (Crocidura sp.) ont été
retrouvés infectés par le virus Chikungunya, tandis que le virus
Sindbis (genre Alphavirus) a été enregistré chez trois souris
domestiques et cinq M. natalensis. L’isolement des virus Gabek-Forest
(genre Phlebovirus) et Koutango, un variant du virus West Nile
(genre Flavivirus), a également été effectué respectivement chez un
A. niloticus et un M. natalensis sur l’axe Tambacounda-Kédougou. Sur
les spécimens capturés en 2013, le virus Wesselsbron a été détecté
chez un R. rattus, tandis que le virus Usutu a été isolé chez trois
M. natalensis, une crocidure (musaraigne) et un rat noir. En plus
de ces virus connus, un nouveau Mesonivirus, nommé virus Dianke,
a été identifié chez des spécimens de R. rattus et M. natalensis. Il
s’agit là de la première détection d’un Mesoniviridae (famille de
virus spécifique de moustiques) dans un mammifère.
Cette étude actualise la connaissance de la circulation des virus
au sein des populations de rongeurs dans l’est du pays. Elle ouvre des
perspectives pour des études supplémentaires et expérimentales
d’infectiosité et de participation des rongeurs à la circulation et
à la transmission virales. Les résultats des investigations opérées
sur les humains ne permettent pas de conclure à l’impact des virus
du rat noir sur la santé publique. Malgré l’association entre la
présence du rat noir dans les concessions et l’exposition plus élevée
aux virus West Nile et Zika chez les populations humaines incluses
dans l’étude, seul le virus Wesselsbron a été retrouvé à la fois chez
R. rattus et chez l’homme. Bien qu’il s’agisse de traces d’infections
anciennes (IgG), l’hypothèse d’une relation entre le rat noir et la
transmission des virus West Nile et Zika à l’homme reste à vérifier.
M. M. Diagne, A. Sow, A. Gaye, O. Ndiaye, B. Sadio,
O. Faye, Y. Bâ, O. Faye, M. Diallo, A. A. Sall
Pour en savoir plus : Diagne M. M., 2017. Impact virologique de l’invasion du rat noir (Rattus rattus) au Sénégal oriental. Thèse de doctorat en Génétique des populations,
Université Cheikh Anta Diop de Dakar, 258 p.
36
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�Chapitre deux - Du rat noir aux virus du Sénégal oriental
Distribution des agents infectieux non viraux chez les micromammifères
Les zoonoses sont sous-évaluées en Afrique. Des études récentes au Sénégal ont montré leur importance dans les cas de
fièvre chez des patients malades, liés aux bactéries Borrelia crocidurae (responsable de la fièvre récurrente à tiques, maladie
bactérienne la plus fréquente en Afrique), Bartonella spp., Rickettsia spp. (incluant l’agent du typhus) ou encore Coxiella burnetti
(responsable de la fièvre Q). Alors que les vecteurs de transmission de ces bactéries sont bien connus (arthropodes insectes
et tiques en particulier), les réservoirs animaux qui les hébergent le sont moins, notamment les micromammifères. On sait
déjà que ceux-ci sont responsables de nombreuses zoonoses dans d’autres régions du globe. Qu’en est-il au Sénégal oriental,
région de coexistence entre petits mammifères natifs et invasifs, dont beaucoup vivent en contact étroit avec l’homme ?
Neuf localités ont été échantillonnées entre janvier et février 2013 (Bala, Boutoucoufara, Dianke Makha, Goudiry, Goumbayel, Kidira,
Kothiary, Soutouta, Youpe Hamady), selon les protocoles suivants :
– des pièges grillagés et de marque Sherman ont été déposés à l’intérieur des habitations (voir détails p. 32) ;
– sur chaque animal capturé ont été prélevés un morceau de cerveau et un morceau de rate, placés en azote liquide avant d’être
conservés à - 80° C à Dakar ;
– la qPCR, méthode permettant de mesurer la quantité initiale d’un ADN cible, a été utilisée pour détecter les bactéries Borrelia crocidurae, Bartonella spp., Rickettsia spp. et Coxiella burnetti (fig. 1).
Figure 1 - Prévalences des bactéries chez les micromammifères capturés
dans les localités échantillonnées
Borrelia crocidurae présente la prévalence la
plus élevée parmi les différentes bactéries étudiées ici (19 %, soit 96 positifs sur 505 individus
testés). La distribution de Borrelia crocidurae
ne présente pas de pattern géographique
marqué. L’hôte principal est Arvicanthis niloticus (51,8 % ; 28/54), suivi de Crocidura olivieri
(29,3 % ; 51/174). Rattus rattus et Mus musculus,
espèces invasives, semblent moins porteurs
que les espèces natives (fig. 2).
Rickettsia spp.: sa prévalence est de 3,4 %
dans l’ensemble des micromammifères échantillonnés (17/505). On la retrouve essentiellement
chez Rattus rattus (5,8 % ; 7/120), Arvicanthis niloticus (5,6 % ; 3/54), Crocidura olivieri (3,4 % ;
6/174) et Mastomys erythroleucus (2,1 % ; 1/47).
Bartonnella spp.: sa prévalence totale est de
4,7 % (24/505). Elle est la seule bactérie à être
présente dans l’ensemble des espèces échantillonnées, avec des prévalences variables en
fonction des espèces, chez Rattus rattus (0,8 % ;
1/120) et Mastomys erythroleucus (12,8 % ; 6/47).
Coxiella burnetii n’a été retrouvée que chez
une souris (Mus musculus), à Bala, et un rat noir
(Rattus rattus), à Goumbayel. Ces espèces sont
connues comme réservoirs en Europe ou sur
des îles proches (Cap-Vert et Canaries) ; c’est la
première fois que Coxiella burnetii est détectée
chez des rongeurs en Afrique de l’Ouest.
Ces résultats indiquent que les rongeurs
et insectivores commensaux constituent des
réservoirs de bactéries potentiellement pathogènes pour l’homme, en particulier dans
les genres Borrelia et Bartonella. Les espèces
invasives ne semblent pas être les réservoirs
principaux, mais elles représentent des hôtes
supplémentaires à surveiller.
vers Matam
Prévalences (%) calculées
sur l’ensemble des petits
Kidira mammifères testés par localité
70
Youpe Hamady
60
Goudiry
14° N
50
Borrelia crocidurae
40
Bartonella spp.
Rickettsia spp.
30
Bala
Kothiary
20
Soutouta
Tambacounda
10
Dianke
Makha
Goumbayel
0
Route nationale
Localité échantillonnée
0
25 km
vers
Kédougou
Boutoucoufara
13° O
12° O Source : données Chancira, 2013
Figure 2 - Prévalences bactériennes chez six espèces de petits mammifères
commensaux au Sénégal oriental
Prévalence %
60
50
Arvicanthis niloticus
Mus musculus
Crocidura sp.
Praomys daltoni
Mastomys erythroleucus
Rattus rattus
40
Prévalence %
30
30
20
20
20
10
10
10
Prévalence %
0
Borrelia crocidurae
0
Bartonella spp.
0
Rickettsia spp.
Source : données Chancira, 2013
L. Husse, L. Granjon, O. Mediannikov
Pour en savoir plus : Ehounoud C.B., Fenollar F., Dahmani M., N’Guessan J.D., Raoult D., Mediannikov O., 2017. Bacterial arthropod-borne diseases in West Africa.
Acta Tropica [En ligne], no 171, p. 124-137. DOI: https://doi.org/10.1016/j.actatropica.2017.03.029
37
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
Analyse critique des savoirs villageois comme source d’information
sur la distribution des petits mammifères commensaux
Les discussions avec les populations résidentes constituent une source d’information locale, ubiquiste et pérenne pour
comprendre l’évolution des conditions environnementales et leur diversité. En croisant savoirs villageois et données
scientifiques issues des captures, l’analyse comparative permet d’évaluer la valeur informative des connaissances populaires
en matière de distribution de petits mammifères. 15 localités du Sénégal oriental ont fait l’objet simultanément de deux types
d’échantillonnage identiques et homogènes: 3198 piégeages de rongeurs (pièges cumulés, voir méthodologie p. 32) et
307 entretiens effectués avec les villageois au sein des concessions, de façon collective ou non, sur la base de fiches d’identification
comparative (dessins, photos, noms et échelle) des différentes espèces de petits mammifères (fig. 1, fig. 2, fig. 3).
Figure 2 - Dianke Makha, village de piégeages et d’enquêtes
sur les savoirs villageois
© J. Le Fur 2013
© O. Ninot, 2014
22 cm
Figure 1 - Fiche d’identification de petits mammifères présentée aux villageois
Figure 4 - Comparaison des sites à faible présence de petits mammifères commensaux
selon les deux sources de connaissance
M A U R I TA N I E
Bakel
14° O
78,7
81,4
12,5
Bala
Ndiobene
Youpe
Hamady
Doulouyabe
RN1
25
Soutouta
Tambacounda
14° N
3,3
6
77,3
6,2
7
7,1
Sabodala
Parc national du Niokolo-Koba
Vélingara
Les témoignages sur l’absence de petits
mammifères sont rares et peuvent être utilement comparés aux enquêtes scientifiques
qui comptabilisent les sites à faible présence de rongeurs (fig. 4).
70,1
RN
0%
M ALI
0%
Dianke
Makha
0%
Badi Nieriko
RN
0%
66,5
Gouloumbou
66,5
82,9
Dide
Gassama
70,6
63,3
0%
89,3
Talibadji
10
14,3
0%
Sinthiou
Doube
69,8
Kidira
68,7
Absence déclarée/mesurée
par localité échantillonnée
Forte
Moyenne
Faible
Savoirs
locaux
(déclaration
d’absence)
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
%
4,6
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Captures
scientifiques
(pièges vides)
Bantako
Kédougou
G UINÉE
© O. Ninot, 2014
74,3
85,1
0%
74,7
Figure 3 - Enfants du village de Doulouyabe
montrant un rat noir capturé
25 km
Les localités dont les habitants déclarent
majoritairement une absence de rongeurs
concordent avec les villages marqués par un
faible taux de captures. Dans les deux cas,
on distingue une zone de moindre abondance pour les petits mammifères entre
Ndiobene et Doulouyabe, avec une précision moins importante pour les résultats
issus des savoirs villageois.
Source : enquêtes Chancira 2012-2013
38
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�Chapitre deux - Du rat noir aux virus du Sénégal oriental
Figure 5 - Présences relatives de musaraignes (Crocidura olivieri)
Les
comparaisons
entre
résultats
obtenus selon le type de taxons présents
(souris, rats, …) ne fournissent pas toutes
des correspondances exploitables. Ceci
provient de la perception différente des
rongeurs et de leur nature chez les villageois
et les scientifiques. Lorsque le doute sur
l’identification de l’espèce est minime, les
résultats se confirment les uns les autres.
C’est le cas pour la musaraigne, qui est un
petit mammifère remarquable du fait de son
museau effilé, de son odeur caractéristique
et des petits cris qu’elle émet (fig. 5).
En ce qui concerne le rat noir, lui aussi
aisément discernable, on constate une
correspondance quasi exacte entre les
connaissances exprimées par les villageois
et les résultats des piégeages, sauf dans une
zone située au nord-est de Tambacounda
(fig. 6).
74,1
88,9
M A U R I TA N I E
63,6
5,9
17,4
Kidira
Youpe
Hamady
2,8
Sinthiou
Doube
12,9
25
13,5 Talibadji
5,3
Bala
64,3
Doulouyabe
68,7
80,9
60
13,4
Ndiobene
RN1
46,7
Tambacounda
59,1
60
6,2
Gouloumbou
34,4
Dianke
Makha
14° N
M ALI
0%
6,5
10
Badi Nieriko
6
36,4
Dide
Gassama
Soutouta
6,3
RN
À l’exception de deux villages (Sinthiou Doube et Dide Gassama), les distributions obtenues sont similaires, confirmant
par exemple l’absence de musaraignes
dans deux localités du sud de la région
(Bantako et Sabodala).
Bakel
14° O
RN
14,3
0%
Sabodala
7
4,6
Vélingara
Parc national du Niokolo-Koba
Présence déclarée/mesurée
par localité échantillonnée
Forte
Savoirs
locaux
Moyenne
(déclaration
d’observation)
Faible
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
%
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
4,6
0%
Bantako
Captures
scientifiques
Kédougou
(contenu
des pièges)
G UINÉE
25 km
Source : enquêtes Chancira 2012-2013
Les distributions obtenues sont exactement concordantes avec des présences relatives similaires relevées dans la zone au
sud de la RN1 (région de Soutouta), et des
absences confirmées dans les régions de
Kédougou et Kidira. Seule une zone centrale
(de Ndiobene à Talibadji) se distingue par
une différence nette entre savoirs locaux et
piégeages. Révéler ces différences permet
de susciter de multiples débats dans les villages ou les laboratoires pour chercher à en
comprendre les raisons.
Bakel
14° O
14,3
20
0%
Ndiobene
6,2
1,1
2,9 Talibadji
Bala
RN1
21,7
18,2
Gouloumbou
14° N
M ALI
15,6
13,6
Dianke Makha
7
Vélingara
Parc national du Niokolo-Koba
Présence déclarée/mesurée
par localité échantillonnée
Forte
Faible
17
Dide Gassama
RN
12,1
Moyenne
0%
2,2
Doulouyabe
21,4
19,5
15
Badi Nieriko
6
9,1
Sinthiou
Doube
11,8
10
Soutouta
Tambacounda
M A U R I TA N I E
0%
1,5
0% 0%
Kidira
12,8 Youpe Hamady
22,2
RN
Les savoirs locaux et les connaissances
scientifiques ne sont pas de même nature.
Les explications en sont multiples. Cela tient
aux différences entre langage vernaculaire
et terminologie scientifique, aux modes de
distinction entre types de rongeurs, qui sont
d’ordre comportemental pour les villageois,
tandis qu’ils sont taxonomiques et génétiques
dans la sphère scientifique. Lorsque ces
différences sont prises en compte, les savoirs
villageois peuvent fournir des indications
complémentaires et utiles. La transcription
de ces savoirs et leur confrontation avec
les données scientifiques constituent alors
un bon support de restitution et de discussion des connaissances acquises auprès
des populations.
Figure 6 - Présences relatives de rats noirs (Rattus rattus)
Savoirs
locaux
(déclaration
d’observation)
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
%
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
3,6
0%
Sabodala
4,5
0%
Bantako
Captures
scientifiques
(contenu
des pièges)
Kédougou
G UINÉE
25 km
Source : enquêtes Chancira 2012-2013
J. Le Fur, H. Lucaccioni
Pour en savoir plus : Le Fur J., Guilavogui A., Teitelbaum A., 2011. Contribution of local fishermen to improving knowledge of the marine ecosystem and resources in
the Republic of Guinea, West Africa. Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences, vol. 68, no 8, p. 1454-1469. DOI: https://doi.org/10.1139/f2011-061
39
atlas_chapitres_juin21.indd 39
24/06/2021 07:59
�Chapitre trois
La diffusion limitée de Rattus rattus dans les villages
du Sénégal oriental
L’amélioration des connexions dans les villages de la région de Kédougou : de nouvelles infrastructures de communication à Bransan - © O. Ninot, 2014
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24/06/2021 07:59
�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
E
n retenant, comme échelles spatiale et temporelle de référence, le village ou le
quartier urbain (dans les villes de Tambacounda et Kédougou) et la période actuelle,
le troisième chapitre de l’atlas et les cinq planches qui le composent reviennent sur
quelques résultats avancés dans les pages précédentes. Pour mieux appréhender la façon
dont les rats noirs peuvent ou ne peuvent pas embarquer à bord des camions circulant
sur les routes du Sénégal, les chercheurs portent un regard différent sur les transports, en
focalisant l’attention sur les origines, destinations et types de marchandises transportées,
sur les aspects matériels (types de véhicules, modalités de chargement), ainsi que sur le
déroulement du transport lui-même (itinéraires, étapes). Dans les entrepôts de commerçants
et sur les marchés urbains de Tambacounda et Kédougou, deux villes où se concentrent
les flux, les véhicules et les marchandises, circulent de façon croissante les rongeurs qui
peuvent ainsi se propager de lieu en lieu.
C’est à partir des capitales régionales que se diffuse le rat noir en direction des villages,
en particulier vers ceux que l’atlas nomme villages ruraux marginaux, qui sont éloignés des
axes goudronnés et où, en raison de la médiocrité des flux de marchandises, les populations stockent d’importantes quantités de vivres, créant ainsi les conditions favorables à
la survie du rongeur. Ce n’est pas le cas dans les autres localités, en particulier les villages
ruraux structurants et miniers, où l’on préfère utiliser de petits magasins à l’intérieur des
bâtiments. Le long des axes routiers, l’évolution des modes de transport (généralisation de
l’empaquetage et de la mise en conteneurs, en lieu et place du transport en vrac) est sensiblement défavorable au rat noir.
Pour clore cette réflexion sur le risque infectieux au Sénégal lié à la présence de
Rattus rattus, l’avant-dernière planche fait le point sur le fonctionnement spatial dans les
régions de Tambacounda et Kédougou. Elle insiste sur la nécessité de privilégier l’approche
interdisciplinaire pour identifier des territoires vulnérables au risque infectieux, où
s’entrecroisent processus de colonisation par le rat noir, peuplement humain et dynamiques
d’échanges de biens. Puis l’atlas se conclut par une réflexion globale sur l’offre de soins dans
la région de Kédougou. La répartition dans l’espace des structures de santé, en nombre
limité, apparaît en décalage avec la réalité du peuplement humain. D’où l’importance, avant
de planifier l’installation de telles structures, d’identifier les espaces à risque sanitaire, à partir
du croisement des données environnementales, démographiques, économiques et sociales.
Face aux problèmes méthodologiques inhérents à l’identification des voies et moyens
de circulation des rats noirs, l’Atlas des relations homme - rat noir - zoonoses au Sénégal
souligne la nécessité de dépasser l’analyse des données quantifiées disponibles, pour
l’enrichir par une approche qualitative résolument fondée sur l’empirisme.
P. Handschumacher, J. Lombard, M. Diallo, J.-M. Duplantier
41
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
Des conditions de transport inégalement favorables
à la propagation du rat noir
Alors que les données historiques et les modélisations valident l’hypothèse du rôle des transports dans la propagation du
rat noir à l’intérieur du Sénégal et sur le temps long, la démonstration empirique se heurte à des impasses méthodologiques.
Il est impossible d’observer et de quantifier concrètement les flux de rats à bord des camions. Néanmoins, des conditions
favorables peuvent être identifiées par la compréhension et l’analyse des modalités de fonctionnement du transport.
Comment appréhender le rôle des transports de marchandises dans la diffusion du rat noir au Sénégal ? Les méthodes empiriques d’observation ne permettent pas de répondre à cette question. La probabilité qu’un ou des rats embarquent dans des camions étant faible,
et les chargements et déchargements de marchandises s’opérant dans un très grand nombre de sites, il est difficile de repérer ce phénomène hasardeux. Néanmoins, la connaissance de l’animal, de ses foyers de peuplement, de ses comportements, préférences alimentaires et
capacités de survie est utile pour identifier les conditions de transports de marchandises favorables à la propagation du rongeur. Il s’agit de
porter un regard différent sur les transports,
en se focalisant sur les types de véhicules,
Figure 1 - Quels véhicules de transport pour les rats ?
sur les origines, destinations et types de
marchandises transportées, sur les modalités de chargement et sur le déroulement du
transport lui-même (itinéraires, étapes).
© O. Ninot, 2014, 2015
Petit animal opportuniste, le rat noir peut
se cacher aisément à bord de camions
qui transportent des grains en vrac, du
poisson, des sacs de farine, de sucre ou
d’arachides, et survivre le temps d’un voyage
(fig. 1). Cependant, plusieurs situations sont
défavorables: le type de véhicules de transport
utilisés (voyageurs, camions plateaux ou
citernes, conteneurs fermés); les marchandises
non alimentaires, telles que les matériaux
de construction ou les produits toxiques.
Les entrepôts fermés, éventuellement traités
contre les nuisibles, apparaissent aussi peu
susceptibles d’abriter des rats, de même que
lui sont défavorables les chargements et les
déchargements rapides, qui demandent une
intense manutention, comme c’est le cas pour
le riz dans les magasins de la zone portuaire
de Dakar (fig. 2).
© O. Ninot, 2014
Figure 2 - Chargements de sacs de riz dans les entrepôts de la zone portuaire de Dakar
En considérant cette fois les trafics de marchandises,
trois groupes se distinguent : ceux qui assurent
l’approvisionnement des localités du Sénégal oriental,
à partir des grands centres commerciaux urbains que
sont l’agglomération dakaroise, mais aussi Touba
et Kaolack ; les trafics de transit à destination du
Mali, qui marquent un arrêt de plusieurs heures dans
différentes villes telles que Koumpentoum, Koussanar
et Tambacounda ; les trafics qui approvisionnent
les localités rurales à partir des centres urbains de
l’est (principalement Tambacounda et Kédougou).
L’ensemble de ces trafics, même limités aux seuls
transports de marchandises susceptibles de fournir des
conditions favorables aux rats (camions de produits
alimentaires et/ou végétaux), représente un nombre de
véhicules élevé. Lors d’un comptage routier, réalisé en
avril 2015, à l’entrée ouest de la ville de Tambacounda
(fig. 3), nous avons estimé qu’en moyenne 60 camions
chargés de produits alimentaires et/ou végétaux
passaient chaque jour en ce point, avant de poursuivre
leur route vers l’est. Les plus nombreux ne font
que traverser la région de Tambacounda et moins
d’un quart des véhicules assure des livraisons aux
commerçants du Sénégal oriental (fig. 4).
42
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�Chapitre trois - La diffusion limitée de Rattus rattus dans les villages du Sénégal oriental
Figure 4 - Des trafics potentiellement vecteurs de la diffusion
Figure 3 - Comptage routier à l’entrée ouest de la ville de Tambacounda
Nombre de véhicules*
(trafic hebdomadaire)
Véhicules propices aux rats
1 800
1 600
Marchandises favorables
1 400
Marchandises non favorables
1 200
Véhicules non propices
1 000
800
Toutes marchandises
600
Le point de comptage se trouve à
l’entrée ouest de la ville de Tambacounda
dans le sens ouest-est (fig. 3)
© O. Ninot, 2015
400
200
0
Sénégal oriental
En transit
Destination finale**
* Véhicules de transport routier de marchandises
** Sénégal oriental : vers les localités des régions de Tambacounda ou Kédougou
En transit : vers une autre région du Sénégal ou un pays voisin
Source : enquête-comptage routier, 2015
Dernier aspect, le déroulement des transports. L’observation
directe (sur les routes, aux abords des entrepôts ou magasins) et
les entretiens conduits auprès des chauffeurs routiers révèlent que
les trajets entre Dakar et le Sénégal oriental sont, pour la plupart,
marqués par plusieurs étapes prévues ou imprévues, plus ou moins
longues, de jour comme de nuit. Les entretiens soulignent aussi la
prégnance des habitudes (fig. 5). Ainsi arrive-t-il fréquemment que
les chauffeurs chargeant dans la journée à Dakar passent la nuit
dans l’agglomération, avant de prendre la route. Sur le trajet, les
étapes les plus fréquentes ont lieu à Mbour et Kaolack, les plus
longues (de nuit souvent) dans les localités situées entre Kaffrine
et Koussanar. Or chaque pause, notamment nocturne, représente
une opportunité pour le rat d’embarquer ou de débarquer. Chaque
arrêt dans un centre urbain ou semi-urbain constitue un risque de
dispersion du rongeur.
L’examen des transports à destination ou traversant le Sénégal oriental révèle ainsi l’existence de conditions favorables à la
propagation du rat noir. Plus nombreux, plus fréquents, mettant en
lien des couples origine-destination plus variés, les transports de
marchandises restent, vraisemblablement, des vecteurs efficaces
de la diffusion du rongeur dans l’est du Sénégal.
O. Ninot, O. Sall
Jour
Étape/pause
Nuit
di
ra
Chargement/déchargement
de marchandises
ri
ou
vers le Mali
G
Temps d’arrêt (en heures)
Ko
ye
Ko
ba
Ki
di
e
-M
in
ffr
M
Ka
un
b
gh aye
e
um ul
p
M
al ento
um
Ko em
us Ni
sa an
na i
r
k
k
tic
ac
ol
Ka
Fa
DAKAR
Ru
Di fisq
a u
M
bo mn e
ia
ur
di
o
Figure 5 - Des transports routiers propices à la propagation du rat (exemples de trajets)
Tambacounda
Manda
Vélingara
1-4
<1
Le schéma ci-dessous représente quelques trajets racontés par des chauffeurs
routiers depuis Dakar jusqu’à leur destination au Sénégal oriental ou au
Mali. Les moments clés que sont l’embarquement, le débarquement et les
étapes sont représentés en fonction des durées, des lieux, et de leur
occurrence le jour ou la nuit (plus favorable au rat). Se dessine ainsi une
cartographie de la route avec ses espaces-temps potentiellement les plus
propices à la propagation du rat noir, pour la plupart situés entre Kaolack et
Tambacounda, lors des arrêts les plus longs et nocturnes.
Missirah
Wassadougou
Dialacoto
Kolda
Kédougou
50 km
>4
DAKAR
Diamniadio
Amadou
Tambacounda
12 t
Mbour
Kaolack
Koungheul
Koussanar
Koumpentoum
Bocar
Dialacoto
Mbour
16 t
Koungheul
Kaolack
Tambacounda
Missirah
El Hadj
Kédougou
40 t
Mbour
Kaolack
Kaffrine
Tambacounda
Mbaye-Mbaye
Alassane
Wassadougou
Manda
Koumpentoum
Kolda
42 t
Kaolack
Tambacounda
Koungheul
Vélingara
vers le Mali
Moustapha
40 t
Rufisque Mbour
Fatick
Kaolack
Koungheul
Malem Niani
Tambacounda
Goudiri
DAKAR
Kidira
Source : enquêtes 2014
Pour en savoir plus : Granjon L., Duplantier J.-M., 2009. Les rongeurs de l’Afrique sahélo-soudanienne. Marseille, IRD Éditions, 240 p.
43
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
Distribution de Rattus rattus dans les villes de Tambacounda et Kédougou.
De l’analyse intra-urbaine aux liens entre les capitales régionales
La ville de Tambacounda a été créée au début du xxe siècle à partir du chemin de fer Dakar-Bamako. Lieu d’étape et de
passage entre Dakar et le Mali, Tambacounda est aussi la porte de la nouvelle région administrative de Kédougou et de son
chef-lieu, la ville de Kédougou. Les liens entre les deux villes ont aidé à la propagation du rat noir à la suite de la mise en
service, dans les années 1990, d’une route bitumée offrant au trafic international un second axe vers l’est.
Le rendement moyen de piégeage
à Tambacounda est de 25,9 %, avec
de fortes inégalités selon les quartiers
(10,4 % à la Sodefitex, 38 % à Quinzambougou ; de 29 à 32 % dans les quartiers
centraux). Les piégeages réalisés dans
les entrepôts de grands commerçants
présentent aussi de fortes disparités
d’un lieu à un autre (minimum 20 % au
marché central, fig. 3 ; max. 40 % dans un
cas de la rue Aynina Fall, fig. 4).
Figure 1 - Le rat noir à Tambacounda : localisation et diffusion dans l’espace urbain
13°40' O
13°47' N
Marché central
13°38' O
Hangars de
l’Ex-SONACOS
Hangars
(commerçants grossistes)
SODEFITEX
Rue du Garage Kothiary
Garage Kothiary
Centre de
sécurité alimentaire
Rue Aynina Fall
Foyer de présence et
de diffusion du rat noir
Foyer important mais isolé
de présence du rat noir
Itinéraire de circulation
possible du rat noir
Marché de
Médina Coura
Marché
Secteur de présence diffuse
du rat noir
500 m
Sources : cadastre ; données Chancira 2013
Figure 2 - Abondance relative d’espèces de micromammifères
par secteur d’enquêtes à Tambacounda
13°40' O
13°38' O
Saré Guilel
13°47' N
Mamacounda nord
Face
SODEFITEX
Marché central
SODEFITEX
Garage
Kothiary
Mus musculus
Légal Pont
Camp
Navetane
Crocidura sp.
Rattus rattus
Rue Aynina Fall
Marché
Médina Coura
Autres rongeurs
Abattoirs
complémentaires
Dominantes
Plus de 19 % de Crocidura sp.
Plus de 19 % de Rattus rattus
Quinzambougou
500 m
Plus de 70 % de Mus musculus
Sources : cadastre ; données Chancira 2014
Figure 4 - Entrepôts d’un grand commerçant, rue Aynina Fall à Tambacounda
(forte abondance de rats noirs)
© J.-M. Duplantier, 2013
Figure 3 - Étals de petits commerçants au marché central de Tambacounda
(abondance moyenne de rats noirs)
© Programme Chancira, 2013
Tambacounda a vu sa population
passer de 68 155 habitants en 2002
à 127 886 en 2018. La ville présente
une diversité paysagère et fonctionnelle intra-urbaine favorable au rat
noir ; elle comporte des lieux proches
les uns des autres (marchés, hangars
agricoles,
magasins),
susceptibles
de favoriser sa propagation (fig. 1).
En 1994, de nombreux piégeages ont
eu lieu dans le quartier Légal Pont, puis
des captures ont été effectuées en septembre 2007 en deux points de la ville,
avant qu’un échantillonnage complet ne
soit réalisé dans l’ensemble des quartiers,
en 2014, pour le programme Chancira
(fig. 2). Une typologie de l’occupation de
l’espace urbain et de l’habitat humain
a permis d’identifier douze sites de piégeages représentatifs de la diversité de
la ville. L’association systématique de
pièges pour musaraignes et souris d’une
part, pour rats d’autre part, a permis de
capturer plus de 500 micromammifères
en 2 000 nuits-pièges.
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�Chapitre trois - La diffusion limitée de Rattus rattus dans les villages du Sénégal oriental
Figure 6 - Entrepôts de commerçants sur la RN7
dans les environs du grand marché de Kédougou
Mais la distribution des espèces est loin d’être uniforme.
La souris (Mus musculus) est l’espèce dominante dans dix des
sites échantillonnés à Tambacounda. Dans cinq secteurs, elle
dépasse 70 % des captures, à la fois au centre-nord (notamment
le marché central et la rue commerçante Aynina Fall, soit le cœur
de Tambacounda) et au sud de la ville (Quinzambougou, Abattoirs
complémentaires). Rat noir et musaraigne ne dominent chacun que
dans un seul quartier. Les musaraignes (Crocidura sp.) ne prévalent
que dans la périphérie ouest de la ville. À l’inverse, Rattus rattus
est plus abondant à l’est, notamment à Garage Kothiary (51 % des
captures), quartier lié aux milieux ruraux environnants situés au
nord-est de la ville (fig. 2 et fig. 5). On le trouve dans des poches
discontinues et denses, plutôt exclusives des autres espèces. L’une
d’elles est constituée par les hangars d’un grand commerçant et
exploitant agricole, et leurs abords.
Figure 5 - Localisation des captures de micromammifères
dans le quartier de Garage Kothiary à Tambacounda
Direction
du parc national
du Niokolo-Koba
Mus musculus
Crocidura sp.
Rattus rattus
Hangars
Absence de captures
RN1
© O. Ninot, 2014
Alors que le rat noir a été le seul rongeur capturé en 1994,
en 2012-2013, il apparaît après la souris domestique, devenue
l’espèce la plus abondante (61 % des captures). Il est présent
dans seulement 21 % des captures, une espèce de musaraigne
dans 16 %, et les rongeurs endémiques également dans 16 %.
Le rat noir n’y trouve pour l’heure qu’un lieu d’accueil, sans s’étendre
vers l’arrière-pays. Point d’aboutissement de la diffusion actuelle,
la ville de Kédougou a fait l’objet de piégeages depuis plus de
vingt ans (fig. 7). Rattus rattus a été capturé pour la première
fois en 1998 à Dandémayo, présence confirmée en 1999. Il a été
piégé aux entrées nord-est (2004), puis nord-ouest de la ville.
En 2012-2013, il est présent dans les cinq sites échantillonnés. Il n’a
jamais été observé en dehors de la ville.
Figure 7 - Abondance relative d’espèces de micromammifères
par secteur d’enquêtes à Kédougou
Vo i e
ferré
Routes
e
13°46'30" N
N
vers
Saraya
Limite de quartier
Dalaba
Mastomys sp.
Rattus rattus
Crocidura sp.
Autres rongeurs
vers Tambacounda
Grand marché
7
RN
Rue du
K
Garage
Mosquée
othiary
Dandémayo
Tambacounda
Marché et garage
Kothiary
100 m
13°39'30" O
Sources : cadastre ; données Chancira 2014
De son côté, la ville de Kédougou connaît une dynamique
urbaine importante autour d’un vieux centre conservé. Son
peuplement a profité de la création de la nouvelle région en 2008
et du développement de l’exploitation aurifère : la population
est passée de 16 689 habitants en 2002 à 35 394 en 2018 (fig. 6).
200 m
Gambie
Togoro
Sources : cadastre ; données Chancira 2012-2013
La propagation du rat noir de Tambacounda vers Kédougou
s’appuie sur l’ouverture en 1996 de la route goudronnée, qui a
engendré l’augmentation massive du trafic de camions. L’espèce
a pu s’installer durablement à Kédougou, malgré la présence du
rongeur endémique (Mastomys natalensis), avec lequel le rat noir
doit partager l’espace urbain. La présence d’une population de
Rattus rattus dans les quartiers de Tambacounda hébergeant
commerces de gros et hangars favorise le maintien de flux de populations murines avec le Sénégal oriental, notamment Kédougou.
J.-L. Piermay, I. Sy, L. Granjon, J.-M. Duplantier, K. Bâ, M. Diallo,
P. Gauthier, M. Kane, Y. Niang, A. Sow, P. Handschumacher
Pour en savoir plus : Aïdara D. C., 2011. Approche géographique de la santé et du développement au Sénégal : l’exemple de la région de Kédougou. Thèse de doctorat en
Géographie, Université de Rouen, 375 p.
45
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24/06/2021 07:59
�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
Inégalités de distribution de Rattus rattus
selon les différents contextes urbains et villageois
La distribution du rat noir au Sénégal oriental fait apparaître de fortes disparités entre localités : il peut être soit absent,
soit dominant au sein des communautés de petits mammifères commensaux de la région. Ces différences ne paraissent
pas répondre à une simple logique géographique. De ce fait, nous avons recherché les facteurs explicatifs des disparités,
en développant une approche corrélative entre les données de distribution du rongeur et les données d’organisation et de
fonctionnement des localités échantillonnées.
Figure 1 - L'équipe d'enquêtes franco-sénégalaise dans les villages
du Sénégal oriental
Les localités enquêtées se répartissent en quatre groupes, selon
une typologie synthétique de leurs caractéristiques géographiques :
degré d’activité commerciale, intégration aux réseaux commerciaux
et agricoles, connectivité aux réseaux routier et de transport (fig. 2).
© P. Handschumacher, 2013
Entre avril et juin 2013, de multiples données sur les
caractéristiques socio-économiques ont été collectées dans
32 localités, dont 26 dans lesquelles le piégeage de petits
mammifères a également été réalisé. 19 variables catégorielles
ont été renseignées à partir d’entretiens réalisés auprès des
personnes-ressources des localités concernées (chefs de village,
maires, responsables agricoles, boutiquiers) (fig. 1). Ces variables
concernent trois grandes thématiques : activités économiques ;
stockage et commerce ; connectivité au réseau routier et de
transport (présentées p. 30-31). Les données d’occurrence et
d’abondance des petits mammifères ont été collectées selon les
principes et protocoles décrits aux pages 32 et 33.
Parmi elles, on distingue les villages qui sont intégrés à l’économie
régionale et ceux qui demeurent isolés. Apparaissent des villages
où l’économie minière a pris le dessus sur le reste. Quant aux pôles
urbains, souvent centres administratifs, ils rayonnent au-delà de
leur périmètre traditionnel.
Figure 2 - Typologie géographique des sites d’enquêtes
Bakel
Gouniang
Typologie des groupes de localités
Les « villages ruraux structurants » (fig. 3) présentent, à côté de
l’agriculture, une économie diversifiée, favorisée par leur intégration
aux divers types de réseaux.
M A U R I TA N I E
Village rural structurant
Village rural marginal
Village minier
Pôle urbain
Youpe Hamady
RN1
Sinthiou Doube
Goudiry
Talibadji
Koussan
Ndiobene Bala
Doulouyabe
Dide Gassama
Sinthiou Malème
Dieylani
Kothiary
Ida Seco
RN1
RN6
Gouloumbou
Sinthiang Koundara
Badi Nieriko
Dialacoto
Dienoudiala
7
Kounkane
RN6
14° N
Dianke Makha
Missirah
RN
Vélingara
M ALI
Soutouta
Goumbayel
Tambacounda
G AMBIE
Kidira
Senoudebou
Boutoucoufara
Les « villages miniers » forment
des centres commerciaux locaux
actifs qui demeurent isolés des
réseaux commerciaux, agricoles,
et des infrastructures routières.
Sabodala
Parc national du Niokolo-Koba
Bantako
Les « pôles urbains » (fig. 5)
ont un rôle structurant dans les
territoires en tant que nœuds commerciaux et de transport majeurs.
Kédougou
Frontière
Route nationale goudronnée
Chef-lieu de région
14° O
G UINÉE
Les « villages ruraux marginaux »
(fig. 4) reposent sur une économie
agricole de subsistance. Plus
ou moins intégrés au réseau de
transport, ils adoptent des modes
de gestion communautaire des
stocks agricoles.
25 km
12° O
Source : enquêtes Chancira 2013
46
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�Chapitre trois - La diffusion limitée de Rattus rattus dans les villages du Sénégal oriental
les villages ruraux marginaux (où cette proportion est significativement plus élevée que dans tous les autres types de localités)
jusqu’aux pôles urbains.
Figure 3 - Youpe Hamady, un village rural structurant
Figure 6 - Situation de Rattus rattus selon la typologie des localités
© H. Lucaccioni, 2013
Pourcentage de localités
où Rattus rattus est…
Figure 4 - Dide Gassama, un village rural marginal
détecté
l’espèce dominante
Types de localités
100
85,7
Villages ruraux
marginaux
66,7
26,7
Villages ruraux
structurants
66,7
0
Pôles urbains
0
0
Villages miniers
© H. Lucaccioni, 2013
Source : enquêtes Chancira, 2013
Figure 5 - Kidira, pôle urbain structurant les transports
régionaux et internationaux
Moyenne de
Rattus rattus (en %)
0 10 20 30 40 50 60
Même s’il est probable que les axes de déplacement
préférentiels du rat noir suivent les routes nationales supportant le
trafic routier principal, les pôles urbains, tels que Goudiry ou Kidira,
qui constituent des nœuds commerciaux et de transport majeurs
dans la région (fig. 7), ne représentent pas des sites d’installation
préférentielle de l’espèce. En revanche, les villages, en particulier
ceux situés en marge des circuits commerciaux et de transport,
apparaissent comme des lieux où le rat noir maintient ses effectifs
les plus solides. Parmi les paramètres qui doivent être considérés
pour expliquer le succès de la colonisation (i. e. établissement
et prolifération) de Rattus rattus, les caractéristiques propres
à chaque localité occupent une place majeure (structure de
l’habitat, présence de stocks agricoles). De même, les conditions
écologiques sous-jacentes à la composition des communautés
de petits mammifères locaux jouent également un rôle. La
présence et/ou l’abondance d’espèces potentiellement en
compétition avec le rat noir pour les ressources disponibles (souris
domestique Mus musculus, grande musaraigne Crocidura olivieri
et rat à mamelles multiples, Mastomys natalensis en particulier)
représentent sans aucun doute des facteurs prépondérants.
Les données corrélant la présence, la dominance ou la proportion
de Rattus rattus (par rapport à l’ensemble des petits mammifères
commensaux) avec les groupes de localités issus de la typologie
synthétique concordent pour indiquer que l’espèce apparaît
particulièrement bien représentée dans les localités rurales (fig. 6) :
– en termes de présence (telle que détectée par le piégeage), le
rat noir est observé dans tous les villages ruraux marginaux, dans
67 % des localités rurales structurantes, dans 67 % des localités de
type urbain, mais dans aucun village minier. Ce dernier résultat tient
au fait que ces localités sont situées dans la région de Kédougou où,
à l’exception de la ville même de Kédougou, l’espèce est absente ;
– le rat noir est l’espèce dominante du peuplement de rongeurs
commensaux dans 27 % des localités rurales structurantes et 86 %
des villages ruraux marginaux ;
– enfin, globalement, la proportion moyenne de rat noir dans les
peuplements de petits mammifères commensaux décroît depuis
© J. Lombard, 2001
© J. Lombard, 2000
Figure 7 - Route Tambacounda-Goudiry-Kidira,
axe de transport national et international au Sénégal oriental
La connaissance précise du territoire régional et des sites d’habitation, qu’ils soient pôle urbain ou village, apparaît indispensable
pour préciser les conditions dans lesquelles le rat noir se propage
de place en place. Cela ne peut se faire qu’en interaction avec les
spécialistes de l’évolution des paysages et les mammalogistes.
H. Lucaccioni, L. Granjon
Pour en savoir plus : Lucaccioni H., Granjon L., Dalecky A., Fossati O., Le Fur J., Duplantier J.-M. et al., 2016. From Human Geography to Biological Invasions: The
Black Rat Distribution in the Changing Southeastern of Senegal. PLoS ONE [En ligne], vol. 11, no 9, e0163547. DOI: https://doi.org/10.1371/journal.pone.0163547
47
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
Analyse synthétique de la relation entre transformations
territoriales et dynamiques de l’invasion du rat noir
Dans les périphéries en mutation du sud-est du Sénégal, l’émergence et la diffusion spatiale du risque infectieux s’avèrent
être le produit d’une interaction complexe entre dynamiques territoriales et dynamiques d’invasion du rat noir, à
différentes échelles et selon différentes temporalités. La compréhension de cette interaction conduit à identifier et à
hiérarchiser les modalités spatiales et temporelles d’émergence de vulnérabilités territoriales face aux risques sanitaires.
Figure 1 - Insertion des localités enquêtées dans les réseaux marchands régionaux
L’approche adoptée dans le programme
Chancira a permis de dépasser les
conceptions épidémiologiques et médicales
du risque infectieux, ainsi que la logique
binaire de diffusion dans l’espace (d’un
point A à un point B). La méthodologie
exploratoire, avec laquelle nous avons dressé
la géographie du rat et des hommes, a aidé
à développer une approche holistique des
relations entre dynamiques territoriales et du
risque, tout en surmontant les a priori sur les
catégories et les modèles sociospatiaux. La
démarche ne prétend pas être sans limites,
ni s’affranchir de la nécessité d’une approche
biomédicale ou pluridisciplinaire.
Bakel M AURITANIE
Gouniang
M a t a m
Kidira
Youpe Hamady
Goudiry
Ta m b a c o u n d a
Koussan
Ndiobene
Sinthiou
Malème
RN1
Senoudebou
RN1
Kothiary
Bala Talibadji
Doulouyabe
Dieylani
Dide Gassama
M ALI
14° N
G AMB IE
Gouloumbou
Sinthiang
Koundara
RN6
Soutouta
Tambacounda
Goumbayel
Missirah
Badi Nieriko
Dialacoto
Dianke Makha
Boutoucoufara
Les dynamiques spatio-temporelles du
Dienoudiala
Sabodala
RN
7
rat noir révèlent la géographie complexe
Vélingara
d’une périphérie territoriale ouest-africaine
K é d o u g o u
Kounkane
Parc national du Niokolo-Koba
RN6
en phase d’ouverture. La production et
Bantako
Sédhiou
l’organisation des espaces du Sénégal oriental
résultent d’héritages et de recompositions
G UINE É B IS S AU
G UINÉ E
mis en œuvre par les multiples opérateurs
Kédougou
territoriaux formels et informels, ayant servi
25 km
14° O
12° O
de support à la progression inégale de
Source : d’après H. Lucaccioni, 2016
Rattus rattus. Ainsi, l’analyse des territoires
Nombre de boutiques (2016)
des hommes et de leurs dynamiques contribue
192 - 427
à la compréhension des vulnérabilités face
Principal centre commercial régional
Frontière
81 - 191
au risque d’émergence infectieuse, dans
Limite de région
le contexte actuel de transformation des
31 - 80
Principaux liens d’approvisionnement
Route goudronnée
espaces et des sociétés. L’extension et
des boutiques (lieux d’enquêtes)
9 - 30
l’intensification des échanges marchands
0-8
intrarégionaux (fig. 1) et le développement
spectaculaire des centres urbains de Tambacounda et de Kédougou (fig. 2 et fig. 3) créent les conditions favorables à la possible diffusion de
Rattus rattus et augmentent la vulnérabilité territoriale face au risque infectieux.
Figure 2 - Étalement urbain de Kédougou (2005-2019)
vers Tambacounda
vers Saraya
Lieu de la prise de vue (fig.3)
Figure 3 - Lotissement en construction dans la périphérie de Kédougou
N
7
RN
Kédougou
vers
Bandafassi
Tache urbaine en 2019
Extensions en cours en 2019
Axe routier
Sources : Google Earth (Nasa, déc. 2005 ; CNES/Airbus, oct. 2019)
Ga
mb
ie
vers La Guinée
1 km
© O. Ninot, 2014
Tache urbaine en 2005
48
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�Chapitre trois - La diffusion limitée de Rattus rattus dans les villages du Sénégal oriental
Figure 4 - Dynamiques territoriales et présence de Rattus rattus
En adoptant une approche systémique de
la diffusion spatiale au prisme des territoires, il
apparait que l‘expansion du rongeur ne répond
pas à un simple schéma fondé sur la hiérarchie
administrative structurelle ou la distance
spatiale entre foyers et lieux d’invasion. C’est
plutôt dans l’articulation, à plusieurs échelles,
des espaces, des lieux et des liens que
nous pouvons comprendre les dynamiques
d’invasion du rat noir. La stabilité ou l’instabilité
des systèmes territoriaux oriente et module,
dans le temps, les formes de la diffusion
spatiale du rat noir (fig. 4). Ainsi, l’extension
des aires de polarisation intrarégionales et
la quasi disparition des zones isolées ont
favorisé la diffusion de Rattus rattus, sauf
dans l’extrême sud-est. Dans cette zone, en
proie à des changements brutaux et profonds
(boom aurifère, corridor routier international),
l’émergence d’un nouveau foyer dans la ville
de Kédougou, devenue par ailleurs un centre
commercial important, crée les conditions pour
le développement d’une nouvelle vague de
propagation dans les prochaines années.
Dynamiques territoriales (2000-2020)
2000
2020
Espaces polarisés
Tambacounda
Axes et pôles structurants
Kidira-Bakel
Parc national du Niokolo-Koba
Kédougou
Limite de région (après 2008)
Espaces peu/pas polarisés
Présence de Rattus rattus (2020)
Conditions défavorables à Rattus rattus
Aire de répartition de Rattus rattus
Aire où Rattus rattus est absent
Foyers potentiellement émetteurs
Prolifération
Propagation
Les processus de diffusion qui sous-tendent
Front de propagation de Rattus rattus
l’existence du risque infectieux s’expriment
Front potentiel (années à venir)
au sein de systèmes territoriaux complexes et
Axes structurants
multiscalaires, qui agissent en combinaison
avec des systèmes bioécologiques d’invasion.
Parc national du Niokolo-Koba
En outre, les vulnérabilités des systèmes terriLimite de région (après 2008)
toriaux à la diffusion de l’hôte zoonotique ne
Sources : d’après O. Ninot, 2003 et H. Lucaccioni, 2016
peuvent être transposées d’un lieu à l’autre de
L’approche systémique du territoire intègre la complexité des
manière simple, si l’on souhaite appréhender le risque épidémioloprocessus de production des vulnérabilités territoriales et autorise
gique induit par la présence de l’hôte. Il existe une hiérarchisation
à dépasser une approche causale et réductrice du risque infectieux
des dynamiques spatiales et temporelles du risque infectieux et
et de ses facteurs. Plus encore, elle invite à s’intéresser aux formes
des vulnérabilités territoriales.
des dynamiques spatio-temporelles du risque infectieux plutôt
qu’à des niveaux de risque figés. Cette approche ouvre alors des
L’analyse géographique des périphéries orientales du Sénégal
perspectives de réponses aux enjeux sanitaires contemporains par
révèle des différences d’exposition à l’émergence des risques
l’interrogation des interrelations entre dynamiques territoriales et
zoonotiques, telles que synthétisées dans la figure 5. Les multiples
émergence de risques.
combinaisons des facteurs en jeu dans les mécanismes de
colonisation de Rattus rattus produisent des conditions de
Dans les pays du Sud, face aux défis de l’incertitude, les mutations
vulnérabilités inégales entre les quatre catégories de sites
contemporaines offrent aux géographes des horizons nouveaux à
d’enquêtes (voir p. 46-47).
explorer. Les enjeux sanitaires appellent à l’étude des interrelations
entre les dynamiques territoriales et les
dynamiques du risque infectieux émergent. Ils invitent à la pluridisciplinarité
Figure 5 - Synthèse des facteurs de colonisation de Rattus rattus
et à l’engagement des différentes disciVillages ruraux Villages ruraux Pôles Villages
plines au service d’un objectif commun
marginaux
structurants urbains miniers
et coconstruit.
Liens directs et réguliers
avec un foyer émetteur
Liens directs occasionnels
avec un foyer émetteur
Position sur ou proche
d’un axe goudronné
Environnement favorable
Faible compétition avec
d’autres espèces commensales
Taille démographique
(stocks de nourriture)
Facteurs environnementaux
Facteurs territoriaux
Structure (axes, pôles)
Fonctionnement (liens, flux)
Source : d’après H. Lucaccioni, 2016
H. Lucaccioni,
P. Handschumacher,
O. Ninot
Pour en savoir plus : Lucaccioni H., 2017. Une géographie des vulnérabilités territoriales face aux risques zoonotiques émergents. Revue francophone sur la santé des territoires
[En ligne], mars 2017 p. 16-19. DOI: https://rfst.hypotheses.org/files/2017/03/Seminaire-Commission-Santé-CNFG_jeunes-chercheurs_2016-17.pdf
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
L’importance de la localisation des structures de soins sentinelles
dans la surveillance de la distribution des patients fébriles
Un observatoire virologique, destiné à suivre la circulation virale dans la région de Kédougou, a été mis en place par
l’Institut Pasteur de Dakar depuis 2009 ; il s’appuie sur les deux hôpitaux de Kédougou (civil et militaire) et sur le centre
de soins de Bandafassi. Du fait de l’importance de la patientèle arrivant en consultation, des prélèvements sont effectués
chez les patients fébriles, dans le but d’identifier de possibles virus circulant dans la zone. En l’absence de diagnostic
paludéen positif, une recherche de virus est réalisée dans les locaux de l’IPD. La capacité à effectuer les prélèvements avec
des personnels qualifiés, leur conservation dans de bonnes conditions ainsi que l’accessibilité depuis l’antenne locale de
l’IPD expliquent le choix des trois centres médicaux. Une analyse critique de l’aire de chalandise de cet observatoire montre
la plus-value apportée par l’introduction de critères d’ordre géographique dans le choix des structures sentinelles, pour une
meilleure couverture de la zone surveillée.
Le peuplement humain de la zone de Kédougou est distribué
de manière inégale (fig. 1) : la capitale régionale héberge la
grande majorité de la population, tandis qu’une grande part de la
population rurale se concentre le long des routes. La distribution
des populations rurales diminue fortement dès que l’on s’éloigne
des axes de transport et de la ville, même si de nombreux petits
villages subsistent sur les contreforts des massifs montagneux,
notamment à la frontière avec la Guinée. La répartition de la
population de patients fébriles traduit l’inégalité de peuplement
et la rugosité de ce territoire hétérogène, ce qui permet de tirer des
enseignements sur la prise en compte de l’espace dans la mise en
place d’observatoires épidémiologiques.
Figure 1 - Distribution de la population dans la zone d’étude
Parc du
Niokolo-Koba
vers Tambacounda
12°30' O
T AMBACOUNDA
K ÉDOUGOU
Parc du
Niokolo-Koba
Lankata (Soukoto)
Population estimée en 2014
Baraboye
Kédougou
Samal
25 km
Bantata
Tanda
Matakossi
Dongol Nialby
Sinntiouroudissi
Bandafassi
Nathia
12°30' N
Habibou
Thiankou Malal
Wouroudje
Wountgoure
Ségou
Tepere Diantoung
Dindefello Boundou Doundouke
Pelel Kendessa
Afia 2
Diogoma
Nandoumari
10 km
Frontière
Limite de département
Route goudronnée
Piste principale
Yamoussa
Thiangue
Boussoura
Mamadou Boundou
0
Itato
Boundoucondi
Ibel
900
300
60
18
Kédougou
Silly Peulh
Sinthiou Roudji
Patassi
Baitilaye
Damboukoye
Hamdallaye
Nianghe
Thiokethian
Lande Baityl
Landieni Peulh
Kessema
Inere
Angoussaka
Ndebou
Banding
vers
Saraya
Syllacounda
Ethiesse
Namel
Ninefecha
Afia 1
(Afia Magasin)
Ngary (Ongar)
Thiabedji
Mamakono
Termassou
Assoni
Afia 2
(Afia Pont)
Batranke
Attack
Babel
Thiamalel
vers
Salémata
21 000
Bagnomba
Kourou Ngoto
Chef-lieu de région
Altitude (en m)
700
Newdou (Bouchra)
Dande
Mboulaye
G U INÉE
45
Sources : enquêtes Chancira 2014 ;
RGPH 2002 (projection 2014)
© A. Mocquot, 2014
Figure 2 - Guichet d’accueil de l’hôpital de Kédougou
L’analyse de la distribution de l’information épidémiologique,
issue des registres des trois structures de santé du réseau de
surveillance (fig. 2), illustre la concentration géographique de
la patientèle dans certains villages, en décalage avec la réalité
du peuplement. Ainsi, nous pouvons observer une prédominance
des patients situés à proximité des structures de l’observatoire et
des voies goudronnées (fig. 3). Les habitants de Kédougou et de
Bandafassi constituent ainsi l’essentiel de la patientèle. Celle-ci
diminue rapidement pour les résidents des villages éloignés du
réseau routier et plus progressivement pour ceux situés le long
des axes bitumés. Les espaces enclavés (de fait l’ensemble des
villages distants des axes routiers) n’apparaissent pas dans la
distribution des cas fébriles consultant les structures de soins de
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�Chapitre trois - La diffusion limitée de Rattus rattus dans les villages du Sénégal oriental
Figure 3 - Distribution de l’offre de soins en 2014 autour de Kédougou
l’observatoire (notamment la zone au nord
de l’axe routier Bandafassi-Salémata), voire
disparaissent du réseau de surveillance
(espace montagneux sur la frontière
sénégalo-guinéenne ; fig. 4).
12°30' O
D Lankata (Soukoto)
Sinturudji Kurungo
Centre de santé
Tinkoto Tanda
Poste de santé
Thiabedji
Assoni
Case de santé
vers
Saraya
Hamady Hery
D
Nianghe
Ninefecha
H
Hôpital
(non opérationnel à
la date de l’étude)
H
Bagnomba
Batranke
Bantata
Tanda
Le dépistage de virus, qui s’appuie sur un
nombre de patients quantitativement imporvers
tant, ne rend pas compte de la distribution
Salémata
spatiale réelle de la population humaine
Thiokoye
et néglige de potentiels virus émergents
hors des aires d’attraction des structures
de l’observatoire épidémiologique. Une
modification des critères de choix des
structures sentinelles, s’appuyant au moins
autant sur leur représentativité géograNeppene
phique que sur l’importance numérique de
leur patientèle, permettrait de mieux rendre
compte de la distribution de la population
dans l’espace, ainsi que des contraintes
de l’accessibilité aux soins (fig. 5). Cette
0
question est particulièrement importante
dans le cas d’épidémies soudaines qui
demandent une grande réactivité de la part des
services de santé locaux, avant que les agents
infectieux ne se diffusent plus largement dans les
espaces urbains.
Structures de soins
vers Tambacounda
Parc du
Niokolo-Koba
Dispensaire catholique
Infirmerie militaire
Kédougou
Dispensateur
de soins à domicile
(pour paludisme)
Bandafassi
Ndebou
Banding
Patassi
Camp militaire
Ibel
Itato
Frontière
12°30' N
Limite de département
Wountgoure
Pelel Kendessa
Dande
Piste principale
Bara (Rounde Bara)
Thiangue
Koukoudie
Route goudronnée
Afia 1 (Thiabe Care)
Wouroudje
Tepere Diantoung
Ségou
Dindefello
Afia 2 Sagaridji
Badiari
Altitude (en m)
700
Newdou (Bouchra)
10 km
45
G U I NÉE
Source : enquêtes Chancira 2014
Figure 4 - Origines géographiques des patients fébriles dépistés
dans l’une des trois structures sentinelles sur la période 2009-2013
12°30' O
vers Tambacounda
Lankata (Soukoto)
Figure 5 - Difficiles conditions de circulation à la frontière
entre le Sénégal et la Guinée
K
é
d
o
u
g
o
u
Bagnomba
vers
Saraya
Tinkoto Tanda
Thiobo
Ngary (Ongar)
Thiabedji
Mamakono
vers
Salémata
Syllacounda
Assoni
Thiokoye
Afia 1
(Afia Magasin)
Matakossi
Ninefecha
Thiokethian
Ethiesse
Fadiga
Landieni Peulh
Namel
Angoussaka Patassi
Ndebou
Banding
Ibel
12°30' N
Dongol Nialby
Kédougou
Bandafassi Silly Peulh
Sinthiou Roudji
Boundoucondi
Itato
Salémata
Ségou
© J. Lombard, 2001
Dindefello
Dans un contexte de risque sanitaire majeur,
accru par l’existence de la fièvre Ebola en Guinée ou,
de façon plus pernicieuse, par la présence latente
de la fièvre de Lassa, la connaissance et la compréhension des voies de propagation de maladies, ainsi
que celle des espaces potentiellement vulnérables
aux maladies émergentes, constituent des enjeux
majeurs de santé publique.
0
G UINÉE
10 km
Total des patients fébriles par localité
(enfants de moins de 15 ans)
Frontière
Limite de département
Route goudronnée
Piste principale
Structure médicale réalisant
les prélèvements paludéens
Résultat de test de gouttes épaisses
1 40 150
1 000
6 548
Positif
Négatif
Source : registres des strutures sentinelles - IPD, 2014
Ce regard critique, porté sur l’information épidémiologique dans la zone frontalière de la région de Kédougou, permet de reconsidérer
l’organisation des observatoires en général, en intégrant une notion trop rarement prise en compte, la représentativité géographique.
A. Mocquot, P. Handschumacher, A. A. Sall
Pour en savoir plus : Mocquot A., 2014. Système de soins et surveillance épidémiologique au Sénégal oriental. Master 2 de géographie, Université de Strasbourg, 157 p.
51
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
Conclusion
À
l’issue du programme interdisciplinaire Chancira, l’Atlas des relations homme - rat noir - zoonoses
au Sénégal propose un éclairage original sur la complexité des processus régissant la diffusion
et à la propagation du vivant, à partir de l’exemple des dynamiques spatiales et temporelles
du rat noir, réservoir potentiel de zoonoses dangereuses pour la santé humaine. Profitant des
transformations des paysages et de la circulation des hommes et des biens, Rattus rattus a modifié
son aire de répartition. Au départ présent dans les villes portuaires, il s’est par la suite déployé de
manière accélérée jusque dans l’est du pays. Au gré de la progression des axes de transport, de
l’accroissement des flux de marchandises, de la transformation des environnements, de la rencontre
avec des espèces concurrentes, ce rongeur commensal a conquis de nouveaux territoires. L’extension
de son aire d’installation montre que les régions de Tambacounda et Kédougou sont devenues partie
prenante des transformations qui ont cours dans l’ensemble du pays. Sa présence dans la région de
Kédougou pointe aussi l’émergence d’une nouvelle centralité urbaine, à Kédougou même, qui constitue
le point d’aboutissement actuel de Rattus rattus vers l’est.
Les transformations géographiques et économiques n’expliquent pas de manière linéaire les dynamiques spatiales et temporelles de Rattus rattus. Certains échanges commerciaux ponctuels,
développés dans un contexte propice (autour des magasins de grains), favorisent son implantation
dans des villages reculés, alors que les flux de marchandises au départ de Tambacounda, pourtant
massifs, se révèlent moins porteurs. La proximité n’est pas non plus synonyme de conquête, certains rongeurs pouvant provenir directement de l’ouest du pays, à bord de camions destinés aux
campagnes. L’appauvrissement de la végétation arborée ralentit la propagation de Rattus rattus.
Ce dernier est surtout confronté dans son expansion aux rongeurs endémiques de l’est du Sénégal
(Mastomys natalensis) et à la souris domestique, qui lui disputent les mêmes espaces.
Les recherches menées dans le cadre du programme Chancira soulèvent de nouvelles questions sur
les dynamiques spatiales du rat noir. La contextualisation des processus de conquête s’impose pour
mieux comprendre les conditions de succès ou d’échec de son installation et l’émergence d’espaces
partagés avec les humains. Une recherche spécifique sur la ville de Kédougou, où le rat noir apparaît
freiné par Mastomys natalensis, est nécessaire. Des interrogations sur les trafics candidats subsistent,
engendrées par l’impossibilité d’observer les rongeurs à bord des camions ou lors des chargements.
L’exploitation de données élaborées par un réseau d’observateurs (Citizen science) représente une
solution possible. Si les travaux ont permis de mieux comprendre les dynamiques spatiales du rat noir
et les mécanismes qui les supportent, il n’en a pas été de même concernant le passage à l’homme
des agents infectieux dont il est porteur. La comparaison des données virologiques chez les humains
rend difficile le repérage de risques liés à la présence de ce rongeur commensal et à l’ancienneté
de son implantation. Cela suffit-il pour autant à éliminer la notion de risque en l’absence de tout
processus épidémique ? Augmentation de l’échantillon, prise en compte de l’ensemble des réservoirs
animaux potentiels qui environnent les habitants des villages étudiés, permettant de relativiser la
place du rat noir dans cette communauté, sont autant de pistes à explorer, qui replacent les sociétés
humaines au centre du système épidémiologique.
En proposant une valorisation synthétique des travaux de recherche, le présent atlas se veut le
reflet des résultats produits et des interrogations qui émergent. En d’autres lieux, à d’autres échelles,
avec d’autres modèles, de telles approches interdisciplinaires méritent d’être développées et de
nourrir la réflexion comparative sur la production des risques engendrés par la diffusion du vivant.
P. Handschumacher, J. Lombard, M. Diallo, J.-M. Duplantier
53
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�ATLAS DES RELATIONS HOMME - RAT NOIR - ZOONOSES AU SÉNÉGAL
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55
atlas_conclusion_juin21.indd 55
24/06/2021 08:16
�Cet ouvrage a été achevé d’imprimer sur les presses de l’imprimerie
magenta Color à Paris en juillet 2021.
Imprimé en France
Dépôt legal : 2021
atlas_conclusion_juin21.indd 56
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��Atlas des relations
homme - rat noir - zoonoses
au Sénégal
Atlas des relations homme - rat noir - zoonoses au Sénégal
E
n observant et analysant la propagation du rat noir (Rattus rattus) au Sénégal, cet ouvrage souligne
la dynamique spatiale d’un réservoir animal emblématique de zoonoses. Dans les confins orientaux
du territoire sénégalais, ce rongeur commensal profite de la transformation des environnements et de la
croissance des échanges marchands pour s’installer là où il est absent. L’étude du modèle dynamique fournit
de nouvelles informations aux acteurs de la santé publique et de l’aménagement du territoire, dans le but de
prévenir les risques d’émergence épidémiques.
L’atlas est issu du programme CHANCIRA (CHANgements environnementaux. CIrculation de biens et de
personnes : de l’invasion de réservoirs à l’apparition d’anthropozoonoses. Le cas du RAt noir dans l’espace
(l’IRD, l’IPD, l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, l’université de Ziguinchor, l’université Paris Nanterre et
l’université de Strasbourg). Les deux premiers ensembles de cartes sont réalisés à partir de documents
d’archives, de données d’enquêtes qualitatives et quantitatives et d’entretiens. Les informations ont
été réunies et homogénéisées dans un système d’information spatialisé propice au développement de requêtes
croisées : sur la durée du XXe siècle, pour suivre la diffusion de Rattus rattus dans le territoire sénégalais ; sur
les vingt dernières années, pour affiner l’étude des dynamiques spatiales du rat noir dans l’est du Sénégal.
Le troisième ensemble de cartes dévoile la dynamique actuelle du rongeur dans des espaces particuliers
des régions de Tambacounda et Kédougou. Les résultats, issus d’enquêtes géographiques, rodentologiques,
entomologiques et virologiques restituent différentes informations : environnements domestiques et villageois,
modes de vie et mobilités, répartition des espèces de rongeurs dans et hors des habitations, distribution des
vecteurs d’arboviroses, prélèvements sérologiques et virologiques sur les populations humaines et animales.
Ces données aident à mieux comprendre les processus liés à l’expansion de Rattus rattus, susceptibles
d’engendrer un risque important de zoonoses pour les populations humaines.
L’ Atlas des relations homme - rat noir - zoonoses au Sénégal insiste sur la nécessité de s’affranchir de toute
logique déterministe, au profit d’une mise en situation géographique et écologique des acteurs et vecteurs
de la transmission et d’une compréhension territoriale globale des processus.
Sur la route nationale 7 entre Missirah et Dialacoto (Sénégal) - O. Ninot, 2014
sénégalais) et de la collaboration interdisciplinaire entre chercheurs de plusieurs établissements partenaires
Atlas des relations homme - rat noir - zoonoses au Sénégal Contribution interdisciplinaire à l’approche One Health
Contribution interdisciplinaire à l’approche One Health
Sous la direction de :
Contribution interdisciplinaire à l’approche
One Health
Pascal Handschumacher
Jérôme Lombard
Mawlouth Diallo
Jean-Marc Duplantier
Pauline Gluski
Catherine Valton
PRODIG Éditions
Campus Condorcet
Bâtiment Recherche Sud
5 cours des Humanités
93322 Aubervilliers Cedex
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782901
560876
ISBN 978-2-901560-87-6
couverture_juin2021.indd 1
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Publication du programme de recherche Chancira
24/06/2021 10:30
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Atlas de l'UMR PRODIG
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Atlas - Géographie - Pays du Sud
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Atlas des relations homme - rat noir - zoonoses au Sénégal. Contribution interdisciplinaire à l’approche <em>One Health</em>
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Afrique - Sénégal - Tambacounda - Kédougou - Santé - One Health - Rongeurs - Zoonoses - Virus - Environnement
Description
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<p style="text-align: justify;">En observant la propagation du rat noir (Rattus rattus) au Sénégal, l’atlas révèle la dynamique spatiale d’un réservoir animal de zoonoses. Dans les confins orientaux du territoire sénégalais, ce rongeur commensal profite de la transformation des paysages et de la croissance des échanges marchands pour s’installer là où il est absent. L’étude du modèle de diffusion fournit des informations utiles aux politiques de santé publique et d’aménagement du territoire, dans le but de prévenir les risques d’émergence épidémiques.</p>
<p style="text-align: justify;">L’ouvrage valorise les travaux du programme interdisciplinaire CHANCIRA, porté par l’IRD, l’Institut Pasteur de Dakar, l’université Cheikh Anta Diop et l’université de Ziguinchor. Les ensembles de cartes, diagrammes et photos proposés, distinguant trois échelles de temps et d’espace (XXe siècle, territoire national ; XXIe siècle, régions de Tambacounda et Kédougou ; période actuelle, quartiers/villages), synthétisent les résultats d’enquêtes géographiques, rodentologiques, entomologiques et virologiques. Ils apportent des éclairages sur la transformation des environnements domestiques et villageois, l’évolution des modes de vie et des mobilités, la répartition des espèces de rongeurs autour des habitations, la distribution des vecteurs d’arboviroses. L’Atlas des relations homme – rat noir – zoonoses au Sénégal insiste sur la nécessité de s’abstraire de toute logique déterministe, au profit d’une mise en situation géographique et écologique des acteurs des échanges et des vecteurs de la transmission et d’une compréhension globale des dynamiques spatio-temporelles du risque infectieux.</p>
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atlas de l’élevage
au Sénégal
Commerce et territoires
ATP Icare
Publication
du projet de recherche
ATP Icare
Jean-Daniel Cesaro
Géraud Magrin
Oliver Ninot
��Sommaire
Introduction
p. 2
Chapitre un : Les territoires de l’élevage
p. 4
Quel espace pour les éleveurs ?
p. 5
L’élevage et le zonage agro-climatique
p. 6
Peut-on cartographier le cheptel national ?
p. 8
Transhumances d’hier et d’aujourd’hui
p. 10
Des tentatives pour territorialiser l’élevage
p. 11
Les unités pastorales
p. 12
Chapitre deux : le commerce de bétail sur pied
p. 13
Un capital en mouvement
p. 14
Les circuits nationaux de commercialisation
p. 15
Le développement des marchés hebdomadaires
p. 16
Dahra, capitale de l’élevage ?
p. 17
Les circuits régionaux de commercialisation
p. 19
Tambacounda, l’essor d’un carrefour de bétail
p. 20
La tabaski, géographie de la fête du mouton
p. 21
Dakar, foyer de consommation du Sénégal
p. 22
Chapitre trois : La filière lait, du global au local
p. 23
Lait en poudre, lait de collecte : concurrence et
complémentarités
p. 24
Les importations laitières au Sénégal
p. 25
Production nationale et unités laitières
p. 27
Le bassin laitier autour de Kolda
p. 28
Ce qui reste du lait à Dahra
p. 29
La collecte de la Laiterie Du Berger
p. 30
Du lait à la périphérie de Dakar
p. 31
Bibliographie
P. 32
�Introduction - 1
L’élevage est omniprésent au Sénégal. Un habitant sur trois s’y adonne d’une manière
ou d’une autre, dans la quasi-totalité des écosystèmes du pays. Il fournit environ le tiers
de la richesse agricole nationale. Or, ce secteur traverse des bouleversements rapides,
sous l’effet conjugué de mutations écologiques, de la croissance démographique, de
l’urbanisation et de la libéralisation des marchés. Certains élevages sont fragilisés, alors
que d’autres révèlent un formidable dynamisme.
Cet atlas a pour objectif de décrire ces évolutions de manière synthétique, afin d’éclairer
ces transformations et d’en faciliter l’accompagnement. Il s’intéresse en particulier
à l’élevage des ruminants – bovins, ovins et caprins -, qui joue un rôle majeur en zone
rurale. Afin de rendre compte le mieux possible des évolutions actuelles, le présent recueil
propose de croiser deux lectures : l’une, horizontale, aborde les dynamiques des espaces
ruraux ; l’autre, verticale, interprète le fonctionnement des filières. Ces deux dimensions
permettent de présenter une approche intégrée de ce secteur emblématique.
1. Pour une approche intégrée de l’élevage
La perspective horizontale décrit les évolutions des territoires dans lesquels s’enracinent
les activités d’élevage (chapitre 1). Ces transformations traduisent des modifications rapides du climat et des milieux naturels (p. 5 et p. 6), des mouvements d’animaux répondant
aux contraintes écologiques, démographiques et économiques (p. 8). Elles reflètent aussi
l’histoire des politiques d’aménagement de l’espace pastoral (p. 11 et p. 12). L’avenir incertain des « territoires de l’élevage » au Sénégal est ainsi lié à la fois aux règles locales d’accès
au foncier et à une vision de l’aménagement rural dominée par l’ambition de mise en
valeur agricole, dans le cadre d’une conception rigide des « vocations » régionales (p. 5).
La dimension verticale renvoie aux relations marchandes dans lesquelles s’insèrent les
éleveurs. Dans le domaine de la viande (chapitre 2), des liens complexes s’organisent autour
des circuits de commercialisation du bétail sur pied, mobilisant des réseaux commerçants
(p. 15), des marchés hebdomadaires (p. 16) et certaines villes stratégiques (pp. 17 à 20).
Ces circuits s’animent selon de fortes irrégularités saisonnières, dues au calendrier agricole
et aux pics de consommation associés aux fêtes religieuses (p. 21 et p. 22). Ce commerce
d’une grande importance économique contribue ainsi fortement à l’intégration des
pasteurs au sein d’une société de plus en plus urbaine et d’une économie de marché de
plus en plus mondialisée (p. 14). Dans le domaine du commerce laitier (chapitre 3), les
cartes présentées rendent compte d’une ouverture plus ancienne du marché domestique
aux importations (p. 25 et p. 26), ainsi que d’une dichotomie entre un élevage laitier
périurbain semi-intensif et un élevage laitier rural extensif (pp. 27 à 29). La diversité des
relations entre producteurs et agro-industries rurales participe du dynamisme des bassins
laitiers (p. 30 et p. 31). Au total, le devenir de l’élevage laitier au Sénégal dépendra en
grande partie de la capacité des entreprises de collecte et de transformation à promouvoir
des produits d’origine locale auprès des consommateurs urbains (p. 24).
Le croisement de ces lectures horizontales et verticales souligne la multifonctionnalité
de l’animal au sein des systèmes paysans et la diversité des situations locales. L’élevage
témoigne du métissage de la société sénégalaise, entre héritages et innovations, ruralité
et urbanité, dynamiques locales et globales. Ainsi, une activité aussi protéiforme ne peut
être embrassée que grâce à un regard multidisciplinaire. L’enjeu consiste ici à dépasser
une vision uniquement technique (santé ou production animale) de ce secteur, pour
en éclairer les mutations en tenant compte des logiques environnementales, sociales,
économiques et géographiques qui les sous-tendent.
2
�3
2. Un atlas pour renouveler l’image de l’élevage et éclairer la décision
Les documents proposés ici proviennent pour l’essentiel de recherches menées dans
le cadre du projet Icare (2007-2009). Contre des idées reçues stigmatisant un élevage
sahélien « traditionnel » réduit à une composante pastorale « contemplative », en marge
de l’économie monétaire, nos recherches mettent l’accent sur la diversité des formes
d’élevage et sur leur intégration croissante aux marchés. Elles soulignent cependant les
contraintes – économiques ou relevant d’autres causes – qui président à ces changements,
et la diversité des pressions qui s’exercent sur les sociétés d’éleveurs.
Cet atlas ambitionne de fournir à un large public concerné par les évolutions de ce secteur
une vision claire de la diversité des dynamiques de l’élevage au Sénégal, de ses contraintes
et de ses atouts. Il s’adresse en priorité aux élus nationaux ou locaux, aux agents de
l’État, aux responsables d’organisations professionnelles ou de projets, aux chercheurs,
aux étudiants. Pour ce faire, l’atlas valorise des données statistiques nationales ou sousrégionales ainsi que des enquêtes de terrain pour présenter des cartes à différentes
échelles, permettant de varier les points d’observation et de comprendre les relations entre
les différentes perspectives abordées. Ces données d’origines diverses ont été complétées
par des photographies, des graphiques et des cartes schématiques, et commentées par de
brèves notices.
Guillaume Duteurtre
Coordonnateur de l’ATP Icare
Repos d’un troupeau de moutons, Région de Saint-Louis © J.D Cesaro, 2009
�CHAPITRE UN :
Les territoires de l’élevage
Conduite matinale des veaux vers Sagobé, Région de Saint-Louis © J.D Cesaro, 2009
�5
I. Les territoires de l’élevage
Quel espace pour les éleveurs?
Les représentations actuelles du territoire sénégalais sont marquées par un zonage selon
les « vocations » supposées des espaces, définies à partir de leurs potentialités (climat,
sols, situation, peuplement). Ce schéma s’est organisé autour des « cultures de rente »
pourvoyeuses de ressources pour l’administration et les paysans. Le territoire s’est ainsi
construit à partir du réseau de villes et d’infrastructures structurant le bassin de l’arachide,
du centre ouest vers l’est. La vallée du fleuve Sénégal a ensuite porté les espoirs d’aménagement hydro-agricole, le Sud ceux de la diversification cotonnière. La définition d’une
zone sylvo-pastorale dans le Ferlo, dans les années 1950, illustre la marginalité économique et spatiale d’une activité dont les produits, peu commercialisés, semblent échapper
au champ de l’économie moderne. L’espace de l’élevage apparaît relictuel.
Si le Ferlo est bien le cœur de l’élevage pastoral au Sénégal – il y constitue l’activité dominante, et cet espace est central dans les stratégies de mobilité des pasteurs – l’élevage
apparaît comme quasiment ubiquiste dans le pays. Quelle que soit la diversité des systèmes de production (plus ou moins extensifs, agropastoraux ou agricoles), l’élevage a tissé
des liens étroits avec l’agriculture, dont il a été un des moteurs (à travers la culture attelée
et la fumure) et un facteur de sécurisation (la capitalisation sous forme de cheptel permet
d’amortir les crises). Dans la Vallée, le Bassin arachidier et la Haute Casamance, l’augmentation du cheptel traduit les succès de l’agriculture irriguée, de l’arachide ou du coton.
Des liens multiformes unissent l’économie pastorale du Ferlo à celle de ses contours agropastoraux (mobilités saisonnières, relations familiales, gardiennage, vente d’animaux et
d’intrants, flux commerciaux divers).
Les politiques en faveur de l’élevage ont eu des implications spatiales importantes. Leurs
objectifs furent divers (contrôle et taxation des éleveurs, intensification et augmentation
de la production, amélioration de la gestion des ressources naturelles); leurs formes ont
évolué de part et d’autre des plans d’ajustement structurels (plus étatistes et dirigistes des
années 1950 aux années 1970, tributaires de projets aidés et participatifs depuis la fin des
années 1980). Leur constante fut cependant de viser une sédentarisation des pasteurs, ou
en tout cas un contrôle et une restriction de leur mobilité. Dans le Ferlo, la constitution
d’un dense réseau de forages à partir des années 1950, la création de ranchs, ou encore
l’organisation d’Unités pastorales (UP) – comme espaces de gestion socio-économique de
l’arrière-pays pastoral d’un forage – y contribuèrent.
Les espaces valorisés par l’élevage extensif apparaissent aujourd’hui menacés, et les sociétés qui en vivent fragilisées. La forte croissance démographique (la population nationale a
été multipliée par 3,5 depuis 1960) et les pratiques agricoles extensives (donc consommatrices d’espaces) qui l’accompagnent en sont une cause. Les grands projets hydrauliques
ont par ailleurs ignoré l’élevage. Le Delta et la moyenne Vallée furent aménagés sans prise
en compte de la présence ancienne et importante des troupeaux, ce qui causa des tensions locales et remit en question les mobilités séculaires entre le Ferlo et les pâturages de
saison sèche qu’offrait la Vallée. Dans le Ferlo, les pâturages sont menacés par l’extension
des champs des habitants et par la remontée du front arachidier, favorisée par la meilleure
pluviométrie des années 1990-2000 et les appuis politico-administratifs dont bénéficient
les cultivateurs mourides. La décentralisation, renforcée depuis 1996, permet d’inscrire
l’élevage dans les débats sur la gestion des territoires locaux. Mais l’échelle sur laquelle
elle repose et la territorialisation qui l’accompagne semblent incompatibles avec la mobilité pastorale. Les choix à venir dans le domaine foncier, appelés par la Loi d’orientation
agro-sylvo-pastorale de 2004, seront décisifs pour l’avenir de l’élevage extensif, qui en
sortira sécurisé ou sévèrement menacé.
Géraud Magrin
�6
L’élevage et le zonage agro-climatique
Les espaces agricoles et pastoraux du Sénégal d’après A. Le Fur dans P. Ndiaye
La répartition de l’élevage reflète en
partie les gradients agro-climatiques. Les seuils sont définis par les
ressources pastorales, les conditions
sanitaires et la concurrence de l’agriculture : au nord de l’isohyète 400
mm, l’agriculture pluviale est trop
risquée pour concurrencer l’élevage.
Au sud de l’isohyète 800-900 mm,
la trypanosomiase fragilise l’élevage.
Mais ces limites ne sont pas absolues
: races trypano-résistantes et défrichements élargissent l’espace pastoral
au Sud, quand reprise des pluies et
pression démographique orientent le
front agricole vers le Ferlo. La vallée
allochtone du Sénégal a polarisé de
tous temps des troupeaux sans lien
avec la pluviométrie locale. G. M.
2
1
Un agriculteur avec son attelage vers Koungheul
Troupeau vers Taredji
© G. Magrin
1
(2007)
© G. Magrin
2
L’élevage exploite des contextes très variés, avec
1 ou sans 2 parcellaire agricole, dans des bourgs ou des campements.
Il est un élément constitutif de la vie rurale, mais les cheptels n’y ont ni la même importance ni la même fonction, et surtout
ils ne subissent pas les mêmes contraintes d’accès aux ressources herbacées et hydriques. Le cheptel est partout un signe de
richesse, pour un agriculteur comme pour un éleveur.
Village vers Koungheul, Bassin arachidier
1
Forage de Mbidi, zone zylvo-pastorale
2
Pour en savoir plus : Magrin G. (2009), Dynamiques territoriales et place de l’élevage au Sénégal, Documents de travail Icare, Série Notes de synthèse n°2, Cirad,
Montpellier, 22 p.
�I. Les territoires de l’élevage
7
Le gradient nord-sud de la pluviométrie
Le gradient ouest-est de l’agriculture
régime pluviométrique est très contrasté. Au nord, le
volume moyen annuel des précipitations dépasse à peine
200 mm, dont près de 90% se répartissent sur 2 mois. Au sudouest, le volume moyen annuel des précipitations avoisine
1.500 mm. Le régime pluviométrique influence les possibilités
agricoles et pastorales (présence d’eau en surface et dans les
nappes phréatiques, ressources herbacées).
Le gradient ouest – est renvoie à l’histoire de l’aménagement
Le
L’ organisation de l’espace sénégalais oppose
du territoire national au rythme de l’extension et du
déplacement du bassin arachidier. L’arachide a longtemps
été le moteur de l’économie sénégalaise. Si le système est
depuis près de trente ans en difficulté, un front agricole
s’étend depuis plus de vingt ans dans la zone sylvo-pastorale.
Il s’accompagne de tensions foncières, mais aussi de
complémentarités entre agriculteurs et éleveurs.
Villes de plus de 10.000 habitants et densité de population
nettement l’Est vide à l’Ouest peuplé (90% de
la population à l’ouest d’une ligne DaganaKolda) et urbanisé, mais aussi la presqu’île du
Cap Vert (30% de la population sur 3% de la
superficie). L’élevage s’y adapte : il est dans
l’ensemble plutôt pastoral à l’est, sédentaire et
intensif à l’ouest.
Gare de Rufisque : les arachides prêtes pour l’embarquement.
Carte postale ancienne (années 1930 ?), source inconnue
Pour en savoir plus : Ndiaye P. (dir.)(2007), Atlas du Sénégal, les Éditions Jeune Afrique, 84 p.
�8
Peut-on cartographier le cheptel national ?
Répartition du cheptel bovin par département
La cartographie de l’élevage se heurte à plusieurs problèmes
liés à l’absence d’un recensement national du cheptel,
au silence entretenu par les éleveurs sur la taille des
troupeaux, à la prise en compte de la mobilité des hommes
et des animaux, à la complexe définition de territoires
de l’élevage, à l’identification et à la localisation de ses
ressources. Conscients des limites des données statistiques
mais aussi de leur intérêt, nous nous sommes attachés à
cartographier des indicateurs simples (le cheptel, le ratio
population / animaux) à un échelon suffisamment grand (les
départements) pour que les données utilisées permettent
au territoire de révéler ses principaux contrastes. O. N.
Un éleveur et son troupeau vers Thiès ©
G. Duteurtre
L’effectif
Selon les estimations de la Direction de l’élevage (Direl),
il y aurait un peu plus de 2.900.000 bovins sur le territoire
sénégalais en 2005.
Densité du cheptel bovin par département
de bovins par département donne un poids
important à la zone sylvo-pastorale et renvoie aux deux
gradients agro-climatiques et démographiques. Les
effectifs bovins de la région de Matam sont sans doute
sous-estimés, ce qui montre la difficulté de recenser un
cheptel dans des régions reculées.
Nombre de bovins par habitant par département
En considérant l’effectif des bovins par rapport à la superficie Un
des départements, la représentation s’inverse. Les fortes
concentrations se situent dans le bassin arachidier, les
faibles au coeur du Ferlo.
autre indicateur consiste à rapporter le nombre de
bovins à la population du département. On distingue ainsi
les départements où ces animaux sont plus nombreux que
les hommes, ce qui désigne des régions spécialisées dans
la vente.
�I. Les territoires de l’élevage
9
Répartition du cheptel ovin/caprin par département
Densité du cheptel ovin/caprin par département
Le nombre de petits ruminants est, selon les estimations,
Comme pour les bovins, les densités de petits ruminants
2,5 fois supérieur à celui des bovins, avec plus de 7.600.000
têtes. Il n’est pas possible de différencier ces deux espèces,
dans la mesure où les données accessibles sont agrégées.
Nombre d’ovins/caprins
par habitant et par département
sont plus élevées dans le bassin arachidier (à l’exception de
Diourbel et de Bambey). Avec près de 300 ovins/caprins
au km, la région de Dakar montre l’intégration des petits
ruminants dans la vie urbaine.
Chèvres et déchets urbains à Saint-Louis
© G. Magrin
L’opposition, selon les indices, entre le Bassin arachidier et
Le Ferlo est bien représenté selon le ratio nombre d’ovins/
caprins par habitant. Les petits ruminants sont pour les
éleveurs une ressource financière aisément mobilisable.
le Ferlo, présente deux images différentes de l’élevage. La
taille du cheptel de l’ouest est fortement liée à celle de la
population, montrant une complémentarité de l’élevage
avec l’activité agricole et son insertion dans l’espace
urbain. Inversement, le cheptel de l’est est supérieur en
nombre aux habitants de la zone sylvo-pastorale. Les stocks
d’animaux pour la vente sont donc proportionnellement
plus importants à l’Est qu’à l’Ouest.
Pour en savoir plus : Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), Situation économique et sociale (SES) des régions du Sénégal.
http://www.ansd.sn/
�10
Transhumances d’hier et d’aujourd’hui
Evolution des transhumances depuis 1950
D’après A.T. Diop dans D. Dia (2009)
L’aménagement hydroagricole de la vallée du
fleuve Sénégal et l’ouverture des forages dans
le centre du Ferlo depuis le milieu du XXe siècle
ont influencé la géographie du pastoralisme.
Avant les forages, les troupeaux étaient
conduits dans les campements de Dieri en
saison des pluies, où l’on pratiquait également
l’agriculture. En saison sèche, les Peuls se
dirigeaient vers le lac de Guiers, le Waalo ou
la vallée du Ferlo, pour exploiter les parcours
de décrue et les points d’eau. Wolofs, Maures
et Peuls vivaient soit de l’agriculture sous pluie
soit de l’élevage, mais le plus souvent des deux.
Les Mauritaniens venaient aussi dans le Waalo
en saison sèche et repartaient vers le nord en
saison des pluies. Avec la création des forages
dans le Dieri puis les sécheresses et l’extension
des aménagements hydroagricoles dans la
vallée du fleuve Sénégal (barrage de Manantali
en 1988), les mouvements vers le Waalo ont
été petit à petit abandonnés.
Habitat transhumant autour de Dahra: forme
traditionnelle, matériaux récupérés © G. Magrin
L’ouverture
des forages a aussi permis
l’installation de campements au coeur du
Kooya, devenu la réserve des six forages. S’en
sont suivies une densification du cheptel et une
surexploitation des parcours qui, en période de
grande sécheresse, se sont révélées intenables.
La sécheresse de 1972-1973 provoqua les
premiers déplacements massifs vers le sud.
De nombreux éleveurs se sont réfugiés dans
le Bassin arachidier pour profiter des parcours
post-récoltes. Ces contraintes transformèrent
les familles peules en véritables nomades,
abandonnant progressivement l’agriculture
pour se recentrer sur un élevage devenu plus
exigeant. La crainte de nouvelles sécheresses
créa de nouvelles relations entre les éleveurs et
les agriculteurs du Bassin arachidier et du Sud.
On assiste ainsi à une translation progressive
du pastoralisme du Nord vers le centre puis le
Sud du pays.
Pour en savoir plus : Diop A.T., Sy O., Ickowicz A., Touré I. (2003), « Politique d'hydraulique et gestion de l'espace et des ressources dans la région
sylvopastorale du Sénégal », actes du colloque international Organisation spatiale et gestion des ressources et des territoires ruraux, Montpellier, France, 9 p.
�I. Les territoires de l’élevage
11
Des tentatives pour territorialiser l’élevage
Les grands projets de développement régional
D’après D. DIA (2009)
L’assignation de l’élevage au sein de territoires
délimités est considérée comme un enjeu majeur
d’aménagement du territoire (afin d’éviter
notamment les conflits d’usages avec les espaces
agricoles et les espaces protégés) et de gestion
sectorielle (on parle souvent de « sécurisation »
de l’accès aux ressources). Plusieurs projets de
développement s’y consacrent. La définition de
ces territoires est difficile car elle s’appuie sur des
réalités mouvantes dans le temps et sensibles aux
accidents climatiques : localisation du cheptel,
des ressources pastorales (eau, pâturages) et des
marchés. Une contradiction fondamentale apparaît
ainsi entre l’essence même de l’élevage pastoral
qu’est la mobilité, et le projet de le fixer au sein de
limites territoriales. O. N.
Pare-feux et forage
dans le ranch de Doli
Deux grands projets furent initiés dans le Ferlo : le Projet de développement
de l’élevage au Sénégal oriental (PDESO) et la Société de développement
de l’élevage dans la zone sylvo-pastorale (Sodesp). La Sodesp voulait
commercialiser le bétail dans les années 1970, suivant une stratification
des productions animales (zones de naissage en zone sylvo-pastorale, de
réélevage en zone agro-pastorale et d’embouche à proximité des foyers
urbains).
© G. Magrin
Dans les années 1980, le Sénégal, comme les autres pays d’Afrique, fut
touché par les plans d’ajustement structurel. Les grands projets d’Etat
furent remplacés par d’autres programmes moins ambitieux. Ces projets
avaient pour objectif de sédentariser les pasteurs, comme par exemple
le projet de la GTZ à Windou Thiengoly, en aménageant des périmètres
pastoraux reliés au forage par des conduites d’eau.
A la fin des années 1980, des réserves sylvo-pastorales furent
créées pour garantir des espaces à l’élevage. Cependant,
l’expansion des défrichements agricoles au centre-est du
Sénégal et la remontée du front arachidier vers la zone
sylvo-pastorale conduisirent au déclassement de superficies
parfois importantes (Déaly, Boulal, Mbeggé, etc.) au profit des
exploitants agricoles. La pression foncière demeure un enjeu du
XXIe siècle pour les éleveurs.
Plan d’aménagement des périmètres pastoraux du projet
sénégalo-allemand à Windou Thiengoly.....
1
d’après GTZ (1992)
Les réserves naturelles au Sénégal d’après CSE (2000)
1
Pour en savoir plus : Oussouby Touré (1990), Ngaynaaka majji : la perte des pratiques pastorales dans le Ferlo (Nord Senegal), IIED, dossier n°22, 25 p.
�12
Les unités pastorales
Les actions visant à sédentariser les éleveurs s’estompent à par-
tir des années 1990, bien que les débats entre les partisans de
l’intensification et ceux de l’élevage pastoral soient encore vifs.
Les Unités pastorales (UP), mises en place par le Papel (Projet
d’appui à l’élevage) semblent exprimer un compromis. Elles regroupent l’ensemble des campements se trouvant dans la zone
d’influence d’un forage (20 km de rayon) et partageant le même
espace agricole et pastoral, les mêmes points d’eau, ayant des
intérêts socio-économiques convergents. De nouvelles règles
collectives de gestion des ressources pastorales sont adoptées.
Elles concernent notamment les pâturages, les intrants, l’accès
à l’eau et la lutte contre les feux.
Localisation des UP des phases I et II d’après Papel/CSE
Carte d’occupation du sol de l’UP de Thiel
Cartographie CSE & PPZS
Carte retravaillée par les éleveurs
(traduction en pular, choix des symboles et des couleurs)
cartographie CSE & PPZS
Cartographie participative à Thiel en 2002
© I. Touré
Ces deux cartes ont été réalisées lors de la première phase du projet des UP.
Les limites de la carte de Thiel ont été modifiées lors de la deuxième
phase, pour représenter une partie du Ranch de Doli,
au sud de l’UP.
Des éleveurs cartographes
Les cartographes s’intéressent depuis longtemps aux éleveurs
du fait de leur mobilité. Pourtant, les éleveurs ont rarement
été associés à la production cartographique sur leur territoire.
Avec la mise en place des Unités pastorales, des acteurs locaux
et des cartographes dessinent une cartographie adaptée
aux besoins des éleveurs afin de mutualiser la gestion des
ressources naturelles et de l’environnement. L’élaboration
concertée d’outils géographiques a deux objectifs. Elle doit
créer des bases de données spatialisées pour les décideurs
institutionnels et offrir une représentation cartographique
appropriée par les éleveurs de ce territoire.
Pour en savoir plus : Wane A., Ancey V., Grosdidier B. (2006), « Les unités pastorales du Sahel sénégalais, outils de gestion de l’élevage et des espaces pastoraux. Projet durable ou projet de développement durable ? », Développement durable et territoires, http://developpementdurable.revues.org/index3292.html
�CHAPITRE DEUX :
Le commerce du Bétail sur pied
Départ du convoyage de Niassanté vers Dahra © J.D CESARO, 2009
�Un capital en mouvement
Loin de l’image d’un élevage contemplatif, l’élevage pastoral sénégalais est aussi une
activité marchande, orientée vers la production de viande pour le marché national. La
consommation totale de viande au Sénégal s’élève à environ 100.000 tonnes par an,
soit moins de 12 kg par an et par habitant pour l’ensemble du pays, dont 37% de bœuf
et 27% de petits ruminants. Au cours des dernières années, la part relative des viandes
rouges tendrait à diminuer au profit des volailles. Par ailleurs, la consommation se
caractérise par de fortes variations en cours d’année avec des pics liés aux fêtes, la
Tabaski (Aïd el-Kabir) pour le mouton et le Maouloud (célébration de la naissance du
Prophète) pour le boeuf.
La contribution des importations au marché de consommation de la viande s’élèverait
à moins de 10%, mais elle peut être ponctuellement plus forte comme lors de la
Tabaski (environ un tiers des animaux vendus à Dakar proviendrait du Mali ou de
Mauritanie). Les importations de bétail sur pied depuis les pays voisins font figure de
variable d’ajustement à d’éventuels problèmes d’approvisionnement par la production
locale, tout en apportant une diversité qualitative de plus en plus recherchée par les
consommateurs urbains. L’évolution des modes de consommation est à mettre en
rapport avec l’émergence d’une classe moyenne urbaine plus nombreuse et dont le
mode de vie, après plusieurs générations, s’affirme en se distinguant.
La production locale comme les importations s’inscrivent dans une filière commerciale
dominée par la vente de bétail sur pied plutôt que de la viande. Le faible nombre
d’abattoirs de grande capacité et la quasi absence de maîtrise du froid (réservée à
quelques filières de commercialisation urbaines) expliquent que la filière se caractérise
par la proximité des abattoirs avec les lieux de consommation plutôt qu’avec les
espaces de production. La filière commerciale de bétail sur pied s’appuie sur un réseau
hiérarchisé de lieux marchands. Les marchés ruraux hebdomadaires sont les lieux de
collecte primaire, au plus près des producteurs. D’autres marchés hebdomadaires ou
permanents occupent des fonctions de regroupement et de redistribution des animaux
vers les principaux centres urbains de consommation. Dahra et Tambacounda toute
l’année, Birkelane pendant la Tabaski, sont les principaux relais au niveau national.
Dans les grandes villes, les marchés terminaux sont les lieux d’approvisionnement des
abattoirs, des bouchers, des dibiteries (restaurants populaires où l’on consomme de la
viande grillée), et aussi des particuliers, surtout au moment des fêtes.
D’un bout à l’autre de la filière marchande interviennent une multitude d’acteurs,
éleveurs eux-mêmes, commerçants (dioulas) mobiles ou attachés à un marché,
intermédiaires (téfankés) assurant les prix et garantissant les transactions. Tous
contribuent à reproduire un système où l’économie est plus qu’ailleurs enchâssée dans
le social, voire dans l’Ethnie. Mais l’une des originalités du commerce de bétail tient à
la présence d’une multitude d’opérateurs occasionnels, pour lesquels l’élevage n’est
pas l’activité principale mais qui s’y projettent avec des fortunes diverses, le temps
d’une Tabaski par exemple.
Olivier Ninot
14
�II. Le commerce de bétail sur pied
15
Les circuits nationaux de commercialisation
A l’échelle du Sénégal, les circuits marchands convergent vers
l’agglomération dakaroise (plus de 2 millions d’habitants), en
s’arrêtant en chemin sur d’autres marchés de consommation
importants que sont Saint-Louis, Touba, Kaolack ou Thiès. La
petite ville de Dahra est le principal marché de collecte et de
redistribution du Sénégal, drainant le vaste bassin de production
du Nord. C’est par la route et le rail qui relient Dakar à la frontière
malienne que sont acheminés les animaux du Sud, de l’Est, mais
aussi du Mali et de Mauritanie, alors que la Casamance reste
largement en dehors des circuits marchands d’échelle nationale.
O. N.
Téfankés, dioulas et acheteurs au marché
de Thillé Boubacar © G. Magrin
Flux et marchés de l’élevage au Sénégal: une structure en entonnoir
Sources : Santoir (1972), Tyc (1994),
Wane (2005), Ninot (2009)
Embarquement en camion de bovins au foirail
de Dahra pour Dakar © J.D Cesaro
La seule carte de flux commerciaux de bétail
fondée sur des statistiques est celle de Santoir
(1972). La carte présentée ci-dessus en est une
actualisation. Un comptage est théoriquement
effectué par les services vétérinaires dans
tous les marchés, mais les données ne sont
malheureusement pas centralisées et doivent
être prises avec de la distance. Les spécialistes
s’accordent néanmoins sur la pérénnité de la
structure globale des circuits présentés par
Santoir. Les circuits convergent vers Dakar. Le
circuit nord autour de Dahra connaît les flux les
plus importants. Le circuit sud a sensiblement
augmenté grâce à l’accroissement du flux en
provenance du Mali et au transfert de l’apport
mauritanien, via le Mali.
Pour en savoir plus : Ninot O. (2008), Élevage et territoire dans le « Ferlo », zone pastorale du nord du Sénégal, Rapport de Mission ATP Icare, 48 p.
�16
Le développement des marchés hebdomadaires
Le commerce de bétail fut à l’origine de nombreux marchés ruraux
hebdomadaires dans les années 1950-60. Il a ensuite bénéficié
de leur multiplication, en lien avec le développement du petit
commerce de biens de consommation et avec la privatisation de la
commercialisation des produits agricoles, au cours des années 1980
et 1990. Aujourd’hui hiérarchisés, connectés les uns aux autres
par les marchands et les transporteurs, organisés en circuits, les
marchés ruraux hebdomadaires sont les principaux et les premiers
lieux de mise en vente du bétail. O. N.
Le
loumo, c’est, une fois par
semaine, la ville à la campagne. Une rue de Niassanté le jour
Le marché polarise un groupe de du marché et la même rue le
lendemain © J.D Cesaro
villages, où il assure la distribution
finale des biens de consommation
et la collecte primaire des
productions agricoles.
Les loumos entre 1970 et 2000
d’après O. Ninot et al. (2002)
1970
A REFAIRE
L’accès aux marchés reste encore très inégal. Les faibles
densités humaines du Ferlo et de la Haute Casamance
(inférieures à 30 hab. au km²) se reflètent dans celles
des marchés. L’offre commerciale se limite très souvent
à un marché tous les vingt kilomètres.
Il existe une « diagonale du vide » sénégalaise,
allant plus ou moins du delta du Sénégal jusqu’à
Kédougou. Les réserves naturelles du Sud et Nord Ferlo
représentent un vide infrastructurel de plus de 11.000
km², et donnent un avantage au marché de Dahra, qui
polarise un gigantesque espace pastoral.
2000
Où va un éleveur pour vendre?
Un éleveur peut envisager plusieurs lieux de vente. Le
facteur distance est décisif. Plus il va loin, plus le gain
espéré de sa transaction doit être important et plus le
risque de ne pas rentrer dans ses frais augmente. Son
espace de vente s’organise entre :
(1) le campement ou le forage
(2) le loumo
(3) les marchés urbains périphériques et les
grands marchés de regroupement comme Dahra
(4) les grands marchés de consommation
(Dakar, Thiès, Touba). Il ne s’y rendra en pratique qu’en
de rares occasions comme la Tabaski.
Pour en savoir plus : Ninot O., Lesourd M., Lombard J. (2002), « Nouveaux espaces, nouvelles centralités : échanges et réseaux en milieu rural sénégalais »,
Historiens et Géographes, (379), pp. 141-152.
�II. Le commerce de bétail sur pied
17
Dahra, capitale de l’élevage ?
«Dahra, capitale de l’élevage», l’expression est fréquente parmi
les acteurs de la filière de l’élevage. Il est vrai qu’elle polarise plus
que tout autre marché des flux importants d’animaux du nord du
Sénégal, de la Mauritanie et du Mali. Mais la ville fonctionne
surtout comme un lieu de rupture de charge et de regroupement
dans l’acheminement des animaux vers Dakar. Ses fonctions de
commandement sur le secteur de l’élevage (marché, Centre de
recherches zootechniques, mini-laiterie) sont limitées et n’ont
qu’un rayonnement régional. Faute de développer des fonctions
aval structurantes (abattage, transformation de la viande et du
lait), elle restera une capitale de l’élevage incomplète et fragile,
vulnérable à un changement des facteurs de la géographie
commerciale. G. M.
Destinations des bovins vendus à Dahra en 2007
D’un marché à l’autre, les bovins sont acheminés à pied
par des convoyeurs (de 3 à 8, selon la taille du troupeau).
Les déplacements se font surtout la nuit. Diourbel est
la première destination des bovins vendus à Dahra,
car ce marché se tient le mercredi, soit trois jours après
celui de Dahra. Les bovins y sont revendus à d’autres
intermédiaires, qui les achemineront à Thiès puis à Dakar.
Ces marchés servent ainsi à transférer d’un vendeur à
un autre le risque financier que représente un cheptel
jusqu’à la finalisation de la vente.
Principaux forages
polarisés par Dahra
source: comptage Dahra (2007)
Source : Tyc (1994), Wane (2005)
Ancien et nouveau convoyage à partir de Niassanté
Jusqu’à la fin des années 1960, Louga abritait le
d’après J.D CESARO (2009)
plus grand marché de bétail du Sénégal. À cette
époque, les convoyages longeaient le lac de
Guiers pour y faire abreuver le bétail. Certains
acheminaient même les bovins jusqu’à Dakar
et longeant la canalisation reliant le lac de
Guiers à la capitale. L’ouverture des forages
explique en partie le déplacement vers l’est
du principal lieu de regroupement.
Cette
réorientation tient aussi à l’essor de
l’agglomération de Touba dans les années 1970 et
à la densification du triangle Dakar-Thiès-Mbour.
La ville de Dahra se situe à l’embranchement
de deux routes : l’une menant à Louga et à
Saint-Louis, l’autre passant par de multiples
grands marchés comme Touba-Mbacké,
Diourbel, Thiès, Dakar et d’autres plus
petits. Par conséquent, la position de
Dahra offre plus de possibilités pour les
intermédiaires de la filière.
Pour en savoir plus : Wane A. (2005), «Marchés de bétail du Ferlo (Sahel sénégalais) et comportements des ménages pastoraux», colloque Les institutions du
développement durable des agricultures du Sud, 21 p., http://www.eco-consult.com/ferlo/IMG/pdf/WANE_2005.pdf
�18
Le daral bovin de Dahra en mars 2009 © J.D Cesaro
Le marché de Dahra, coeur économique de la ville, se tient le dimanche. Il devient, le temps
d’une journée, un carrefour international de l’élevage. Mais le lundi, Dahra redevient
un gros bourg au centre de la zone-sylvo-pastorale. Le marché des ovins/caprins est
ouvert tous les jours de la semaine mais il est peu actif. La ville et les pouvoirs publics cherchent à développer l’économie de l’élevage hors du marché. Le nouvel
Daral
ovins/caprins
abattoir de Dahra illustre ces velléités. Il existe en outre plusieurs laiteries qui
collectent auprès des éleveurs aux abords de la ville. Le Centre de recherches zootechniques (Isra-CRZ), créé dans les années 1960 à l’est de la ville,
y remplit une fonction scientifique et économique importante. De même,
la radio Ferlo FM sert à informer les éleveurs de la région. Ces exemples
Marché
hebdomontrent un certain dynamisme urbain lié à l’activité pastorale de la
madaire
région.
Daral
bovin
Économie de l’élevage et développement urbain
Vers Réserve
des Six Forages
Laiterie
Ancien abattoir
Parking
Camions
Abattoir en projet
Espace bâti
Vers Louga
(90 Km)
Daral
Marché
Central
Centre de
recherches
zootechniques
(ISRA)
Vers Linguère
(40 Km)
La radio des pasteurs à Dahra © O. Ninot
Vers Touba
(70 Km) Photo satellite (Google Earth) du dimanche 28 mars 2004
0
500m
Pour en savoir plus : Vatin F. (2008), «Retour à Dahra : quelques notes sur le voyage et le développement», Revue du Mauss, n° 32, pp. 441-460.
�II. Le commerce de bétail sur pied
19
Les circuits régionaux de commercialisation
Les circuits de commercialisation en Afrique de l’Ouest et du Centre D’après B. Guibert et al. (2009)
La géographie des flux
de bétail en Afrique de
l’Ouest traduit les gradients écologiques et du développement :
les steppes des États sahéliens pauvres fournissent les zones de
plantation forestière plus riches suivant une direction dominante
nord / sud, intérieur / littoral. Cette structuration inscrite dans les
anciens échanges méridiens forêts / savanes a été amplifiée par la
croissance des métropoles côtières et l’augmentation des troupeaux
au Sahel. Mais des nuances compliquent parfois ce schéma : les races
animales circulent aussi selon une logique est / ouest ; surtout, les conflits
(en Côte d’Ivoire, en Guinée) imposent aux déplacements d’animaux sur
pied ou en camions des réorientations imprévues. G. M.
L’élevage dans l’économie des pays
d’Afrique de l’Ouest
Nombre de bovins
pour 100 hab.
Autour du Sénégal, le Mali et la Mauritanie sont de grands D’une
année sur l’autre comme au cours de l’année, les
producteurs d’animaux. Si un marché intérieur existe dans ces flux transfrontaliers de bovins connaissent de fortes
deux pays, une grande partie des bêtes est acheminée vers le fluctuations.
Sénégal et plus particulièrement vers Dakar.
Le difficile passage Kayes-Kidira
Variation du nombre de bovins venus du Mali au
poste frontière de Kidira
Kayes est le dernier marché malien et Kidira est la première
ville sénégalaise sur l’axe Dakar-Bamako. Ce tronçon KayesKidira est considéré comme l'étape la plus redoutable pour
les transporteurs de bestiaux. Il y a environ 9 points de
contrôle où il faut payer au total entre 27.000 et 40.000
Fcfa. Une fois à Kidira, il faut s'acquitter de la TVA de 5.500
Fcfa par tête. Cette taxe est critiquée par les commerçants,
qui y voient un obstacle aux échanges entre les deux pays.
Les autorités sénégalaises la justifient car le Mali reçoit sur
son territoire du bétail mauritanien (hors Uemoa), vendu
par la suite au Sénégal. À ces frais s’ajoutent encore divers
prélèvements sur le reste du parcours de Kidira à Dakar.
Pour en savoir plus : Guibert B., Banzhaf M., Soule B., Balami D., Ide G. (2009), Etude régionale sur les contextes de la commercialisation du bétail : accès aux marchés et défis d’amélioration des conditions de vie des communautés pastorales, SNV/Iram, 119 p.
�20
Tambacounda, l’essor d’un carrefour de bétail
Principale ville du Sud–Est sénégalais (80.000 habitants
environ), située au cœur d’une vaste région d’élevage et sur l’axe
routier et ferroviaire qui relie Dakar à Bamako, Tambacounda
abrite le deuxième plus important marché à bétail du pays.
Il reçoit les bovins, caprins et ovins de tout l’Est sénégalais,
depuis les bords méridionaux du Ferlo au nord jusqu’aux
zones infectées par la trypanosomiase au sud. Mais il est
aussi le point d’entrée privilégié du marché de consommation
national pour des éleveurs maliens et mauritaniens transitant
par la région de Kayes. O. N.
Vente de bétail dans le daral bovin de Tambacounda
© A. Duvergé
Tambacounda, à l’articulation de flux locaux et régionaux
d’après A. Duvergé (2006)
Tambacounda polarise une zone d’élevage bien différente du reste
Vaches ndama au sud de Vélingara © G. Magrin
du Sénégal du fait de la trypanosomiase. Le cheptel, résistant à la
maladie du sommeil, est composé exclusivement en Casamance de
bovins ndama et dans le Sénégal Oriental de ndamas, de djakorés
et de quelques zébus. Les ovins/caprins sont plus petits que dans
le Nord.
Cette spécificité animale se répercute sur la structure du marché, qui
fonctionne de manière endogène. Tambacounda est le débouché
principal de la région et le point de rencontre des flux provenant
de la Casamance et de marchés spécifiques comme Kafori, Diaobé,
Médina Gounass. Cette ville profite du commerce transfrontalier
du bétail, notamment lors de la Tabaski. En novembre 2008,
Tambacounda a reçu 59.000 moutons du Mali, ce qui constitue un
record. L’année précédente, elle en avait reçu 41.000.
Pour en savoir plus : Duvergé A. (2006), Quel avenir pour la filière viande bovine au Sénégal ? Etude d’un circuit long de Tambacounda jusqu’à Dakar, Istom,
105 p., http://www.bameinfopol.info/IMG/pdf/Mmoire_filire_viande_Duverg.pdf
�II. Le commerce de bétail sur pied
21
La Tabaski, géographie de la fête du mouton
Éleveurs mauritaniens vers Tambacounda
venus pour la Tabaski en 2008 © T. Dufour
L’Aïd el-Kabir, ou Tabaski, est une fête religieuse centrée
sur le sacrifice d’un bélier. En 2008 et en 2009, environ
670.000 moutons furent sacrifiés chaque année, dont
230.000 dans la seule région de Dakar, soit un tiers des
sacrifices, alors que l’agglomération ne regroupe qu’un
quart de la population totale du pays. L’approvisionnement
de la capitale met à l’épreuve les systèmes de production
nationaux et internationaux (environ 1/3 des moutons
sont importés du Mali et de Mauritanie) ainsi qu’un
élevage urbain spécifique embryonnaire. O. N.
La
zone sylvo-pastorale fournit près de 50% des
moutons de Tabaski. Ces dernières années, le gouvernement sénégalais a favorisé l’importation d’animaux
en provenance du Mali, qui fournit un tiers des
moutons consommés au Sénégal pour la fête. Enfin, la
contribution de la Mauritanie à l’approvisionnement
du pays (moins de 7% des moutons de Tabaski) est
probablement sous-estimée. En effet, les éleveurs
mauritaniens conduisent leurs troupeaux au Mali pour
les acheminer par la suite au Sénégal.
Origine des moutons au parc des petits ruminants
de Pikine-Sotiba en 2008 d’après O. Ninot (2009)
Le
transport des animaux est, à cette période, un
élément crucial. Les prix de transport passent du
simple au double. Camions, voitures et voie ferrée sont
utilisés pour rejoindre la capitale du Sénégal. Certains
marchés grossissent en période de Tabaski, comme
Birkelane, au carrefour des routes allant à Thiès, à
Mbour et en Gambie.
La
Tabaski est un moment particulier pendant lequel les animaux entrent
massivement en ville. Les éleveurs viennent eux-mêmes à Dakar vendre
leurs moutons. Toute une organisation se met en place à ce moment là pour
transformer la ville en une vaste bergerie.
Marché de moutons de Tabaski à Khombole,
région de Thiès, en 2008 © O. Ninot
Le nombre de points de vente autorisés (simplement contrôlés) ou
normalisés (équipés de commodités) a significativement augmenté
depuis 10 ans. On en comptait une quinzaine en moyenne
dans les années 1990, puis 26 en moyenne sur la période
2000–2005, puis 46 en 2006 et 38 en 2007. Cette
évolution manifeste la volonté des autorités
de contrôler, de sécuriser et d’assurer un
minimum de suivi sanitaire dans
le plus de points de vente
possible.
source: ANSD, 2002
Un point de vente normalisé
à Dakar en 2008 © O. Ninot
Les points de vente pour la Tabaski 2008
à Dakar d’après O. Ninot (2010)
Pour en savoir plus : Ninot O. (2010), «Des moutons pour la fête. L’approvisionnement de Dakar en mouton de Tabaski», Les Cahiers d’Outre Mer, n°249,
pp.141-164.
�22
Dakar, foyer de consommation du Sénégal
L’agglomération de Dakar concentre près de la moitié de la
consommation de viande du Sénégal, soit beaucoup plus que
son poids démographique (25%). Cela reflète le niveau de vie de
ses habitants, nettement supérieur à la moyenne nationale. La
consommation présente aussi des formes originales – comme
les réseaux de boucheries modernes (surtout pour les bovins) et
l’importance de la restauration populaire (les dibiteries, surtout
pour les ovins). Les trois quarts des bovins consommés à Dakar
viennent du Sénégal (dont plus de la moitié du Ferlo), les autres
du Mali et de la Mauritanie. G. M.
Origine des bovins abattus à Dakar d’après A. Duvergé (2006)
Les abattages contrôlés au Sénégal en 2005
En 2005, selon la Direl, la région de Dakar a absorbé 42%
des bovins abattus au Sénégal. Viennent ensuite les régions
de Thiès (12%), Tambacounda (8%), Saint-Louis (8%),
Diourbel (7%), Kolda (6,5%), Kaolack (6%), Ziguinchor (5%),
Louga (5%) et enfin Fatick (2%). Les activités de la filière
bétail-viande au Sénégal sont principalement tournées
vers l’approvisionnement de Dakar. L’offre de viande y est
constituée aux deux tiers de viande de ruminants : 49% de
bœuf, 27% d’ovins/caprins.
La distribution de la viande à Dakar se fait à travers plusieurs
points de vente. Le principal pour la viande en gros est celui
des abattoirs, où s’effectuent des transactions entre les
chevillards et les détaillants.
Bien qu’une grande partie des abattages au Sénégal ne soit
pas contrôlée, chaque région a ses propres installations. En
raison de la croissance urbaine, de nouveaux abattoirs vont
être créés pour répondre à la demande, comme à Mbour. La
distribution de viande passe par les nombreuses dibiteries et
par quelques boucheries ayant des installations frigorifiques,
principalement localisées à Dakar.
Les abattoirs de Louga © O. Ninot
Dibiterie traditionnelle à Koungheul © G. Magrin
Pour en savoir plus : Mankor A., Duteurtre G., D’Hauteville F. (2005), « Le marché de la viande à Dakar : La satisfaction des consommateurs en question »,
Blogowski A., Lagrange L., Valceschini E. (dir.), Au nom de la qualité : quelle(s) qualité(s) demain pour quelle(s) demande(s) ?, pp. 119-132.
�CHAPITRE TROIS :
La filière lait, du global au local
Des femmes apportant du lait à un point de collecte vers Diaglé © Cesaro JD, 2009
�24
Lait en poudre, lait de collecte
concurrence et complémentarités
Le lait a ceci de spécifique qu’il est un produit fragile et périssable. Sa collecte, son
traitement, son conditionnement, sa distribution et sa commercialisation finale exigent rapidité, hygiène et maîtrise du froid. La production locale sénégalaise ne peut
que rarement répondre à ces exigences. Elle est par ailleurs caractérisée par une
forte saisonnalité : relativement régulière en saison des pluies, la production ralentit
voire s’arrête pour la plupart des unités laitières en saison sèche. Les quantités de
lait frais produites localement sont donc faibles (de l’ordre de 100 à 150 millions
de litres selon les années) et ne couvrent qu’une partie (entre un tiers et la moitié)
des besoins, principalement sur le mode de l’autoconsommation. Estimées entre
200 et 250 millions de litres équivalent-lait, dont près de 80% de lait en poudre,
les importations subviennent à la majeure partie de la consommation urbaine.
Sous le terme de poudre de lait sont rassemblés des produits de qualité et d’origine
diverses, dont les importations soulèvent des problèmes à la fois d’ordre politique,
économique et social. D’un côté, les importations de poudre garantissent l’accès
pour toute la population à des produits laitiers à très bas prix; d’un autre côté, les
importations pénaliseraient les filières locales qui peinent à se développer. Enfin, en dépit d’un régime douanier spécifique adapté à ce produit sensible, les
recettes fiscales associées aux importations de poudre restent particulièrement
élevées (supérieures à 11 milliards de Fcfa au cours des années 2000, avant la
hausse des cours mondiaux de 2007) et pèsent dans l’équilibre budgétaire de l’État.
La politique douanière est souvent invoquée par les producteurs locaux comme
le principal obstacle au développement des filières nationales, qui concernent de
petites unités laitières comme des unités de taille et de capacité industrielle. Mais
les filières productives locales se heurtent à d’autres obstacles, comme la régularité
des approvisionnements. La vente du lait reste une activité accessoire, souvent
réservée aux femmes ; elle n’est jamais la principale justification d’un élevage
bovin. La mobilité saisonnière des troupeaux interrompt les approvisionnements
des petites unités laitières du nord du pays. L’alimentation du bétail en saison
sèche est en effet l’un des principaux goulets d’étranglement à l’intensification
de l’élevage, qu’il ait une vocation bouchère ou laitière. Les compléments
alimentaires sont coûteux et ne peuvent, au moins dans le Ferlo, être fournis par une
agriculture locale qui ne produit que peu de résidus valorisables par les éleveurs.
L’avenir des filières locales passe certainement par une régularisation de la collecte et
par des améliorations techniques (dont la maîtrise du froid) garantes d’une meilleure
intégration marchande. Le lait frais et les produits qui en sont tirés (yaourt, crème,
etc.) sont bien identifiés mais correspondent à un marché « haut de gamme » dont les
capacités de développement semblent limitées. L’apport de lait local dans des produits
à base de lait en poudre importés, compromis entre qualité et prix, est sans doute une
autre voie, moins exclusive et plus porteuse, pour le développement des filières locales.
Olivier Ninot
�III. La filière lait, du global au local
25
Les importations laitières au Sénégal
Autant que le riz, le lait reflète le modèle importateur
adopté par le Sénégal. Les importations couvrent les
deux tiers de la consommation nationale. La production
rurale étant largement autoconsommée, les importations
fournissent l’essentiel de la demande urbaine. Celle-ci a
connu une augmentation rapide, ces dernières années,
du fait de la croissance des villes et de l’émergence de
nouvelles formes de consommation. La dépendance a ses
revers, soulignés par la dévaluation du Fcfa ou la hausse
des prix de 2008, mais l’importation et le conditionnement du lait en poudre animent une filière dynamique de
transformateurs et de commerçants. G. M.
Les importations par rapport à la
production nationale en 2004
Production
nationale
estimée
116.000 t
250.000 t
Les importateurs sont parmi les acteurs les plus puissants
(du point de vue organisationnel et financier) de la
filière laitière au Sénégal. Ces entreprises fournissent
des centaines d’emplois et offrent d’importantes
recettes fiscales pour l’État. Le rôle des PME laitières est
d’importer la poudre de lait en vrac, de la re-conditionner
dans des sachets en y ajoutant de la matière grasse
animale ou végétale, ce qui imprime une marque locale.
Sachet et boîte de lait en poudre
importé et conditionné au Sénégal © S. Pinaud
Importation
en équivalent litre (EQ)
DIREL: 2006
Certaines
entreprises reconstituent le lait en poudre
en lait concentré, en lait caillé ou en yaourt avant de
procéder à la distribution. Le lait en poudre importé
représente 88% des importations laitières en 2004.
Beurre, yaourt, lait concentré et stérilisé forment le reste.
Importations de produits laitiers entre 1990 et 2002
© C. Broutin
Publicité pour Bridel à Ngor (Dakar) ©
G. Magrin
source : DSP
Le piège de la hausse des prix de 2007
Mais
les importations de produits laitiers contribuent à 15% du déficit commercial du Sénégal.
Ce n’est qu’avec les quotas laitiers européens et la
dévaluation du Fcfa (en 1994) que le Sénégal s‘est
intéressé au développement d’une filière de lait local.
Celle-ci se développe petit à petit mais pâtit du bas
niveau des prix lié aux importations.
La hausse des prix mondiaux du lait en 2007 aurait pu être une
opportunité pour la filière locale au Sénégal. Cependant, afin
de limiter la hausse du prix sur le marché intérieur, le gouvernement a mis en place des mesures d’exonération fiscale du
lait en poudre importé. L’ État s’est ainsi privé de recettes publiques afin de conserver une fragile paix sociale. Dans le même
temps, la baisse de la TVA a nui à la compétitivité de la filière
laitière locale face aux importations. Pour atténuer ces effets
négatifs, le ministre de l’élevage a élaboré à un programme national de relance de la filière laitière qui se concrétisa, fin 2008,
par un « volet élevage » dans la Grande Offensive Agricole pour
la Nourriture et l'Abondance (Goana). Mais celle-ci a une portée
encore limitée.
Pour en savoir plus : Duteurtre, Dieye, Dia (2005), Ouverture des frontières et développement agricole dans les pays de l’Uemoa : l’impact des importations de volailles
et de produits laitiers sur la production locale au Sénégal, Dakar, Isra, Études et Documents, vol. 8, n°1, 70 p.
�26
Les importations laitières
du Sénégal en 1999
Le Sénégal est devenu un
grand importateur de produits laitiers depuis la fin
des années 1970. La France et l’Union Européenne ont
été jusque dans les années
2000 les principaux fournisseurs,
avec 75 à 90% des importations.
Production laitière mondiale
en 2007
La production mondiale de lait est
estimée en 2007 à 650 millions
de tonnes. Le premier bassin
laitier dans le monde est l’Europe (Union Européenne et
Europe de l’Est) avec un peu
moins de 210 millions de tonnes de lait, soit près d’1/3 de la
production mondiale. Viennent
ensuite l’Inde (15%), l’Amérique
du Nord (15%), le reste de l’Asie
et l’Amérique Latine. Selon les estimations, l’Afrique ne contribue
qu’à 3% de la production mondiale.
Les importations laitières
du Sénégal en 2007
Le marché sénégalais
a été
très convoité ces dix dernières années. Les importations ont augmenté de
150% entre 1999 et 2007.
L’offre de produits importés sur le marché est en augmentation, avec un plus grand
nombre de marques car le réseau d’importateurs s’est diversifié.
�III. La filière lait, du global au local
27
Production nationale et unités laitières
Répartition des types d’unités laitières d’après D. Dia (2009)
Les ateliers artisanaux de trans-
formation du lait local sont en
plein essor. Leur nombre est passé de 5 en 1997 à plus de 50 en
2007. Des laiteries industrielles
collectent aussi du lait local, soit
pour une utilisation exclusive,
soit en complément de la poudre. Dans les bassins de collecte,
le lait fait l’objet de contrats tacites entre éleveurs et laiteries.
Ces contrats incluent parfois la
fourniture de compléments alimentaires pour le bétail, la formation à l’hygiène, ou l’avance
de trésorerie aux familles d’éleveurs. Dans les bassins d’élevage,
l’installation des laiteries contribue à la professionnalisation de
la production, à la structuration
des filières et à l’émergence de
nouvelles identités régionales.
O. N.
Le lait local, un produit social... et géographique
Le lait s’inscrit dans les habitudes alimentaires des éleveurs et est né-
Du lait et du lait caillé © JD Cesaro
cessaire à la croissance pondérale des veaux. Il est aussi à la base d’un
système de don et d’échange entre les éleveurs ainsi qu’entre éleveurs
et agriculteurs. Des études ont montré que la géographie des marchés
environnants influençait le rapport « social » et « marchand » au lait.
Plus un éleveur est proche d’un marché, moins l’auto-consommation
est forte. Ce ne sont pas seulement des raisons socio-économiques
qui freinent la commercialisation du lait, mais aussi l’organisation spatiale de la collecte et l’accessibilité aux marchés de consommation.
Consommer du lait local, un luxe ?
Le lait local est plus onéreux que le lait importé. Un litre de lait non transformé
acheté sur un marché rural vaut en moyenne 350 à 450 Fcfa en saison sèche.
Inversement, lors de la saison humide, le lait local, en abondance relative, n’a
plus de véritable valeur marchande. Le prix du lait transformé dans des unités
laitières prend en compte l’achat du lait aux éleveurs (200 Fcfa), le coût de la
collecte, le coût de transformation, et celui de la distribution. Un litre de lait
frais vaut en moyenne 650 Fcfa,
soit six fois plus que l’équivalent
Prix moyen en Fcfa
d’un litre de lait en poudre. Le
selon le type de lait
marché des unités laitières est
en 2009:
donc un marché de niche. Il cible
en priorité les classes moyennes
et supérieures, les hôtels et les
chaînes de restauration.
Vendeuse de lait à Dahra
© O. Ninot
Pour en savoir plus : Dieye P.N., Broutin C., Duteurtre G., Dia D. (2009), « Produits laitiers : importations, industries urbaines et dynamiques artisanales
locales », dans Duteurtre G., Faye M.D et Dieye P.N. (Dir.) : L’agriculture sénégalaise à l’épreuve du marché, Isra, Karthala, Paris, pp. 305-328.
�28
Le bassin laitier autour de Kolda
La Haute Casamance apparaît comme une région pauvre,
enclavée et peu urbanisée, connue surtout pour son rôle
prépondérant dans la production cotonnière nationale. Depuis
la fin des années 1990, elle a pourtant connu une dynamique
originale, marquée par l’émergence de ceintures laitières
périurbaines autour de Kolda et Vélingara, puis dans quelques
gros bourgs. On y collecte et transforme du lait dans une dizaine
de petites unités artisanales tournées vers le marché urbain
régional ou les grands marchés hebdomadaires comme Diaobé.
L’encadrement – société cotonnière, services de l’Etat, ONG
– a joué un rôle important dans la structuration de la filière
et les processus d’intensification nécessaires (complémentation
de saison sèche). G.M.
Collecteurs en bicyclette
dans la région de Kolda © G. Magrin
Les bassins de collecte dans l’arrondissement de Kolda
d’après D. Dia (2009)
Le développement de la ceinture laitière périurbaine
de Kolda est ansi lié à la présence d’instances de
concertation regroupant les acteurs de la filière tels
que les producteurs, les livreurs, les transformateurs,
mais aussi les auxiliaires de santé animale, les
instituts de recherche en agronomie comme l’ISRA.
Au fil des années, l’approvisionnement des unités de
transformation laitière installées à Kolda, avec des
capacités de 80 à 350 litres par jour, a été assuré par
les villages localisés dans la périphérie de la ville. En
milieu fouladou, cette nouvelle donne fut acueillie
comme une révolution de l’élevage.
Tank de la Sodefitex © G. Magrin
Bassins laitiers et tanks dans la région de Kolda
d’après N. Dia (2009)
En 2006, la Sodefitex a élargi le bassin laitier de Haute
Casamance au-delà des ceintures périurbaines,
grâce à la mise en place en milieu rural de 7 centres
de refroidissement (appelés tanks). Le lait enlevé
par camion était vendu à Dakar et dans les villes
de l’Ouest du pays, en attendant la construction
d’une usine régionale de conditionnement. Mais
l’opération s’est révélée peu rentable du fait de
l’insuffisance de la production en saison sèche,
des coûts de conservation et de transport. Depuis
2008, le nombre de tanks collectés a été diminué.
Leur lait n’est plus vendu qu’aux mini-laiteries de
la région.
Pour en savoir plus : Dieye P.N., Montaigne E., Duteurtre G., Boutonnet J.P. (2008), « Le rôle des arrangements contractuels dans le développement du
système laitier local et des mini-laiteries au Sénégal », Economie Rurale, n°303-305, pp. 108-122.
�III. La filière lait, du global au local
29
Ce qui reste du lait à Dahra
Au cœur du Ferlo, principal bassin de production
bovine, Dahra présente des atouts importants pour le
développement d’une filière laitière : proximité d’un
cheptel nombreux et de grandes villes (Saint-Louis,
Touba, Dakar) accessibles par des routes goudronnées.
Pourtant, une première expérience, menée par Nestlé dans
les années 1990, s’est soldée par un échec, l’unité laitière
ne parvenant pas à régulariser les approvisionnements
(tant en quantité qu’en qualité) auprès des éleveurs locaux.
Trois autres unités sont aujourd’hui encore actives mais
rencontrent les mêmes difficultés. Dahra symbolise ainsi
tout le paradoxe de la filière lait sénégalaise qui ne parvient
pas à se maintenir après le départ des agents extérieurs,
malgré un potentiel certain. O.N.
La firme Nestlé a établi en 1991
Panneau de l’ancien centre
Nestlé à Dahra © J.D Cesaro, 2009
un réseau de collecte de lait frais
dans le Ferlo. Chaque centre était
équipé d’un circuit de froid. Ces
outils étaient placés à la sortie
des chefs-lieux de communauté
rurale et implantés en bordure
des axes routiers. D’autres
infrastructures de conservation
temporaire se trouvaient dans
des villages réputés grands producteurs de lait. Cependant, le
lait n’était collecté qu’en saison humide et le prix était une source
de tension entre les éleveurs et Nestlé. En 2002, Nestlé a revendu
ses unités de transformation à des institutions et à des privés. Dès
lors, les quantités collectées n’ont cessé de diminuer : 200.000
litres en 2003, 50.000 en 2004 et seulement 10.000 en 2005. Ces
unités sont encore aujourd’hui en activité, au même niveau de
production qu’en 2005.
Réseau actuel d’unités laitières hérité de Nestlé
d’après D. Dia (2009)
Production moyenne des points de collecte
entre 1991 et 2002 d’après D. Dia (2009)
Le véhicule réfrigéré de collecte de l’ADID en 2008 © O. Ninot
D’autres
unités laitières ont été créées récemment à Dahra :
celle de l’ADID, de Hunger Project (association de femmes),
ou encore celle de l’association pour le développement des
éleveurs du Jolof (Bamtaare Aynaabe Jolof). Mais aucune ne
parvient à assurer une production régulière en toutes saisons,
ni à vendre plus de 100 litres de lait par jour. Toutes se heurtent
à des difficultés d’approvisionnement et d’accès au marché.
Surtout, ces unités laitières ont bénéficié de soutiens techniques
et financiers d’ONG sans lesquelles leur pérennité n’est pas
assurée. Dépendants de ces aides extérieures, les acteurs locaux
de la filière de production laitière à Dahra ne semblent ainsi pas
en mesure, aujourd’hui, de porter seuls son développement.
Pour en savoir plus : Vatin F. (1996), Le lait et la raison marchande : essai de sociologie économique, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 205 p.
�30
La collecte de la Laiterie du Berger
Circuits de collecte de la Laiterie Du Berger d’après J.D Cesaro (2009)
La vallée du fleuve Sénégal a connu
d’importantes mutations au XXe siècle. Les
aménagements hydrauliques et la riziculture
ont profondément modifié la mise en
valeur agricole et pastorale du lit du fleuve.
L’élevage a été le grand oublié des politiques
de développement malgré le potentiel laitier
associé à la présence permanente de l’eau et
à la qualité des pâturages de décrue et postrécoltes. Après la création de quelques petites
unités laitières artisanales au cours des années
1990-2000, une laiterie industrielle importante
a commencé à collecter en 2006 dans l’arrièrepays de Richard-Toll. Elle collecte auprès de
250 chefs de familles aussi bien le long du
fleuve (Waalo) que dans l’intérieur des terres
(Diéri) dans un rayon de 35 kilomètres. La
production journalière est estimée à 2.000 litres
en saison humide. Pour maintenir les éleveurs
dans la zone de collecte en saison sèche, la
laiterie accorde des crédits en aliment de bétail,
deux fois moins chers que sur le marché. Elle
cherche ainsi à développer le troupeau de case
de saison sèche. J-D C.
Pour rentabiliser la distance parcourue par les voitures de collecte, des
regroupements d’éleveurs ont été encouragés par la laiterie. Certains éleveurs fournissent ensemble leur lait dans un même bidon. D’autres, trop
éloignés des circuits, parcourent trois à six kilomètres pour atteindre un
point de collecte. Au-delà, le gain
Un collecteur note dans un cahier
par rapport au temps demandé ne
les quantités collectées
semble plus intéresser les éleveurs.
© JD Cesaro (2009)
Stratégies des éleveurs collectés en saison sèche d’après J.D Cesaro (2009)
Collecter dans le Diéri en saison sèche suppose
source J.D Cesaro
que la Laiterie du Berger soit réactivte et souple
pour réorganiser en permanence les circuits
en fonction des déplacements des éleveurs.
La proximité du lac de Guiers est un atout en
période de panne générale de forage, comme
en avril 2009 lorsque les fournisseurs du circuit
d’Alassanne (à l’ouest) ont abreuvé les troupeaux au lac pour rester collectés. Les parcours
post-récoltes autour du forage de Diaglé forment aussi une réserve herbacée importante,
que certains pasteurs utilisent pour continuer à
être collectés. Les pasteurs du circuit de Mouda
(à l’est) ont été nombreux à partir rapidement
vers le sud. Les circuits ont alors été allongés
de sept kilomètres pour collecter ces éleveurs
transhumants et maintenir un certain niveau
de production. Cela montre que les éleveurs
comme la Laiterie du Berger peuvent s’adapter
à certains aléas.
Pour en savoir plus: Cesaro J.D (2009), Mobilité pastorale et accès aux marchés : le cas des éleveurs du forage de Niassanté, mémoire de Master 1, Université Paris 1/
CIRAD, 175 p.
�III. La filière lait, du global au local
31
Du lait à la périphérie de Dakar
Les fermes intensives de la zone des Niayes d’après D. Dia (2009)
L’urbanisation de la presqu’île du Cap Vert
repousse peu à peu l’élevage extensif. Les
populations pastorales se sont adaptées
aux contraintes spatiales de cette presqu’île
peu étendue depuis le début du XXe siècle,
tout en recherchant le marché offert par
l’agglomération de Dakar, principal bassin
de consommation national. A la fin du XXe
siècle, sous l’effet d’une forte croissance
démographique, l’extension désordonnée
du bâti et de l’agriculture périurbaine
restreignent les terrains de parcours :
l’élevage s’intensifie ou se déplace. Les
éleveurs pastoraux s’implantent alors au
sud des Niayes, voire dans le Ferlo, ce qui
rend plus difficile la commercialisation de
leur lait. D.D.
Salle de traite de la ferme de Niacoulrab
© D.Dia (2009)
La forte pression foncière dans la zone des Niayes a eu des conséquences sur les
dimensions des exploitations. Les premières fermes implantées dans les années
1980 ont aujourd’hui près de 200 vaches en moyenne; celles des années 2000
n’en n’ont que 50. La superficie des exploitations est passée de 89 ha pour les
plus anciennes fermes à 5 ha pour les plus récentes. Les productions varient
énormément d’une laiterie à l’autre : de 7 à 2.000 litres par jour. La production
laitière des fermes intensives de la zone des Niayes représente moins de 2 % de
la production nationale. Elle trouve facilement preneur du fait de sa situation.
Front d’urbanisation de la zone des Niayes en 2009 © Google Earth
Localisation
Espace rural
périurbain
Zone d’urbanisation
Les villages de collecte de la fromagerie de Keur Moussa d’après D. Dia (2009)
La fromagerie de Keur Moussa
Créée à la fin des années 1970 sous l’égide
du monastère local, la fromagerie de Keur
Moussa valorise du lait de chèvre des
régions de Dakar et de Thiès. L’organisation
de la collecte se fait par secteurs. Les
points de collecte sont choisis en raison
de la difficulté d’accès de certaines zones.
Leur aire de desserte maximale est de six
kilomètres. La production d’un groupe de
villages y converge, ce qui permet de faire
venir le lait à l’unité centrale avant 11h du
matin. La commercialisation du fromage
de chèvre présente des circuits différents
de ceux du lait. Le fromage de Keur Moussa
est vendu dans les grandes surfaces et
les hôtels. Les principaux clients sont le
Casino du Port, le Méridien Président et
le Lagon à Dakar, l’hôtel de la Résidence
à Saint-Louis et quelques établissements
hôteliers de la Petite Côte.
Pour en savoir plus: Dia D. (2009), Les territoires d’élevage laitier à l’épreuve des dynamiques politiques et économiques : éléments pour une géographie du lait au Sénégal,
thèse UCAD, ISRA/BAME, 336 p. Consultable: http://www.bameinfopol.info/IMG/pdf/These_Djiby_Dia__Les_territoires_du_lait_Senegal.pdf
�32
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�Conception graphique et cartographie : Jean-Daniel Cesaro
Rédaction des notices : Géraud Magrin, Olivier Ninot, Jean-Daniel Cesaro
Les auteurs
Jean-Daniel Cesaro
Géraud Magrin
Olivier Ninot
Géographe-cartographe
Titulaire du master Carthagéo
recherche, Université Paris 1
Docteur en géographie, chercheur au
Centre de coopération internationale
en recherche agronomique pour le
développement (Cirad), UMR Prodig /
UMR Tetis, chercheur associé à l’UGB
Docteur en géographie, ingénieur
de recherches au Centre national
de la recherche scientifique (CNRS),
directeur adjoint de l’UMR Prodig
(www.prodig.cnrs.fr)
Avec les contributions de : Guillaume Duteurtre, Djiby Dia, Jules Grandin, Néné Dia
Remerciements particuliers à
Ibra Touré (Cirad)
Abdrahmane Wane (Cirad)
Anne Duvergé
Coordinateur du projet Icare : Guillaume Duteurtre
Présentation du projet Icare
L’Afrique connaît depuis 2000 une ouverture accélérée de
ses marchés, liée à la signature d’accords internationaux et
au renforcement de l’intégration régionale.
Cette internationalisation des échanges, qui engage
une fraction croissante des économies africaines dans la
concurrence mondiale, est pour ce continent un processus
à double tranchant. Du point de vue de la consommation,
l'ouverture commerciale facilite l’approvisionnement des
villes en denrées de base et en produits transformés, mais
elle est également une source potentielle d’insécurité
alimentaire en raison des risques de brusques variations
des prix à la hausse. Du point de vue de la production,
l’internationalisation des marchés offre de nouvelles
opportunités à l’exportation pour les agricultures africaines,
mais la concurrence accrue des importations fragilise les
productions locales sur les marchés domestiques.
Cette configuration nouvelle, porteuse d’espoirs comme
de craintes, induit de nouvelles questions de recherche, en
particulier dans le secteur de l’élevage.
Le projet Icare a été mené de 2007 à 2009, Il visait à saisir
l’impact de l’internationalisation des marchés sur le développement territorial dans les régions d’Afrique où l’élevage joue un rôle structurant. Plusieurs études de terrain
ont été conduites au Sénégal, au Mali, en Éthiopie, et au
Somaliland, dans des régions où l’élevage des ruminants
constitue un des piliers des économies et des territoires.
Les objectifs étaient triples : affiner les constats, développer des méthodologies d’analyse adaptées, formuler des
recommandations politiques.
Le projet Icare a été financé et coordonné par le Centre
de coopération internationale en recherche agronomique
pour le développement (Cirad). Il s’est appuyé sur la
participation de nombreux partenaires : universités, centres
de recherche nationaux et internationaux, institutions de
développement. Parmi eux, le projet a travaillé en particulier
avec l’Institut sénégalais de recherches agricoles (Isra), le
Pôle pastoral zones sèches (PPZS), l’Institut d’économie
rurale (IER), l’International Livestock Research Institute (Ilri)
et le département de géographie de l’Université Gaston
Berger (UGB) de Saint-Louis au Sénégal.
Juillet 2010
Photographie de couverture: Téfankés et éleveurs autour du daral bovin de Niassanté, 2009, Jean-Daniel Cesaro
Photographie 4e de couverture: Marché de moutons pendant la Tabaski à Dakar, 2008, Olivier Ninot
http://www.bameinfopol.info
http://www.cirad.fr
http://epe.cirad.fr/
�Atlas de l’élevage au Sénégal
Commerce et territoires
Au Sahel, l’avenir du secteur élevage semble incertain. La fragilisation des
écosystèmes et le développement rapide de l’économie de marché paraissent
remettre en cause les formes traditionnelles de l’élevage. Pourtant, dans de
nombreux cas, les éleveurs des zones rurales montrent d’étonnantes capacités
d’adaptations aux évolutions en cours. C’est cette réalité que décrit le présent
ouvrage.
Au Sénégal, l’élevage est une réalité sociale et économique omniprésente
et multiforme. Loin des clichés tenaces qui le réduisent à une activité
« contemplative », l’élevage se décline suivant les lieux du pastoralisme
extensif à l’élevage intra-urbain, en passant par des formes intermédiaires
variées de mobilité, de relation à l’agriculture et à la ville. Deux Sénégalais
sur trois possèdent des animaux domestiques ; l’élevage ferait vivre en partie
un habitant sur trois. Depuis longtemps, le secteur participe à l’économie
nationale et régionale des échanges. Malgré des politiques publiques agricoles
privilégiant les productions végétales, il a su répondre aux besoins croissants
associés à l’essor démographique, à l’urbanisation, à l’évolution des modèles
alimentaires. Sa couverture de la demande nationale en produits laitiers
reste insuffisante, et les 2/3 des produits laitiers consommés proviennent
des importations. Mais le cheptel national ou régional pourvoie encore à
l’essentiel de la consommation en viande.
Cet atlas se propose d’illustrer cette diversité de l’élevage sénégalais en
mettant l’accent sur les filières de commercialisation de la viande et du lait.
Il s’agit de montrer, à différentes échelles, comment ces filières s’inscrivent
dans les territoires, pour éclairer leur potentiel et leurs fragilités. Les données
utilisées ont été principalement produites dans le cadre du projet de recherche
Icare, mené entre 2007 et 2009 et financé par le Cirad. Les résultats de terrains
acquis au cours du projet ont été complétés par des matériaux d’origines
diverses sur l’élevage au Sénégal.
En 3 chapitres et 18 planches illustrées et commentées, cet ouvrage donne
des clés pour comprendre la complexité des enjeux de modernisation de
l’élevage dans le pays le plus urbanisé du Sahel.
Le projet Icare a été mené au Sénégal par les institutions suivantes :
ISBN : 2-901560-78-4
�
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Atlas de l'UMR PRODIG
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Atlas - Géographie - Pays du Sud
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Collection d'Atlas
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Atlas de l'élevage au Sénégal. Commerce et territoires
Subject
The topic of the resource
Territoire - Commerce de détail - Bétail - Elevage- Lait - Sénégal
Description
An account of the resource
Cet atlas s'intéresse à l’élevage des ruminants – bovins, ovins et caprins, qui joue un rôle majeur en zone rurale.Afin de rendre compte le mieux possible des évolutions actuelles, le présent recueil propose de croiser deux lectures : l’une, horizontale, aborde les dynamiques des espaces ruraux ; l’autre, verticale, interprète le fonctionnement des filières. (36 p., 43 cartes, 8 tabl., 22 ill.).
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CESARO, J.-D.
MAGRIN, G.
NINOT, O.
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CIRAD - UMR 8586 PRODIG - PÔLE PASTORAL ZONES SECHES - ISRA - UNIVERSITE GASTON BERGER
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2010
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Atlas
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Atlas - Géographie - Pays du Sud
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Atlas problématique d'une métropole vulnérable. Inégalités urbaines à Lima et à Callao
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The topic of the resource
Atlas - Métropole - Inégalité urbaine- Vulnérabilité - Population urbaine - Territoire -Gouvernance
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METZGER, P.
GLUSKI, P.
ROBERT, J.
SIERRA, A.
Publisher
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IRD - UMR8586 PRODIG
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
2014
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Language
A language of the resource
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Type
The nature or genre of the resource
Atlas
Description
An account of the resource
Cet atlas propose une lecture de Lima et Callao en trois chapitres, et tente la démonstration que la connaissance de la ville, de sa production et de son fonctionnement est une exigence pour comprendre sa vulnérabilité, faisant ainsi le lien entre études de risques et études urbaines. (36 p., 40 cartes, 36 ill.).
Contributor
An entity responsible for making contributions to the resource
IRD - UMR8586 PRODIG
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pérou (Lima et Callao)